27 mai 2018

La bataille d'Uhud


Le Prophète Muhammad (PSL) restait vigilant quant à la sécurité des musulmans de Médine. Il savait que les Qurayshites préparaient leur revanche. Il reçut une missive de son oncle ‘Abbas, qui lui annonçait qu’une armée de plus de trois mille hommes dirigé par ‘Abu Sufyân s’était mise en route en direction de Médine. Ils arrivèrent à proximité du mont Uhud au début du mois de Shawwal de la troisième année de l’Hégire.

Il restait une semaine au Prophète Muhammad (PSL) pour mettre au point sa stratégie et organiser la résistance.

Le Prophète (PSL) organisa une consultation pour prendre l’avis de ses compagnons sur la stratégie à adopter, à savoir se défendre à l’intérieur de Médine ou bien sortir et aller à la rencontre de l’ennemi pour le combattre. Le Prophète (PSL) était d’avis d’attendre l’arrivée de l’armée Quraychite et d’assurer la défense de la ville de l’intérieur, suivi en cela par ses compagnons les plus âgés et les plus sages, et notamment le peu fiable ‘Abd Allah ibn Ubayy. Mais les plus jeunes parmi les musulmans, plein de fougue et d'enthousiasme, qui étaient majoritaires, ainsi que ceux qui n’avaient pu être présents à Badr, souhaitaient aller à la rencontre de l’ennemi, pour être sûrs d’avoir le mérite de combattre au côté du Prophète (PSL).

La majorité avait voté la sortie de la ville et la confrontation en face à face.
Ce dernier alla donc revêtir son armure et ordonna à son armée de se préparer au combat. Là, certains jeunes compagnons comprirent que dans la précipitation, ils s'en étaient remis à leurs sentiments négligeant ainsi leur raison et l'avis des plus sages et des plus expérimentés d'entre eux. Certains éprouvèrent un regret du fait qu’ils avaient contredit l’avis du Prophète (PSL). Sentant leur hésitation, il leur dit qu’‘il ne convient pas à un prophète d’enlever sa cuirasse après qu’il l’ait mise  jusqu’à ce que Dieu décide de son différend avec ses ennemis.

« (…) Je vous avais fait ma proposition, mais vous avez tenu à sortir. Craignez donc Dieu et endurez l’ardeur du combat, observez ce que Dieu vous a recommandé et appliquez-le. » 

Le Prophète (PSL) nous confirme ici l’un des principes fondamentaux de la concertation (Shoura), qui est de ne jamais hésiter après avoir tranché sur un sujet, et de s’en remettre à Allah une fois que l’on s’est mis d’accord sur la décision à prendre. Aussi, il ne convient pas lorsqu’il y a eu concertation et que les résultats ne sont pas forcément ceux que l’on espérait, d’exprimer des regrets ou des reproches sous prétexte que l’on avait émis un avis différent.

Le Prophète Muhammad  (PSL) se mit donc en marche, avec un effectif d’environ mille combattants. Cependant, à mi-chemin entre Médine et Uhud,  ‘Abd Allah ibn Ubayy, qui avait soutenu l’avis de rester à Médine, fit volte-face, en prétextant que l’on avait préféré suivre l’avis de jeunes incompétents, pour faire demi-tour et se soustraire à l’armée, accompagné de trois cent hommes. Sa désertion était grave et réduisait les forces des musulmans. A cet instant, le Prophète (PSL)  ne pouvait plus changer de stratégie. Ainsi, celui dont le Prophète (PSL) connaissait l’hypocrisie, remit en cause une décision qu’il avait lui-même finit par approuver et réussit un court instant l’un de ses objectifs qui était de déstabiliser l’armée des musulmans en l’amputant d’un tiers de ses hommes. Ceux qui restaient se disputèrent à leur sujet en essayant de les retenir, mais Allah avait décidé que leur hypocrisie serait dévoilée en ce jour, et ceci émanait de sa volonté, afin qu’Il distingue les croyants des hypocrites.

« Et tout ce que vous avez subi, le jour où les deux troupes se rencontrèrent, c’est par permission et qu’Il distingue les hypocrites. On avait dit à ceux-ci: «Venez combattre dans le sentier d’Allah, ou repoussez [l’ennemi»], ils dirent: «Bien sûr que nous vous suivrions si nous étions sûrs qu’il y aurait une guerre.» Ils étaient, ce jour-là, plus près de la mécréance que de la foi. Ils disaient de leurs bouches ce qui n’était pas dans leurs cœurs. Et Allah sait fort bien ce qu’ils cachaient. D’Allah, et afin qu’Il distingue les croyants. » (Sourate al-Imrân (la famille d’Imran), verset 166-167) 

Les musulmans continuèrent donc, bien qu’ils fussent désormais fortement diminués. En chemin, le Prophète (PSL) s’aperçut que six jeunes adolescents, ayant entre treize et seize ans, s’étaient mêlés aux combattants. Il en renvoya immédiatement quatre qui étaient trop jeunes et se laissa convaincre de garder deux jeunes de quinze et seize ans, qui lui prouvèrent sur le champ de bataille qu’ils étaient de meilleurs archers et combattants que biens des adultes. Le choix, dans ce contexte particulier, était difficile, mais le Prophète (PSL) ne cessait d’exiger que l’on protégeât les enfants des zones de combats, tant comme soldats que comme potentielles victimes.

Il le réitéra avec force lors de l’expédition de Tabûk et cet enseignement quant à l’éthique de la guerre a toujours été sans compromis dans son message.

A l’approche d’Uhud, il fallait trouver un itinéraire discret qui permette au convoi de s’approcher du lieu du combat sans que ses mouvements puissent être devinés ou découverts. C’est encore une fois à un guide non musulman que le Prophète (PSL) fit confiance. Ses compétences étaient reconnues. Et il répondit au Prophète Muhammad (PSL) qu’il mena avec son armée, à bon port. Ils s’installèrent et le Prophète (PSL) expliqua sa stratégie de combat à ses troupes.

Les archers allaient rester sur le flanc de la colline, alors que les chevaliers et les combattants iraient directement affronter l’ennemi dans la plaine. Il ne fallait en aucune façon que les archers bougent. Le Prophète Muhammad (PSL) insista : en cas d’apparente victoire ou défaite des troupes dans la plaine en aval, il était impératif que les archers demeurent à leur poste et empêchent que les Quraysh contournent la colline et attaquent les troupes par l’arrière. C’est d’ailleurs ce que l’une des sections qurayshites tenta de faire dès le début des hostilités, mais la pluie de flèches qui l’accueillit la contraignit à revenir en arrière. La stratégie fonctionnait à merveille.

La bataille commença et dans la plaine, les troupes musulmanes prenaient peu à peu l’ascendant. Les Quraysh reculaient, perdaient de nombreux combattants, alors que les Emigrés et les Ansâr manifestaient un courage impressionnant. Parmi ces combattants, deux femmes se distinguaient par leur énergie et leur vigueur : Um Sylaym et surtout une ansarite du nom de Nusayba bint Ka’b, qui était d’ailleurs venue pour porter de l’eau et organiser le secours. Finalement, elle n’hésita pas à s’engager sur le champ de bataille, à prendre une épée et à combattre les Quraysh (source Ibn Hishâm, op. cit, vol. ‘, p. 30)

Le Prophète (PSL) n’avait jamais recommandé le combat aux femmes, mais il était là en présence du fait accompli, et lorsqu’il vit la fougue et l’énergie de Nusayba, il salua son engagement et fit pour elle des invocations de protection.
Il devenait manifeste que les musulmans l’emportaient, malgré des revers et la mort de certains compagnons, Hamza l’oncle du Prophète (PSL). Ce dernier était l’objet de la vengeance de Hind depuis la défaite de Badr. Wahshî, un lanceur de javelot abyssin, avait été mandaté pour cette unique tâche, tuer Hamza. Alors que le Prophète (PSL) combattait, Wahshî s’approcha de lui et lança avec une précision extrême son javelot qui atteignit Hamza et le tua sur le coup. Plus tard Hind trouvera le corps de Hamza sur le champ de bataille et, après avoir mâché son foie, selon sa promesse déjà accomplie, elle le défigura en lui coupant les oreilles et le nez pour s’en faire un collier.

La victoire ne semblait néanmoins pas pouvoir échapper aux musulmans qui ne cessaient d’avancer  alors que les Quraysh reculaient et laissaient sur place leurs montures  et leurs biens. Les archers, postés sur le flanc de la colline, observaient la tournure favorable des évènements, la victoire imminente, et surtout le butin qui était à portée de mains des combattants qui, contrairement à eux, bataillaient aux avant-postes. Ils en oublièrent les ordres du Prophète (PSL) et les rappels à l’ordre de leur chef ‘Abd Allah ibn Jubayr. Quelques archers seulement restèrent sur place alors qu’une quarantaine dévalèrent la colline, persuadés que la victoire était acquise et qu’ils avaient droit eux aussi à leur part du butin.

Khâlid Ibn al-Walîd, le chef d’une des trois sections des Qurayhs, observa ce mouvement des archers et prit la décision immédiate de contourner la colline et de prendre les troupes musulmanes à revers. Il y parvint et attaqua par l’arrière les compagnons du Prophète (PSL). La débandade fut générale et les combattants musulmans se dispersèrent dans un total désordre. D’aucuns furent tués, d’autres fuirent, d’autres encore combattaient en ne sachant plus vraiment où donner de la tête. Le Prophète (PSL)  fut attaqué, il tomba de sa monture, eut une dent cassée, et les anneaux de son casque s’enfoncèrent dans sa joue maculée de sang. La rumeur se répandit que le Prophète (PSL) avait été tué. Ce qui ajouta du chaos parmi les musulmans. Finalement, des compagnons le portèrent sur sa monture, le protégèrent, et il put échapper à ses assaillants. Les musulmans réussirent à s’extirper du champ de bataille. Il était de plus en plus difficile d’y voir clair, et à se rassurer pour faire face à l’ennemi et à se rassembler pour faire face à l’ennemi le cas échéant. 

La bataille s’achevait et Khâlid ibn al-Walîd, en fin stratège, était parvenu à renverser la tendance. Au terme des hostilités, les Quraysh ne comptaient que vingt-deux morts contre soixante-dix chez les musulmans.

La désobéissance des archers avait eu des conséquences dramatiques. Attirés par la richesse et les gains, les archers s’étaient laissés aller aux vieilles pratiques qui étaient les leurs dans leur passé païen.

Nourris par le message de la foi en l’Unique, de la justice et de l’éloignement des biens de ce monde, ils avaient tout oublié à la vue des richesses qui étaient à portée de main. Les victoires guerrières se mesuraient, dans leur ancienne coutume arabe, à la quantité du butin acquis, et ce passé, cette partie d’eux-mêmes et de leur culture, avaient pris le dessus sur leur éducation spirituelle. Ils furent pris au piège de la stratégie d’un homme redoutable, Khâlid ibn al-Walîd, qui, quelques années plus tard, allait se convertir à l’Islam et devenir le héros guerrier de la communauté musulmane. Ce moment très précis de la rencontre d’Uhud est riche d’un profond enseignement : jamais l’être humain ne dépasse complètement la culture et les expériences qui ont façonné son passé ; jamais un jugement définitif ne peut s’exprimer quant à l’avenir de ses choix et de ses orientations. Les musulmans furent rattrapés par un trait malheureux de leurs coutumes passées. Khalîd ibn al-Walîd allait vivre une future conversion qui effaçait le moindre des jugements énoncés sur son passé.
« Rien n’est jamais acquis » est une leçon d’humilité ; « il ne faut juger définitivement de rien » et une promesse d’espoir.

Les Quraysh emportèrent les corps de leurs morts et tous leurs biens. Abû Sufyân s’enquit auprès de ‘Umar au sujet du sort du Prophète  Muhammad (PSL), et celui-ci lui confirma qu’il était bien vivant.

Quand les musulmans vinrent sur le champ de bataille, ils constatèrent que les corps avaient été mutilés, et le Prophète (PSL) fut terriblement atteint à la vue du corps de son oncle Hamza. Dans la colère, il exprima le souhait de se venger en mutilant trente de leurs corps lors de la prochaine confrontation, mais la Révélation vint lui rappeler l’ordre, la mesure et la patience :

« Si vous endurez, ce sera mieux pour celui qui sera patient. » (Sourate 16 verset 126)

Le Prophète (PSL) exigea que l’on respecte les corps des vivants comme des morts, qu’aucune torture ni aucune mutilation ne soit jamais acceptée ou promue, au nom du respect de la Création, de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine.

Yathrib 786
Le 27 mai 2018

21 mai 2018

‘Aïsha, un modèle de connaissance et de piété malgré la calomnie


‘Aïsha, la plus jeune femme du Prophète Muhammad (PSL), se nourrissait également de l’exemple de son mari et Prophète (PSL). Elle sera plus tard une source incomparable de renseignements sur la personnalité du Prophète (PSL), sur son attitude dans la vie privée et sur ses enseignements dans la vie publique. Elle fera part de la manière dont le Prophète Muhammad (PSL) était attentifs à ses attentes et à ses désirs lorsque, jeune encore, elle arriva dans la demeure conjugale.

Le jeu faisait partie de leur vie. Le Prophète Muhammad (PSL) n’hésitait jamais à y prendre part ou encore à lui permettre de satisfaire sa curiosité. Ce fut le cas lorsqu’une délégation d’Abyssinie vint rendre visite au Prophète (PSL). Les Abyssins se mirent à l’écart pour pratiquer divers jeux et danses traditionnelles. Le Prophète Muhammad (PSL) se plaça devant le seuil de sa demeure, permettant ainsi à son épouse d’observer le spectacle discrètement. Cette version est confirmée par al-Bukhâri et Muslim.

A de nombreuses reprises, elle mentionnera la nature particulière de son attention à son égard, de ses manifestations de tendresses, et de la liberté qu’il lui offrait dans son quotidien. Le contenu des traditions montre combien le Prophète Muhammad (PSL) lui parlait, échangeait avec elle et lui manifestait son amour et sa tendresse. En sa présence et dans sa manière d’être avec ‘Aïsha, il réformait par l’exemple les habitudes des Emigrés et des auxiliaires.
Les deux versets coraniques traitant de la tenue vestimentaire des femmes furent révélés autour de la deuxième année d’Hégire :

« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. Et qu’elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l’on sache ce qu’elles cachent de leurs parures. Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès. » Sourate 24 An-Nûr, verset 31)

« Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles: elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées. Allah est Pardonneur et Miséricordieux. » (Sourate 33 Al-Ahzab, verset 59)

Le Khimâr était une pièce d’étoffe portée sur la tête et dont les pans flottaient en arrière. Le Coran prescrit aux musulmanes de les rabattre sur leur poitrine afin de couvrir leur cou. Les femmes du Prophète Muhammad (PSL), comme toutes les musulmanes respectaient cette prescription. Ce n’est que deux ans plus tard que sera établie la spécification de leur statut en tant que « femmes du Prophète ». Il ne leur sera plus possible de s’adresser aux hommes si ce n’est derrière un voile de protection (al-hijâb).

Avant la Révélation des versets appelant les épouses du Prophète (PSL) à se cacher aux regards des hommes, ‘Aïsha agissait comme toutes les femmes et était très présente dans la vie publique de Médine. Le Prophète Muhammad (PSL) l’impliquait et désirait que ses compagnons voient et comprennent, à travers son exemple, le rôle que les femmes et leurs épouses devaient prendre dans leur vie quotidienne et publique.
Une anecdote :
Un voisin Persan convia un jour le Prophète (PSL) à un repas. Ce dernier lui demanda : « Qu’en est-il d’elle ? » en désignant son épouse ‘Aïsha. Le voisin répondit par la négative, laissant entendre que l’invitation ne s’adressait qu’à lui. Le Prophète Muhammad (PSL) refusa l’invitation.

Le Persan renouvela son invitation quelque temps plus tard. Le Prophète (PSL) demanda à nouveau : « Qu’en est-il d’elle ? ». Le voisin répondit par la négative, et il essuya un nouveau refus de la part du Prophète (PSL).

Il renouvela une troisième fois son invitation et à la question du Prophète (PSL) : « Qu’en est-il d’elle ? » , il répondit par l’affirmative. Le Prophète (PSL) accepta l’invitation et il se rendit avec ‘Aïsha chez le voisin. (Hadith rapporté par Muslim)

Sans brusquer les conventions mais avec fermeté, le Prophète Muhammad (PSL) réformait les coutumes et les pratiques chez les Arabes et les bédouins de la péninsule. ‘Aïsha et avant elle Khadîdja, comme d’ailleurs l’ensemble des épouses et de ses filles, étaient présentes dans sa vie, actives dans la vie publique, conservant cette marque de fabrique qu’était la pudeur.

Le Prophète Muhammad (PSL) leur avait donné la latitude d’être et de s’épanouir, de s’exprimer et d’être critiques, et de ne point faire montre de fausse pudeur en n’osant point aborder des sujets délicats liés à leur féminité, à leur corps, à leurs désirs et à leurs attentes.

Des années plus tard, ‘Aïsha relèvera avec respect et admiration ce trait de caractère qu’était l’audace intellectuelle des femmes ansârites qui, à la différence de la majorité des femmes de la Mecque, osaient questionner et interpeller avec franchise :

« Bénies soient [quelles excellentes femmes étaient] les femmes des Ansâr que la pudeur n’empêche point de s’instruire [quant aux affaires de leur religion] » (Hadîth rapporté par Muslim)

Elle avait elle-même été formée à cette école par le Prophète (PSL). Elle était présente lorsque avaient lieu les Révélations, elle restait au côté du Prophète (PSL) au moment où il transmettait le message ou donnait des recommandations et des conseils, ou simplement lorsqu’il était seul et vivait sa religion dans l’intimité. Elle écoutait, questionnait et cherchait à comprendre les raisons et le sens des choix et des attitudes de son mari, et c’est grâce à sa mémoire, à son intelligence et à son esprit critique que plus de deux mille ahâdith (traditions prophétiques) ont été transmises par son intermédiaire et qu’elle a, corrigé la version des faits rapportée par d’autres compagnons.

L’amour que se témoignaient le Prophète (PSL) et ‘Aïsha était forte et intense ; ‘Aïsha n’a pas hésité à rapporter son attitude tendre et amoureuse dans leur vie quotidienne, sa proximité chaleureuse et attentive, même pendant le mois de Ramadân

Elle a fait part de ses questions au Prophète (PSL) sur la profondeur de son amour pour elle, de sa jalousie à l’égard de la défunte Khadîdja et de la façon dont il trouvait le moyen de la rassurer. Sa présence amoureuse, attentive et intelligente a permis de façonner un portrait profond et subtil du dernier des Messagers (PSL).

Elle vivra plus tard, en l’an 5 ou 6 de l’Hégire, l’épreuve la plus difficile de sa vie. Lors du retour d’une expédition à Banû al-Mustaliq, constatant qu’elle avait perdu son collier, elle s’en retourna pour aller le chercher. Le convoi s’était remis en route sans s’apercevoir de l’absence d’Aïsha, qui voyageait dans un palanquin à l’abri des regards. Elle fut finalement raccompagnée par un homme, Safwân ibn al-Mu’atal, qui se trouvait à l’arrière de l’expédition. Des bruits commencèrent à circuler puis à s’amplifier sur ses relations avec Safwân ibn al-Mu’atal. On finit par l’accuser d’avoir trahi et trompé le Prophète Muhammad (PSL). Ce dernier en fut très touché d’autant que certains compagnons menaient une véritable campagne en répandant la calomnie (ifk) à l’égard de son épouse. Il s’éloigna d’elle pendant plus mois, mais ‘Aïsha resta ferme et clama, à plusieurs reprises, son innocence. Des versets allaient enfin révélés, qui non seulement l’innocentaient, mais condamnaient la calomnie et les calomniateurs, et fixaient très haut les conditions et les preuves qu’il était nécessaire de réunir pour porter un jugement sur le comportement d’une femme ou d’un homme en situation ambiguë ou douteuse.

« Ceux qui sont venus avec la calomnie sont un groupe d’entre vous. Ne pensez pas que c’est un mal pour vous, mais plutôt, c’est un bien pour vous. A chacun d’eux ce qu’il s’est acquis comme péché. Celui d’entre eux qui s’est chargé de la plus grande part aura un énorme châtiment.
Pourquoi, lorsque vous l’avez entendue [cette calomnie], les croyants et les croyantes n’ont-ils pas, en eux-mêmes, conjecturé favorablement, et n’ont-ils pas dit: «C’est une calomnie évidente?»

Pourquoi n’ont-ils pas produit [à l’appui de leurs accusations] quatre témoins? S’ils ne produisent pas de témoins, alors ce sont eux, auprès d’Allah, les menteurs.

N’eussent-été la grâce d’Allah sur vous et Sa miséricorde ici-bas comme dans l’au-delà, un énorme châtiment vous aurait touchés pour cette (calomnie) dans laquelle vous vous êtes lancés,

Quand vous colportiez la nouvelle avec vos langues et disiez de vos bouches ce dont vous n’aviez aucun savoir; et vous le comptiez comme insignifiant alors qu’auprès d’Allah cela est énorme.

Et pourquoi, lorsque vous l’entendiez, ne disiez-vous pas: «Nous ne devons pas en parler. Gloire à Toi (ô Allah)! C’est une énorme calomnie»?

Allah vous exhorte à ne plus jamais revenir à une chose pareille si vous êtes croyants.

Allah vous expose clairement les versets et Allah est Omniscient et Sage.

Ceux qui aiment que la turpitude se propage parmi les croyants auront un châtiment douloureux, ici-bas comme dans l’au-delà. Allah sait, et vous, vous ne savez pas.

Et n’eussent été la grâce d’Allah sur vous et Sa miséricorde et (n’eût été) qu’Allah est Compatissant et Miséricordieux...

Ô vous qui avez cru! Ne suivez pas les pas du Diable. Quiconque suit les pas du Diable, [sachez que] celui-ci ordonne la turpitude et le blâmable. Et n’eussent été la grâce d’Allah envers vous et Sa miséricorde, nul d’entre vous n’aurait jamais été pur. Mais Allah purifie qui Il veut. Et Allah est Audient et Omniscient.

Et que les détenteurs de richesse et d’aisance parmi vous, ne jurent pas de ne plus faire des dons aux proches, aux pauvres, et à ceux qui émigrent dans le sentier d’Allah. Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous pas qu’Allah vous pardonne? et Allah est Pardonneur et Miséricordieux!

Ceux qui lancent des accusations contre des femmes vertueuses, chastes [qui ne pensent même pas à commettre la turpitude] et croyantes sont maudits ici-bas comme dans l’au-delà; et ils auront un énorme châtiment,

Le jour où leurs langues, leurs mains et leurs pieds témoigneront contre eux de ce qu’ils faisaient.

Ce Jour-là, Allah leur donnera leur pleine et vraie rétribution; et ils sauront que c’est Allah qui est le Vrai de toute évidence.

Les mauvaises [femmes] aux mauvais [hommes], et les mauvais [hommes] aux mauvaises [femmes]. De même, les bonnes [femmes] aux bons [hommes], et les bons [hommes] aux bonnes [femmes]. Ceux-là sont innocents de ce que les autres disent. Ils ont un pardon et une récompense généreuse. » (Sourate 24 an-Nûr La Lumière, verset 11-26)

Cette épreuve a d’abord ébranlé ‘Aïsha comme le Prophète (PSL), mais elle a finalement renforcé leur amour et leur confiance. Plus largement, la communauté musulmane comprit que le malheur et la calomnie pouvaient s’abattre sur les meilleur(e)s de ses membres. La Révélation condamnait la calomnie, la médisance et la diffamation de la façon la plus ferme, rappelant aux musulmans, comme l’exprimera plus tard le Prophète (PSL), de « tenir leur langue » (Hadith rapporté par al-Bukhâri et Muslim)

Aïsha retrouvera naturellement sa place et deviendra une référence en matière de connaissance et de sciences islamiques.

Le Prophète Muhammad (PSL) conseillera à ses compagnons :

« Aller chercher la science auprès de cette jeune rouquine » Hâdith rapporté par Muslim.

Au-delà des doutes et des soupçons, au-delà de la calomnie, ‘Aïsha resta sincère dans sa foi et son amour du Prophète (PSL). Elle devint un modèle autant en matière de piété et de dévouement que dans son engagement intellectuel et social. Elle fut un modèle à la lumière de cet amour que le  Prophète (PSL) lui a témoigné.


Yathrib 786
Le 21 mai 2018

13 mai 2018

La simplicité du Prophète Muhamamd (PSL), une relation de piété, de générosité et d’amour à l’endroit de sa fille Fâtima


Le Prophète Muhammad (PSL) vivait très modestement. Sa demeure était particulièrement sobre. Il n’y avait chez lui que quelques dates pour se nourrir. Il ne cessait de venir en aide aux personnes démunies autour de lui et, en particulier à ahl as-suffa, aux gens du banc, vivant à proximité de sa demeure.


Il distribuait les cadeaux qu’il pouvait recevoir et libérait les esclaves immédiatement les esclaves qui lui étaient envoyés en don. C’est ce qu’il fit avec l’esclave Abû Râfi’ que son oncle ‘Abbâs lui fit parvenir une fois revenu à la Mecque après sa libération. 


Malgré un rôle de plus en plus important dans la société médinoise et des responsabilités multiples, il préservait cette simplicité dans la vie et dans sa manière de se laisser aborder par les membres de sa communauté. Il ne possédait rien et acceptait d’être interpellé par les femmes, les enfants, les esclaves comme par les plus pauvres. Il vivait parmi eux. Il était l’un des leurs.


Sa fille Fâtima était proche du Prophète Muhammad (PSL). Mariée à ‘Alî ibn Tâlib, le cousin du Prophète (PSL). Elle avait finalement déménagé à rpoximité de la demeure du Prophète (PSL). Elle se dévouait énormément pour la cause des plus pauvres, notamment des ahl as-suffa.  Quand le Prophète (PSL) était assis ou participait à une assemblée et que sa famille venait à lui ou entrait dans la pièce, il avait coutume de se lever et de la recevoir en lui témoignant publiquement un respect et une tendresse immenses. Les Médinois et les Mecquois étaient étonnés de cette façon de traiter sa fille  au-delà les femmes qui généralement ne recevait guère ce genre de traitement.


Le Prophète Muhammad (PSL) embrassait sa fille, lui parlait, se confiait à elle et l’asseyait à ses côtés en ne tenant pas compte des remarques, voire des critiques que son comportement pouvait susciter. 


Il embrassa un jour son petit-fils, al-Hassan, le fils de Fâtima, devant un groupe de bédouins qui en furent choqués. L’un d’eux, al-Aqra’ ibn Hâbis, manifesta sa stupéfaction en lui disant :


« J’ai une dizaine d’enfants et je n’en ai jamais embrassé un seul ! »

Le Prophète (PSL) répondit :

« Celui qui n’est point généreux [affectueux, clément], Dieu n’est point généreux à son égard. » (Hâdith rapporté par al-Bukhârî et Muslim)


A la lumière son attitude et son exemplarité, au détour de certaines réflexions et remarques, le Prophète (PSL) enseignait à la communauté et à son peuple les bonnes manières, la bonté, la douceur, le respect des enfants, la délicatesse et la galanterie à l’égard des femmes. 


« Je n’ai été envoyé que pour parfaire la noblesse des comportements. » (Hâdith rapporté par al-Bukhârî)


Fâtima recevait de son père cette affection et les enseignements de la foi et de la tendresse et les répandait dans son entourage au gré de ses activités auprès des pauvres.


Un jour, pourtant, elle fit part de ses difficultés à son mari. Comme le Prophète Muhammad (PSL), il ne possédait rien et elle sentait qu’elle avait de plus en plus de difficultés à gérer le quotidien, sa famille, ses enfants. Son mari lui conseilla d’aller demander de l’aide au Prophète (PSL). Sans doute pourrait-il mettre à sa disposition un des esclaves qu’il avait reçu en cadeau. Elle alla le voir. Elle n’osa point présenter sa requête, tant était profond le respect pour le Prophète (PSL).


Lorsqu’elle revînt, silencieuse et bredouille, ‘Alî décida de l’accompagner et de demander de l’aide au Prophète (PSL). Ce dernier les écouta et les informa qu’il ne pouvait rien faire pour eux, que leur situation était bien meilleure que celle des ahl as-suffa . Il fallait donc qu’ils résistent et patientent. Ils s’en retournèrent déçus et attristés. Ils ne pouvaient se prévaloir d’aucun privilège social.


Tard dans la soirée, le Prophète Muhammad (PSL) se présenta au seuil de leur demeure. Ils voulurent se lever pour le recevoir et le Prophète Muhammad (PSL) entra et vint s’asseoir sur le bord de leur couche.


« Voulez-vous que je vous offre quelque chose de meilleur que ce que vous m’avez demandé ? »


Ils répondirent par l’affirmative et le Prophète (PSL) ajouta :


« Ce sont les paroles que Gabriel m’a apprises et que vous devriez répéter dix fois après chaque prière :

« Gloire à Dieu » (Subhân Allah)

« Louange à Dieu » (al-Hamdoulillah)

« Dieu est le plus grand » (Allahu Akbar)

« Avanrt de vous couchez vous devriez répéterchacune de ces formules trente trois fois. »  (Hadîth rapporté par al-Bukhâri et Muslim)



Assis au chevet de sa fille, tard dans la nuit, profondément attentif à ses besoins, il répondait à sa requête matérielle en lui faisant le privilège d’une confidence du Divin : un enseignement spirituel qui nous est parvenu à travers les âges et que chaque musulman a fait désormais sien au cœur de son quotidien.


Fâtima, comme son mari ‘Alî, fut un modèle de piété, de générosité et d’amour. Elle vivait dans la lumière des enseignements spirituels du Prophète (PSL) : vivre de peu, tout demander à l’Unique, et tout donner de soi aux hommes. 


Des années plus tard, au chevet du Prophète Muhammad (PSL) mourant, elle pleurera intensément lorsqu’il lui murmurera à l’oreille que Dieu allait le rappeler à Lui, qu’il était l’heure pour lui de s’en aller. Elle sourira de bonheur lorsque, quelques minutes plus tard, il lui confiera, comme si la confidence affectueuse révélait l’essence de la relation de ce Prophète (PSL) avec sa fille, qu’elle serait le premier membre de sa famille à le rejoindre.



Yathrib 786


Le 13 mai 2018