29 octobre 2017

L'année de la tristesse



Cela faisait quelques mois que les choses allaient de mieux en mieux pour les musulmans. Ils n’étaient plus soumis au boycott et pouvaient à nouveau tisser des liens de fraternité avec les Qurayshs. Le Prophète Muhammad (PSL), quant à lui, continuait à transmettre son Message. La visibilité voulue par ‘Umar ibn Khattâb était devenue une réalité dans la vie quotidienne. Les insultes et les persécutions n’avaient point cessé.

Khâdidja bint Khuwailid, la chère, l’admirable Khâdidja, meurt, jetant le Prophète Muhammad (PSL) dans le plus profond désarroi. Elle avait été la femme, la compagne de foi et le soutien le plus solide du prophète Muhammad (PSL) pendant plus de vingt-cinq ans. Dieu la rappela à lui neuf années après le début de la prédication, en 619 de l’ère Chrétienne.

Le Prophète Muhammad (PSL) avait reçu très tôt de l’ange Gabriel, la bonne nouvelle de l’élection de son épouse. Il savait que la présence de Khâdidja à ses côtés était un gage et un signe de protection, bref, un signe de l’amour divin.

A la lumière de sa présence et de son rôle dans la vie du Prophète Muhammad (PSL), il est possible d’appréhender la multitude de sens contenue dans l’idée de vêtements :
« On vous a permis, la nuit d'as-Siyam, d'avoir des rapports avec vos femmes; elles sont un vêtement pour vous et vous un vêtement pour elles. Allah sait que vous aviez clandestinement des rapports avec vos femmes. Il vous a pardonné et vous a graciés. Cohabitez donc avec elles, maintenant, et cherchez ce qu'Allah a prescrit en votre faveur; mangez et buvez jusqu'à ce que se distingue, pour vous, le fil blanc de l'aube du fil noir de la nuit. Puis accomplissez le jeûne jusqu'à la nuit. Mais ne cohabitez pas avec elles pendant que vous êtes en retraite rituelle dans les mosquées. Voilà les lois d'Allah: ne vous en approchez donc pas (pour les transgresser).C'est ainsi qu'Allah expose aux hommes Ses enseignements, afin qu'ils deviennent pieux. » 
Sourate 2  la Vache, verset 187

Khâdidja fut ce vêtement qui protège sentimentalement, cache les faiblesses et les doutes, et offre la chaleur, la force, le prestige, la dignité et la pudeur.
Elle disait du Prophète Muhammad (PSL) :
« N’aies pas peur, Dieu ne te mettra jamais à mal, Dieu ne te fera que du bien car tu aides tes proches, tu soutiens ta famille, tu gagnes honnêtement ta vie, tu maintiens les autres dans la droiture, tu donnes asile aux orphelins, tu dis la vérité, tu ne t’appropries pas frauduleusement les dépôts, tu secours ceux qui n’ont rien, tu fais du bien aux pauvres et tu traites tout le monde avec courtoisie. » 
Hadîth rapporté par Al Boukhari

Le Prophète Muhammad (PSL) disait d’elle :
« Par Allah (Khadija) a cru en moi lorsque les gens se montraient impies. Elle a tenu pour vrai ce que je disais au moment où les gens me traitaient de menteur. Elle m’a secouru avec ses biens quand les gens m’en privaient. Elle a été la femme qui m’a donné un garçon »
Hadîth rapporté par Al Boukhari

Il ne se passa pas longtemps avant que l’oncle du Prophète, Abû Talib, grâce auquel il avait jusqu’alors bénéficié de l’immunité parmi les Qurayshs, ne tomba gravement malade. Le Prophète Muhammad (PSL) se rendit à son chevet. Abû Talib confirma qu’il avait été heureux de protéger son neveu qui avait été toujours été mesuré et juste.

Le Prophète Muhammad (PSL) l’invita à prononcer l’attestation de foi avant de s’en aller. Et ce pour qu’il puisse intercéder pour lui auprès de Dieu. Abû Talib, animé par le code de l’honneur de son clan, affirma qu’il craignait que le Qoraysh ne pensent qu’il avait prononcé l’attestation de foi par crainte de la mort. Ils n’eurent le temps de poursuivre leur discussion qu’Abû Talib décéda alors que le Prophète Muhammad (PSL) était à son chevet.

Cet homme, qui avec courage et dignité, lui avait assuré sa protection n’avait point accepté l’islam.
Le Prophète Muhammad (PSL) l’aimait et le respectait. Sa tristesse n’en était que plus intense. De cette tristesse et de cette impuissance, un verset, révélé en relation avec cet évènement, offre un enseignement éternel :

« Tu [Muḥammad] ne diriges pas celui que tu aimes: mais c’est Allah qui guide qui Il veut. Il connaît mieux cependant les bien-guidés. »
Sourate 28 Le Récit, verset 56
En l’espace de quelques mois, le Prophète Muhammad (PSL) était devenu doublement vulnérable. Il avait perdu l’être qui lui offrait l’amour, et celui qui lui assurait la protection. Malgré la peine, la souffrance et le trouble, il fallait réagir au plus vite et trouver les moyens de protéger la communauté des musulmans resté à la Mecque. Le Prophète Muhammad (PSL) décida de solliciter un soutien à l’extérieur de la cité.

Yathrib 786
Le 29 octobre 2017


27 octobre 2017

Les années de bannissement


Les qoyayshites avaient constaté que l’Islam commençait à se répandre dans les tribus après qu’un groupe de musulmans avaient trouvé  en Abyssinie calme, sécurité et que le Nadjassi avait étendu sa protection sur eux, que ‘Umar avait embrassé l’Islam,  qu’avec Hamza Ibn Abdul-Mottaleb, ils avaient pris le parti du Prophète (PSL).
Tous les chefs de tribus se liguèrent alors par une convention écrite, en vertu de la laquelle ils prirent l’engagement de ne point contracter de mariages avec les Bani Hâshim et les Abdul-Muttalib ni de passer avec eux d’actes de vente ou d’achat.
Au terme de longues discussions et de débats très animés qui dans les faits divisaient les clans de l’intérieur, il fut décidé de bannir les Banû Hîsham et d’établir une sorte d’ostracisme vis-à-vis des musulmans.
Un accord fut signé par une quarantaine de chefs qurayshites et apposé à l’intérieur de la Ka’ba afin de rendre la décision solennelle et définitive. Abû Lahab du clan des Hâshimites, décida, en contradiction avec le code traditionnel de l’honneur, de se désolidariser de son clan et de soutenir le bannissement. 
Abû Talib eut l’attitude inverse et continua à soutenir son neveu. Ce qui obligea les Quraysh à inclure de fait le clan des Muttalib dans le boycott. La décision était radicale. Il s’agissait d’éviter tout contact avec les membres du clan.
La mise au ban devait être totale et durerait aussi longtemps que les deux clans accepteraient que le Prophète Muhammad (PSL) continuât de prêcher son message. Ce dernier devait cesser sa mission et ne plus faire référence au Dieu Unique.
Craignant pour leur sécurité, les Banû Hâshim décidèrent de s’installer tous ensemble dans une même région de la vallée de la Mecque. Ils étaient isolés, et même si le boycott n’était point absolu et que des parents faisaient parvenir clandestinement des vivres et des provisions au Banû Hishâm.
La situation devenait de plus en grave. Ils étaient de plus en plus nombreux à souffrir de la malade et de la faim. Le bannissement durait près de trois ans et fragilisait économiquement les deux clans qui manquaient de vivres. Ils traversaient des périodes d’intenses disettes. Abû Bakr y avait presque perdu sa fortune. Et la pression sociale et psychologique était insurmontable.
Du côté des Qoraysh, beaucoup étaient d’avis que ce boycott était infondé, voire inutile. D’autres étaient bien sûr liés au clan par des liens de parenté qu’il était impossible d’oublier ou de nier.
Les tentatives de mettre fin au bannissement s’étaient multipliées tout au long des trois ans. Mais elles n’avaient jamais abouti car un certain nombre de dignitaires, à l’instar d’Abû Lahab et Abû Jahl, refusaient d’entrer en matière.
C’est finalement l’initiative de quelques individus cherchant des alliés dans chacun des clans qui réussit à inverser la tendance. Alors que le peuple était réuni à proximité de la Ka’ba, l’un d’eux prit la parole et remit en cause le boycott vis-à-vis des Banû Hâshim. Un autre dans la foule le soutînt, puis un autre, puis un quatrième, donnant l’impression que l’avis était partagé par un grand nombre. Abû Jahl tenta d’intervenir mais l’assemblée, dont beaucoup partageaient cet avis mais n’osaient s’exprimer, allait dans le sens du refus du boycott.
L’un des membres du groupe initiateur de ce petit soulèvement entra dans la Ka’ba, s’empara du texte stipulant la décision du boycott et le déchira. Les partisans de la ligne la plus dure jugèrent inutile de résister, et le bannissement fut levé.
Le soulagement dans les rangs des deux clans exclus, était réel, tant la situation était devenue intenable.
Aussitôt les musulmans furent invités à regagner leurs foyers sous les ovations de leurs ennemis de la veille. L’Islam, sorti indemne de l’épreuve, avait donc vaincu : rien désormais ne saura arrêter sa fulgurante progression.

Yathrib786
Le 27 octobre 2017

15 octobre 2017

"Les versets sataniques"



Après la conversion de 'Umar, l’Islam à la Mecque va vivre une période d’impasse. Des menaces de mort étaient proférées à l’endroit du Prophète Muhammad (PSL). Il était accusé de mettre en péril l’économie de la ville de la Mecque qui tirait ses subsides de la fréquentation de la du Temple de la Ka’ba.

C’est dans ce contexte  que va se situer un épisode célèbre celui des « versets sataniques. ».

Les Qorayshites, pour parvenir à obtenir de la part du Prophète Muhammad (PSL) quelques accommodements à l’égard des dieux, lui firent toute sorte de proposition : richesses, femmes, argent, protection à condition qu’il acceptât que fût rendu alternativement le culte aux idoles nationales, une année durant, pour l’ensemble des Mecquois, et une autre année à Allah, pour le Prophète (PSL) et l’ensemble des musulmans.

Pensaient-ils (les qorayshites), les divinités du panthéon arabe ne pouvaient-elles pas jouer « le rôle d’intercesseurs auprès d’Allah» ? Esprit de transaction bien propre à cette cité commerçante qu’est la Mecque.

Les pressions de toute nature se faisaient de plus en plus grandes sur le Prophète Muhammad (PSL) qui ne cessait d’entendre retentir à son oreille le commandement divin « Tu n’adoreras qu’Allah… »



« Lorsque l’Envoyé d’Allah se fut aperçu que son peuple était divisé, à cause de ce qu’Allah lui révélait, il ressentit un grand abattement et il souhaita alors que d’Allah descendît une parole, susceptible de le rapprocher de son peuple qu’il aimait…et qu’en sa faveur fût atténué ce qu’il y avait de violent dans ce qui lui avait été révélé… »  Tabari


C’est dans cet esprit qu’il se serait imaginé un jour, alors qu’il récitait la sourate LIII, qu’une âya (verset) supplémentaire lui était descendue du ciel :


« Par l’étoile lorsqu’elle disparaît !
Votre compagnon n’est pas égaré ;
Il n’est pas dans l’erreur ;
Il ne parle pas sous l’emprise de la passion
….
Avez-vous considéré al-Lat et al’Uzza,
Et l’autre, Manat, la troisième
Sourate LIII An-najm l’Etoile, verset 1-3, 19-20


Et ici, le verset tout à fait inattendu :
Ce sont les sublimes déesses
Et leur intercession est certes souhaitée.


L’évènement aurait suscité à la Mecque une émotion vive. Les Qorayshites se serait dit disponibles pour une négociation et un arrangement. L’éclair d’une « horrible » inspiration, la communauté mecquoise se serait ainsi trouvée investi de pouvoirs sur les croyants et sur les païens en même temps. L’unité nationale se serait reconstituée mais, cette fois, autour du Prophète (PSL). La nouvelle, stupéfiante, aurait même atteint les Muhadjîroun d’Abyssinie, qui se seraient apprêtés au retour.
Or le Prophète Muhammad (PSL) se serait repris. Non il ne pratiquera pas les deux cultes. Non il ne se prosternera pas, lui et les siens devant les idoles. Non, il ne voulait pas d’une religion qui ne fût pas liée au seul culte d’Allah.


« Nous n’avons envoyé avant toi ni prophète, ni apôtre
Sans que le Démon intervienne dans ses désirs.
Mais Dieu abroge ce que lance le démon.
Dieu confirme ensuite ses Versets.
Dieu est celui qui sait, il est sage. »
Sourate LIII
An-Najm, verset 52


« O vous, les incrédules !
Je n’adore pas ce que vous adorez ;
Vous n’adorez pas ce que j’adore.
Moi je n’adore pas ce que vous adorez ;
Vous n’adorez pas ce que j’adore.
A vous  votre religion ;
A moi, ma Religion. » Sourate les Incrédules



Aujourd’hui, beaucoup de ceux qui se sont penchés sur cet incident de parcours pensent qu’il est loin d’être vérifié. Muhammad al-Tähir Ibn Achoûr souligne la fragilité de la source d’al-Tabari, sans doute intrigué, lui et ses successeurs, par le sens des versets cités plus haut et qui évoquent les interférences du Démon. (Muhammad al-Tâhir Ibn Achoûr, Tafsîr al Tahrîr wa al Tanwîr 30 tomes en 15 volumes, MTE, Tunis, 1984)



Quant à l’hypothèse avancée par Tabari d’une tentative du prophète (PSL) de « s’attirer la sympathie » de son peuple, elle est en contradiction aussi bien avec le contenu de la sourate qu’avec l’ensemble de son attitude durant sa prédication mecquoise. Il n’est pas impossible qu’au moment où le Prophète Muhammad (PSL) prononçait le nom des trois déesses, certains aient procéder à une forme d’amalgame qui répondait à leurs propres vœux. Il faut se le murmurait avec beaucoup de prudence, le trouble d’un instant, « l’instant de la distraction », comme dit l’Islam est toujours possible.



Quoi qu’il en soit de la véracité de l’épisode, les ponts vont dorénavant être coupés. La réaction des Qorayshites sera inédite. Elle consistera dans la mise en quarantaine non pas du seul Prophète Muhammad (PSL) mais de tous les musulmans. Deux années de « bannissement» vont suivre. 



Yathrib 786

15 octobre 2017

08 octobre 2017

‘Umar, al-farûq "celui qui établit la distinction"



Pendant que se déroulaient les évènements en Abyssinie, un autre évènement, extraordinaire, vint à se produire à La Mecque : le prestigieux Omar Ibn Khattab, du grand clan des Makhzoumites avait embrassé l’Islam. Il venait d’être touché par une grâce d'una façon aussi soudaine que définitive.
Ce « Saint Paul de l’Islam », comme l’appelle Renan, était une âme pleine de passion et d’intransigeance. Le départ pour l’Abyssinie des Mouhajirûn, parmi lesquels il comptait des amis, l’avait affecté.
Un jour, ayant entendu que le Prophète Muhammad (PSL), auteur de tous ces maux, tenait une réunion clandestine dans un des faubourgs de la ville de Safa, il prit son sabre et au comble de la fureur, décida d’aller tuer le Prophète (PSL). C’était là le plus sûr moyen  de mettre un terme au désordre et à la sédition qui mettaient en péril l’ensemble de la société mecquoise.
- « Où cours-tu ainsi, Ô Omar ? »
 Lui demande un de ses amis qu’il croisait en cours de route. Nu’aym Ibn ‘Abd Allah, s’était secrètement converti à l’Islam.
- « Je cherche Muhammad ce sabéen », répond Omar
Il révélait ainsi la confusion que faisait beaucoup en ces premiers temps de la Révélation, entre la prédication de l’Islam et les conceptions religieuses de certaines minorités  présentes à la Mecque. 
Il ajouta :
- « Je veux tuer celui qui a brisé l’unité des Qorayshs, ravalé ses croyances, dénaturé sa religion et blasphémé ses dieux ! 
- Tu ferais mieux d’aller voir ce que font les membres de ta famille, lui dit son interlocuteur. 
- Qui sont les membres de ma famille ? demande 'Umar, au plus haut point de son courroux.
- Ton cousin et frère de circoncision, Saîd Ibn Zayd ? et sa femme, ta propre sœur, Fatima Ibn Khattab. »
Nu’aym, prompt d’esprit, cherchait un moyen de faire diversion et  conseillait à ‘Umar de mettre de l’ordre dans sa propre famille avant de s’en prendre Muhammad (PSL). Il l’informa que sa sœur Fatima et son beau-frère Sa’ïd s’étaient en effet déjà convertis à l’Islam. Stupéfait et furieux, ‘Umar changea ses plan immédiats et décida d’aller trouver sa sœur.
Le couple était en train de lire et d’étudier le Coran avec le jeune compagnon Khabbâb lorsqu’ils entendirent que quelqu’un s’approchait de leur demeure. Khabbâb cessait sa lecture et se cachait. ‘Umar entendit qu’on récitait quelque chose. Il apostropha sa sœur et son beau-frère de façon agressive. Tous deux nièrent les faits, mais ‘Umar insista en affirmant qu’il avait bien entendu qu’ils récitaient un texte. Ils refusèrent de répondre, ce qui attisa la colère de ’Umar. Il se jeta sur son beau-frère pour le frapper et lorsque sa sœur chercha à s’interposer, il la frappa violemment et elle se mit à saigner. La vue du sang sur la figure de sa sœur eut un effet immédiat, et ‘Umar s’arrêta tout net.
A ce moment précis, sa sœur lui lança avec fougue :
« Oui, nous sommes musulmans et nous croyons en Dieu et son Envoyé. Quant à toi, fais maintenant ce que tu veux ! »
‘Umar resta interdit, partagé entre le regret d’avoir blessé sa sœur et la stupeur de l’annonce qui venait de lui être faite. Il demanda à sa sœur de lui remettre le texte qu’ils récitaient au moment de sa venue. Sa sœur exigea de lui qu’il fît d’abord ses ablutions pour se purifier. Calmé mais encore ébranlé, ‘Umar accepta, fit ses ablutions, puis se mit à lire. Comme eux, ‘Umar était de ceux, rares, qui savaient lire.
«  Tâ-hâ. Nous ne t’avons pas envoyé le Coran pour te rendre malheureux, mais comme un Rappel pour celui qui craint le Seigneur. Et comme une Révélation émanant de Celui qui a créé le Terre et les Cieux sublimes. L’Infiniment Bon qui s’est établi sur le Trône. Le Souverain des Cieux, de la Terre, des espaces interstellaires et de tout ce qui se trouve dans les profondeurs du sol. Que tu élèves ta voix ou Non ? Il connaît tous les secrets et les pensées les plus intimes. Il est Dieu ! Il n’y a de divinité que Lui ! Et il porte les plus beaux Noms. »
Sourate Tâhâ 20, Verset 1-8
C’étaient les premiers versets, et ‘Umar continua à lire la suite du texte qui relatait l’appel de Dieu à Moise sur le mont Sinaï, jusqu’à ce qu’il parvienne au verset :
"En vérité, Je suis Dieu. Il n’y a pas d’autre Dieu que Moi ! Adore-moi et accomplis la prière afin de te souvenir de moi."
Sourate Tâhâ 20, Verset 14
‘Umar cessa alors sa lecture et manifesta son engouement pour la beauté et la noblesse de ces paroles. Khabbab, encouragé par l’apparente bonne disposition de ’Umar, sortit alors de sa cachette. Il lui révéla qu’il avait entendu une invocation du Prophète (PSL) dans laquelle celui-ci demandait à Dieu de soutenir sa communauté par la conversion d’Abu al-Hakam ou de ‘Umar ibn al-Khattab. ‘Umar lui demanda où se trouvait Muhammad, et il lui indiqua qu’il était dans la demeure d’al-Arqam. 

‘Umar s’y rendit. Devant la porte, les habitants eurent peur car ‘Umar portait encore son épée à la ceinture. Le Prophète  (PSL) accepta qu’il entre et ‘Umar instantanément, annonça son intention de se convertir. 

Le prophète s’exclama : 
« Allahu Akbar ! » (Dieu est le plus grand) ; et il reçut  cette conversation comme une réponse à son invocation.
Ce « Allahou Akbar » deviendra par la suite, avec « La Illaha illa ‘Llah », le cri de ralliement de tout l’Islam.
Il n’était pas question pour ‘Umar, étant donné son caractère, de garder son islam secret. Aussitôt connue, la conversion du redoutable Makhzoumite causa une sensation énorme, en raison du profond déséquilibre qu’elle provoquait dans le rapport des forces en présence. Avec sa fougue et son courage , ‘Umar décidait d’aller voir Abû Jahl pour lui annoncer la nouvelle. Il proposait au Prophète Muhammad (PSL) de faire une prière au grand jour dans l’enceinte de la ka’ba. Le risque était là. Mais il tenait à montrer aux chefs qurayshites que les musulmans étaient dorénavant présents et déterminés . ‘Umar et Hamza connus pour leur forte personnalité, entrèrent en tête du groupe dans l’enceinte de la Ka’ba. Les musulmans y prièrent sans que personne n’osèrent intervenir.
« L’Islam de ’Umar fut une conquête (fath), son émigration (avec le prophète Muhammad (PSL) à Médine) une victoire, et son émirat (califat) une miséricorde. » Hadith d’Abdallah Ibn Massûd, reproduit par Ibn Hichâm.
A travers cette conversion, l’Islam effectuait une large percée dans le seul clan aristocratique qui pouvait rivaliser avec celui de la maison des Omeyyades, jusqu’ici virulents ennemis du Prophète Muhammad (PSL).
Le Prophète Muhammad (PSL) savait son impuissance sur les cœurs. Face à la persécution, en grande difficulté, il s’était tourné vers Dieu en espérant qu’Il guide l’un ou l’autre de ces deux hommes, dont il connaissait les qualités humaines autant que le pouvoir de renverser l’ordre des choses. Le Prophète Muhammad (PSL) savait bien sûr que c’est Dieu seul qui guide les cœurs. 
Pour certains, la conversation fut un long processus qui prit des années de questionnements, de doutes, d’avancées et de retours en arrière. Pour d’autres, la conversion fut instantanée, suivant immédiatement la lecture d’un texte ou en présence d’un geste ou d’un comportement particulier.
Les conversions qui ont pris le plus de temps n’étaient pas forcément les plus solides, et l’inverse n’était pas vrai non plus. Dans l’ordre de la conversion, des dispositions du cœur, de la foi et de l’amour, il n’est point de logique et seul demeure l’extraordinaire pouvoir du Divin. 
‘Umar était sorti de chez lui avec la volonté de tuer le Prophète Muhammad (PSL), aveuglé par son absolue négation du Dieu Unique. Puis le voilà, quelques heures plus tard, changé, transformé, au terme d’une conversion dont la source fut le texte et le sens de Dieu.
‘Umar était devenu l’un des plus fidèles compagnons de celui dont il avait espéré la mort. Personne parmi les musulmans, n’aurait pu imaginer que ’Umar reconnaisse le message de l’Islam, tant il avait manifesté de haine à son encontre. Cette révolution du cœur était un signe et portait un double enseignement : rien n’est impossible à Dieu. Et il ne faut juger définitivement de rien, ni de personne. Il s’agissait et il ‘s’agit d’un rappel à l’humanité en toutes circonstances. Se souvenir du pouvoir infini de Dieu cela veut dire apprendre de sa propre personne, à sainement douter de soi et, vis-à-vis d’autrui, à suspendre son jugement.
‘Umar avançait et devenait chaque jour un modèle pour les compagnons et pour l’éternité. Depuis le jour de sa conversion, le surnom d’’Umar ibn Khattab fut al-Farûq (celui qui établit la distinction), en référence à sa volonté de distinguer la communauté musulmane (ayant accepté la vérité du message coranique)  des qurayshites (obstinés dans l’ignorance – al-jâhiliyya).

Yathrib 786
08 octobre 2017