Quelques mois s’étaient
écoulés après le Petit pèlerinage, le
Prophète Muhammad (PSL) décida d’envoyer des émissaires vers le Nord afin
de s’assurer de la solidité des alliances établies et la possibilité pour les musulmans
de se rendre en Syrie pour entretenir leurs commerces.
Quinze hommes furent
envoyés. Quatorze d’entre eux furent tués alors qu’au même moment un autre
émissaire, envoyé à Busra, était
également intercepté et exécuté par un chef de la tribu des Ghâssan. Il était clair que la menace s’amplifiait
du côté de la Syrie. Et ces
assassinats d’émissaires pacifiques devaient obtenir réparation. Le Prophète Muhammad (PSL) décida d’envoyer
une armée de trois mille hommes à la
tête de laquelle il installa, à la surprise de beaucoup des compagnons, l’ancien
esclave Zayd ibn Hâritha. Il précisa
que si celui-ci devait être tué, le commandement incomberait à Ja’far ibn Abî Tâlib, récemment revenu
d’Abyssinie. Et si ce dernier devait mourir, alors ‘Abd Allah ibn Rawâh prendrait sa succession.
Ils se mirent en route. Et
lorsqu’ils parvinrent à proximité de la Syrie,
ils apprirent qu’une majorité de tribus arabes s’étaient unies et qu’elles
étaient parvenues à obtenir le soutien des troupes impériales byzantines. Ce qui portait
leur nombre à plus de cent mille (100 000)
hommes. Avec trois mille hommes à disposition, les musulmans ne pouvaient rien
espérer. Une consultation eut lieu afin de décider s’il fallait retourner à
Médine, envoyer un émissaire pour demande au Prophète Muhammad (PSL) du renfort, ou simplement aller de l’avant
et mener le combat malgré la disproportion des forces en présence.
Poussés par la fougue et la
confiance, ils décidèrent d’aller de l’avant selon les premiers plans établis
et sans rien dire au Prophète (PSL).
Ils arrivèrent à proximité de l’ennemi, l’observèrent, puis changèrent brusquement
de route vers Mu’ta, dont la topographie
était plus favorable.
Les troupes arabes et byzantines les poursuivirent
croyant qu’ils battaient en retraite. Arrivés vers Mu’ta, Zayd commanda à
ses troupes d’attaquer subitement jouant sur l’effet de surprise. Cette
stratégie ébranla un instant l’ennemi mais ne suffit pas. Zayd
fut tué, puis son successeur Ja’far,
puis enfin ‘Abd Allah. Les troupes
musulmanes étaient en déroute, et ce fit finalement Khâlid ibn al-Walîd qui prit le commandement des opérations. Il
réunit les troupes musulmanes et leur permit de se protéger de toute nouvelle
attaque. Ils avaient perdu huit hommes et avaient dû battre en retraite. La défaite
était certes au rendez-vous. Mais Khâlid
ibn al-Walîd avait réussi à limiter les dégâts et à éviter une
confrontation qui aurait pu se solder par un massacre.
Les compagnons restés à
Médine avec le Prophète (PSL)
vécurent une expérience particulièrement étrange. Ils savaient que celui-ci
avaient des rêves et des visions qui se réalisaient bien souvent. Ils le
savaient inspirés et ils avaient été témoins des Révélations qui lui
parvenaient par fragment.
Il vint un jour à eux et,
alors qu’aucun émissaire n’était revenu du nord et qu’aucune information ne
leur était parvenue sur l’expédition, il se mit à leur narrer la bataille comme
s’il avait été présent parmi les combattants. Les larmes aux yeux et avec une
douloureuse émotion, il leur annonça la mort de Zayd, de Ja’far et ‘Abd Allah. Il salua l’exploit de Khâlid ibn al-Walîd, à qui il donna le surnom de « Sayf al-islâm » (l’épée de
l’Islam).
Il ne pouvait cacher sa
profonde tristesse à l’évocation des morts qui lui étaient si chers. Il se
rendît auprès d’Asmâ’, la femme de Ja’far et de ses enfants pour leur
annoncer la nouvelle et les consoler. Il se mit à pleurer avant d’avoir pu s’exprimer,
et Asmâ’ éclata en sanglots à l’annonce
de la mort de son mari.
Il se rendit ensuite auprès d’Um Ayman et d’Usâma et leur annonça
la mort de Zayd, les yeux noyés dans
les larmes. Il l’avait aimé comme fils, et sa famille lui était
particulièrement chère. Alors qu’il quittait la demeure de Zayd, la plus jeune fille se précipita dans les bras du Prophète (PSL), qui chercha à la
consoler alors que lui-même avait le visage inondé de larmes.
Un des compagnons, Sa’d ibn ‘Ubâda, qui passait par là fut
surpris par cette scène, et particulièrement par les larmes du Prophète (PSL). Il demanda à ce dernier des explications.
Celui-ci lui répondit qu’il s’agissait :
« d’un être qui aime et qui pleure son bien aimé » (Ibn Hishâm, op. cit., Vol. 5, p. 31)
Le
Prophète Muhammad (PSL) avait appris à ses compagnons à oser
exprimer l’amour et la tendresse et, devant la mort et la séparation, il leur
enseignait à cet instant la fragilité des hommes et la dignité des larmes qui
expriment l’amour et la souffrance, la souffrance de ceux qui aiment.
Les combattants revinrent de
Mu’ta sous la direction de Khâlid. Ils confirmèrent en tout point
la vision du Prophète (PSL).
Pour la communauté ces
visions et ce savoir étaient autant de signes de la prophétie de Muhammad (PSL). Il était singulier, agissait
singulièrement. Il possédait une intelligence et des qualités qui ressemblaient
à celles de nul autre. Et pourtant, il restait humble, fragile et, comme eux,
il pleurait.
La situation restait onc difficile
au nord. Les tribus arabes pensaient certainement que la défaite des musulmans
à Mu’ta pouvait être utilisée à leur
avantage. Des bruits parvinrent au
Prophète Muhammad (PSL) lui indiquant que des tribus préparaient une
expédition de grande envergure contre Médine.
Le Prophète (PSL) envoya trois cents hommes sous la direction de
‘Amr ibn al-‘As, qui était lié par
sa famille à quelques tribus du nord, afin d’aller étudier le terrain. Le Prophète (PSL) lui commanda d’établir
des alliances avec autant de clans que possible. Il lui envoya deux cent hommes supplémentaires. Il apparaissait que l’adversité était plus
forte que prévu. Il n’en fut rien et le convoi des musulmans put avancer dans
les territoires syriens, consolider des alliances et en établir des nouvelles permettant
de sécuriser ce front jusqu’alors si aléatoire.
Yathrib786
Le 17 février 2019
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