29 juillet 2018

Le Prophète Muhammad (PSL) un stratège et la naissance de deux écoles d'interprêtation


Les musulmans étaient en grande difficulté. Les jours passaient et les Coalisés étaient aussi en situation difficile. Ils n’avaient plus beaucoup de vivres. Les conditions climatiques étaient particulièrement contraignantes compte tenu du froid intense qu’ils devaient affronter pendant des nuits.

Le Prophète Muhammad (PSL) tenta de négocier la sécession des deux clans des Ghatafân en leur offrant un tiers des dattes de Médine, ils informèrent son émissaire qu’ils en voulaient la moitié, mais le Prophète Muhammad (PSL) maintient son offre qu’ils finirent par accepter. Au moment d’envoyer ‘Uthmân conclure le marché, le Prophète (PSL) consulta les chefs de clans das Aws et des Khazraj. Ceux-ci lui demandèrent les raisons de son choix. S’agissait-il d’une Révélation ou d’un choix personnel. Le Prophète (PSL) répondit qu’il s’agissait d’une initiative personnelle destinée à les protéger. Les Aws et les Khazraj refusèrent les termes de ce traité et annoncèrent à l’Envoyé (PSL) que, étant donné la situation, il n’y avait d’autres issue que le combat. 

Le Prophète (PSL) reçut au même moment la visite de Nu’aym ibn Mas’ûd, venu annoncer sa conversation à l’Islam que personne ne soupçonnait. Il se mettait à la disposition du Prophète (PSL). Nu’aym était très connu et très respecté par les chefs qui tenaient le siège de Médine. Le Prophète (PSL) lui dit :


« Fais ce qu’il faut pour semer la discorde parmi eux ! »


Nu’aym lui demanda s’il était permis de mentir et le Prophète (PSL) lui répondit :


« Dis ce que tu veux pour desserrer l’étau autour de nous ; la guerre est tromperie ! » (Ibn Hishâm, op. cit., vol. 4, p. 188)


Nu’aym s’en alla et conçut un stratagème efficace. Il se rendit d’abord chez les Banû Qurayza et les mit en garde contre les intentions de leurs nouveaux alliés. En cas de situation difficile, leur dit-il, ceux-ci n’hésiteraient pas à les laisser, et ils seraient livrés au Prophète Muhammad (PSL) sans aucune protection. Il leur conseilla d’exiger que des hommes leur fussent envoyés en tant qu’otages  comme une assurance qu’ils ne les abandonneraient pas. Ils furent séduits par l’idée et envoyèrent un émissaire auprès des chefs des Quraysh afin de leur exposer cette requête. Nu’aym s’empressa de se rendre chez Abû Sufyân pour l’avertir que les Banû Qurayza le trompaient, et qu’ils étaient en fait les alliés du Prophète Muhammad (PSL). Il lui affirma qu’ils allaient lui demander des hommes comme garantie de fidélité, mais qu’ils voulaient en réalité les livrer au Prophète Muhammad (PSL) en témoignage de leur bonne foi.

Quand l’émissaire des Banû Qurayza parvint auprès d’Abû Sufyân et lui exposa la requête des otages, ce dernier fut convaincu que Nu’aym avait dit vrai et que les Banû Qurayza étaient en train de les tromper. Il convoqua sur le champ Huyay, le chef des Banû Nadîr, qui avait négocié l’alliance avec les Banû Qurayza. Huyay, surpris et décontenancé, ne sut d’abord que répondre, et Abû Sufyân crut percevoir un aveu de traitrise.

Les premiers craquellements apparaissaient dans le camp des Coalisés. Certains clans se faisaient une confiance profonde tandis que la méfiance régnait parmi les autres. Ces nouvelles entamèrent la détermination des combattants autour des Quraysh. La fatigue et le manque de vivres ajoutaient à l’atmosphère de découragement. Un vent fort et glacial s’abattit alors sur la plaine et les persuada qu’ils étaient désormais impossibles de vaincre les musulmans.

Le Prophète Muhammad (PSL) était informé de l’état du moral des troupes ennemies. Il envoya Hudhayfa en éclaireur, pendant la nuit, et celui-ci revient avec la bonne nouvelle de leur totale déroute. Le chaos régnait dans les rangs et le froid paralysait les combattants. Ces derniers étaient en train de lever le camp, et de nombreux autres combattants étaient déjà partis.

Le Prophète (PSL) annonça la bonne nouvelle à ses compagnons après la prière du matin. Le lever du soleil confirma que l’ennemi s’en était allé. Le siège avait duré vingt-cinq jours, durant la cinquième année de l’Hégire (627), et les Coalisés s’en retournaient défaits, sans avoir combattu, portant sur leurs épaules le poids d’une défaite aussi réelle que symbolique.

Le Prophète Muhammad (PSL) libera ses hommes et leur permit de se rendre dans leur foyer. L’ennemi s’en était allé et le siège était levé. Les Médinois épuisés étaient heureux du dénouement qu’ils n’espéraient plus alors qu’ils avaient eux-mêmes atteint la limite de leur résistance. Le Prophète Muhammad (PSL) s’en retourna également chez lui et se reposa jusqu’à la première de l’après-midi. Lorsque celle-ci eut été accomplie, l’Ange Gabriel vint à sa rencontre et l’informa que Dieu lui commandait de se rendre immédiatement auprès des Banû Qurayza qui l’avaient trahi et qui n’avaient pas été loin de provoquer la perte et l’extermination de la communauté de Médine.

Le Prophète (PSL) apostropha sur-le-champ ses compagnons et l’ensemble de l’auditoire présent à la mosquée en leur demandant de se préparer. Il s’agissait de faire le siège de la forteresse des Banû Qurayza


« Qu’aucun d’entre vous n’accomplisse la seconde prière de l’après-midi (al-‘asr) avant d’avoir atteint le territoire de Qurayza. » (Ibn Hishâm, op. cit., vol. 4, p. 193)


Le temps était compté et les compagnons qui avaient espéré se reposer enfin, n’eurent que le temps de réunir leurs affaires, d’enfiler leur tenue de combat et de se mettre en route.

Entre les groupes qui se rendaient à Banû Qurayza, une dispute éclata. Il était l’heure de la prière d’al-asr. Un groupe, répétant littéralement l’ordre du Prophète Muhammad (PSL), affirma qu’il était exclu d’accomplir la prière en route et qu’il fallait attendre d’être parvenu à Banû Qurayza. L’autre groupe rétorqua que l’intention du Prophète (PSL) était qu’il fallait se dépêcher de s’y rendre, mais que, lorsque l’heure de la prière était venue, il fallait bien sûr l’accomplir à son heure. Un groupe s’abstint donc de prier en s’en tenant à la formulation littérale et l’autre pria en se référant à l’intention, à l’esprit et à l’objectif de la recommandation. Ils s’enquirent de la bonne interprétation  et le Prophète (PSL) accepta les deux compréhensions. Cette attitude allait avoir des conséquences majeures pour l’avenir de la communauté musulmane. Car après la mort du Prophète (PSL), deux grandes écoles de pensée verront le jour :


-        Ahl al-hadith qui à la suite de ‘Adb Allah ibn ‘Umar et selon l’esprit du premier groupe susmentionné, s’en tiendront à la littéralité des propos contenus dans la tradition prophétique (Sunna), et
-        Ahl ar-ra’y  avec ‘Abd Allah ibn Mas’ûd qui chercheront à comprendre l’objectif du propos, sa finalité, son esprit et son sens parfois figuré.


Les deux approches avaient été agréées par le Prophète (PSL). Il s’agissait donc de deux façons justes et légitimes de rester fidèle au Message.

Yathrib 786
Le 29 juillet 2018

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