24 février 2019

Rupture du Pacte d’al Hudaybiyya et la préparation de la prise de la Mecque


Le pacte d’al Hudaybiyya concernait la communauté de Médine et les Quraysh ainsi que tout leur alliés. Les Khuzâ’a étaient les alliés du Prophète Muhammad (PSL) et l’un de leurs clans, les Banû Ka’b, fût traîtreusement attaquée de nuit par les Banû Bakr, alliés des Quyash, qui tuèrent un de leurs hommes.

Les Banû Ka’b envoyèrent immédiatement un émissaire au Prophète Muhammad (PSL) pour lui faire part de cette trahison. Il s’agissait d’une rupture du pacte, et le Prophète Muhammad (PSL) décida que ce crime ne devait point sans suite. Il se devait de venir en aide ses alliés de Khuzâ’a.

De leur côté, les Quraysh comprirent la gravité de la situation. Ils décidèrent d’envoyer leur homme le plus influent afin de persuader le Prophète Muhammad (PSL) de ne point réagir à cet acte isolé.

Depuis la signature du pacte, les Quraysh n’avaient de cesse de jouer de jouer avec les termes et les limites du traité. Ils n’hésitaient jamais à inciter d’autres clans à s’en prendre à la communauté des musulmans pour les affaiblir, voire les attaquer. Cette fois,  la limite avait été franchie, et c’est pourquoi Abû Sufyân en personne se rendit à Médine pour parlementer avec le Prophète (PSL). Celui-ci fut sec et garda ses distances. Abû Sufyân tenta de passer par l’intermédiaire de sa fille, Um Habîba (la femme du Prophète) puis de ‘Alî, mais il ne trouva aucune possibilité de négocier. Le Prophète (PSL) resta silencieux, de même que ses compagnons. Abû Sufyân ne savait que penser de la situation.

Dans les semaines qui suivirent, le Prophète Muhammad (PSL) demanda aux musulmans de se préparer à une expédition dont il tînt l’objectif secret. Seuls quelques proches savaient ce qu’il en était. Il leur demanda de faire courir plusieurs bruits contradictoires. Il fallait laisser entendre que le convoi allait se diriger vers la Syrie, ou encore vers Thaqîf ou contre les Hawâzin.

Après une invocation dans la mosquée, le Prophète (PSL) eut une vision qui l’informait que le secret allait être trahi et qu’une femme se rendait auprès des  Quraysh avec une missive leur annonçant une attaque imminente. Il fit intercepter cette femme alors qu’elle se dirigeait vers la Mecque. Et elle remit le message aux messagers du Prophète (PSL). Ce dernier décida de pardonner au traitre, Hâtib, qui avait donné la lettre à la femme. Les motivations de ce dernier étaient d’ordre familial.  Il resta libre et le Prophète (PSL) ne prit aucune mesure contre lui malgré le désir d’Umar de l’exécuter.

Le Prophète (PSL) se concentra sur les préparatifs de guerre en envoyant des émissaires auprès de tous les clans alliés afin qu’ils se préparent à rejoindre les musulmans une expédition dont ils ne connaissaient point l’exacte destination.

L’expédition se mit en route pendant le mois de Ramadân, et le Prophète (PSL) laissa d’abord les musulmans décider s’ils voulaient jeûner ou non. Il jeûna lui-même jusqu’au camp de Marr az-Zahrân, où il exigea que l’on rompe le jeûne. Les soldats auraient besoin de toute leur énergie. Sur la route, il demanda à un musulman de faire en sorte qu’une portée de chiens, qu’il aperçut sur le bord  la route, soit protégée des piétinements de leur armée. Il exprimait ainsi le souci de la vie, quelle qu’elle soit. Il tenait à protéger les chiots de l’inconscience des soldats.

Le camp de Marr az-Zahrân était situé à la croisée de plusieurs chemins. La destination pouvait bien encore être le Najd, vers l’est, ou encore Ta’if ou la Mecque. ‘Abbâs qui avait quitté la Mecque pour venir s’installer à Médine, eut vent du mouvement des musulmans et vint les rejoindre. Quand ceux-ci s’installèrent, le Prophète (PSL) demanda à chaque musulman d’allumer un feu pour impressionner l’adversaire : dix mille feux furent ainsi allumés, qui faisaient croire à la présence d’une extraordinaire armée. Les Quraysh comme les autres tribus craignant d’être attaquées, décidèrent d’envoyer des émissaires pour connaître les intentions du Prophète (PSL).


Du côté des Quraysh, ce fût Abû Sufyân qui, cette fois encore, vin trouver le Prophète (PSL) accompagnée de deux autres émissaires, Hâkim et Budayl, afin de le persuader de ne point attaquer la Mecque. Ils parlementèrent longtemps, mais comprirent que la détermination du Prophète (PSL) était inébranlable. Ils observèrent les compagnons et l’atmosphère de sérénité qui se dégageait du camp. Hakîm et Budayl décidèrent de se convertir à l’Islam. Abû Sufyân affirma qu’il acceptait première partie du témoignage 


(« Il n’est de dieu que Dieu »)

, mais qu’il demeurait en lui encore quelques doutes quant au statut du Prophète Muhammad (PSL). Il désirait du temps avant de prononcer la seconde partie du témoignage 


(« Muhammad est son Envoyé ») (Ibn Hishâm, op. cit., vol. 5, p. 59)


Il passa la nuit au camp et à la suite de la prière du matin, après avoir observé la dévotion des musulmans et leur comportement avec le Prophète, il décida, sur les conseils de ‘Abbâs, de prononcer entièrement l’attestation de la foi. Le Prophète (PSL) savait que ce mouvement de cœur restait très fragile, et il demanda à ‘Abbâs d’accompagner Abû Sufyân à l’extrémité de la vallée afin que celui-ci observe l’armée musulmane. Cette décision opéra son effet, et Abû Sufyân fut grandement impressionné.

Auparavant ‘Abbâs avait murmuré et rappelé au Prophète (PSL) qu’Abû Sufyân aimait les honneurs. Il lui conseilla de ne point l’oublier.

Le Prophète (PSL), en psychologue, n’oublia pas ce conseil et lui fit savoir que toutes personne qui, à la Mecque, chercherait refuge chez Abû Sufyân, ou dans le sanctuaire de la Ka’ba ou qui resterait simplement enfermé chez elle, serait protégée et aurait la vie sauve.

Abü Sufyân se précipita à la Mecque avant que l’armée musulmane y parvienne et conseilla à tous (sous les moqueries de sa propre femme Hind, qui le traitait de fou et de lâche et d’autres notables, comme ‘Ikrima, fils d’Abû Jahl, qui l’insultaient) de se rendre et de ne pas opposer de résistance à l’extraordinaire armée du Prophète (PSL).

Le Prophète Muhammad (PSL) avait transformé Abû Sufyân en allié objectif de son opération. Non seulement parce que celui-ci s’était converti à l’Islam, mais aussi et surtout parce qu’il avait su être à l’écoute de son caractère et de sa personnalité.


Le Prophète (PSL) affirmait ainsi les principes communs et savait tenir compte des caractères particuliers. Il avait pour mission de réformer ces derniers par les premiers, mais il n’était pas question pour lui de négliger les tempéraments, les aspirations et les spécificités qui façonnaient la personnalité de chacun. Son message imposait les principes de l’égalité de tous dans la justice, en même temps que la psychologie de la différence et de la singularité de chacun dans la foi.


Yathrib786
Le 24 février 2019

17 février 2019

Mu’ta ou la dimension mystique du Prophète Muhammad (PSL) et l’exploit de Khâlid ibn Walîd


Quelques mois s’étaient écoulés après le Petit pèlerinage, le Prophète Muhammad (PSL) décida d’envoyer des émissaires vers le Nord afin de s’assurer de la solidité des alliances établies et la possibilité pour les musulmans de se rendre en Syrie pour entretenir leurs commerces.

Quinze hommes furent envoyés. Quatorze d’entre eux furent tués alors qu’au même moment un autre émissaire, envoyé à Busra, était également intercepté et exécuté par un chef de la tribu des Ghâssan. Il était clair que la menace s’amplifiait du côté de la Syrie. Et ces assassinats d’émissaires pacifiques devaient obtenir réparation. Le Prophète Muhammad (PSL) décida d’envoyer une armée de trois mille hommes à la tête de laquelle il installa, à la surprise de beaucoup des compagnons, l’ancien esclave Zayd ibn Hâritha. Il précisa que si celui-ci devait être tué, le commandement incomberait à Ja’far ibn Abî Tâlib, récemment revenu d’Abyssinie. Et si ce dernier devait mourir, alors ‘Abd Allah ibn Rawâh prendrait sa succession.

Ils se mirent en route. Et lorsqu’ils parvinrent à proximité de la Syrie, ils apprirent qu’une majorité de tribus arabes s’étaient unies et qu’elles étaient parvenues à obtenir le soutien des  troupes impériales byzantines. Ce qui portait leur nombre à plus de cent mille (100 000) hommes. Avec trois mille hommes à disposition, les musulmans ne pouvaient rien espérer. Une consultation eut lieu afin de décider s’il fallait retourner à Médine, envoyer un émissaire pour demande au Prophète Muhammad (PSL) du renfort, ou simplement aller de l’avant et mener le combat malgré la disproportion des forces en présence.

Poussés par la fougue et la confiance, ils décidèrent d’aller de l’avant selon les premiers plans établis et sans rien dire au Prophète (PSL). Ils arrivèrent à proximité de l’ennemi, l’observèrent, puis changèrent brusquement de route vers Mu’ta, dont la topographie était plus favorable.

Les troupes arabes et byzantines les poursuivirent croyant qu’ils battaient en retraite. Arrivés vers Mu’ta, Zayd commanda à ses troupes d’attaquer subitement jouant sur l’effet de surprise. Cette stratégie ébranla un instant l’ennemi mais ne suffit pas.  Zayd fut tué, puis son successeur Ja’far, puis enfin ‘Abd Allah. Les troupes musulmanes étaient en déroute, et ce fit finalement Khâlid ibn al-Walîd qui prit le commandement des opérations. Il réunit les troupes musulmanes et leur permit de se protéger de toute nouvelle attaque. Ils avaient perdu huit hommes et avaient dû battre en retraite. La défaite était certes au rendez-vous. Mais Khâlid ibn al-Walîd avait réussi à limiter les dégâts et à éviter une confrontation qui aurait pu se solder par un massacre.

Les compagnons restés à Médine avec le Prophète (PSL) vécurent une expérience particulièrement étrange. Ils savaient que celui-ci avaient des rêves et des visions qui se réalisaient bien souvent. Ils le savaient inspirés et ils avaient été témoins des Révélations qui lui parvenaient par fragment.
Il vint un jour à eux et, alors qu’aucun émissaire n’était revenu du nord et qu’aucune information ne leur était parvenue sur l’expédition, il se mit à leur narrer la bataille comme s’il avait été présent parmi les combattants. Les larmes aux yeux et avec une douloureuse émotion, il leur annonça la mort de Zayd, de Ja’far et ‘Abd Allah.  Il salua l’exploit de Khâlid ibn al-Walîd, à qui il donna le surnom de « Sayf al-islâm » (l’épée de l’Islam).

Il ne pouvait cacher sa profonde tristesse à l’évocation des morts qui lui étaient si chers. Il se rendît auprès d’Asmâ’, la femme de Ja’far et de ses enfants pour leur annoncer la nouvelle et les consoler. Il se mit à pleurer avant d’avoir pu s’exprimer, et Asmâ’ éclata en sanglots à l’annonce de la mort de son mari.
Il se rendit ensuite auprès d’Um Ayman et d’Usâma et leur annonça la mort de Zayd, les yeux noyés dans les larmes. Il l’avait aimé comme fils, et sa famille lui était particulièrement chère. Alors qu’il quittait la demeure de Zayd, la plus jeune fille se précipita dans les bras du Prophète (PSL), qui chercha à la consoler alors que lui-même avait le visage inondé de larmes.

Un des compagnons, Sa’d ibn ‘Ubâda, qui passait par là fut surpris par cette scène, et particulièrement par les larmes du Prophète (PSL).  Il demanda à ce dernier des explications. Celui-ci lui répondit qu’il s’agissait :


« d’un être qui aime et qui pleure son bien aimé » (Ibn Hishâm, op. cit., Vol. 5, p. 31)


Le Prophète Muhammad (PSL) avait appris à ses compagnons à oser exprimer l’amour et la tendresse et, devant la mort et la séparation, il leur enseignait à cet instant la fragilité des hommes et la dignité des larmes qui expriment l’amour et la souffrance, la souffrance de ceux qui aiment.
Les combattants revinrent de Mu’ta sous la direction de Khâlid. Ils confirmèrent en tout point la vision du Prophète (PSL).

Pour la communauté ces visions et ce savoir étaient autant de signes de la prophétie de Muhammad (PSL). Il était singulier, agissait singulièrement. Il possédait une intelligence et des qualités qui ressemblaient à celles de nul autre. Et pourtant, il restait humble, fragile et, comme eux, il pleurait.

La situation restait onc difficile au nord. Les tribus arabes pensaient certainement que la défaite des musulmans à Mu’ta pouvait être utilisée à leur avantage. Des bruits parvinrent au Prophète Muhammad (PSL) lui indiquant que des tribus préparaient une expédition de grande envergure contre Médine. Le Prophète (PSL) envoya trois cents hommes sous la direction de ‘Amr ibn al-‘As, qui était lié par sa famille à quelques tribus du nord, afin d’aller étudier le terrain. Le Prophète (PSL) lui commanda d’établir des alliances avec autant de clans que possible. Il lui envoya deux cent hommes supplémentaires.  Il apparaissait que l’adversité était plus forte que prévu. Il n’en fut rien et le convoi des musulmans put avancer dans les territoires syriens, consolider des alliances et en établir des nouvelles permettant de sécuriser ce front jusqu’alors si aléatoire. 



Yathrib786
Le 17 février 2019