27 novembre 2017

Vers l'Exil



Nous sommes en l’an 620, l’année qui suivit celle que les historiographes appellent «l’année de la tristesse» ou encore « l’année des deuils» après la mort de son épouse Khadîdja et de son oncle Abou Tâlib. Le Prophète Muhammad (PSL) continuait à dispenser ses enseignements dans un contexte de rejet, d’exclusion et de persécutions permanentes. Une centaine de musulmans vivaient désormais en Abyssinie. Aucune solution ne se profilait pour les musulmans restés à la Mecque.



Le Prophète Muhammad (PSL), pour la fête des sacrifices, se rendit à la vallée de Minâ, non loin de la Mecque afin d’y rencontrer, comme à son habitude, des pèlerins, pour leur délivrer son message. Les pèlerins, venus de toutes les régions de la Péninsule, commencèrent à s’installer pendant toute la durée des célébrations. Le prophète Muhammad (PSL) s’adressait à quiconque voulait l’écoutait, évoquant la Révélation, récitant le Coran. Il transmettait ainsi à des hommes, des femmes et des enfants qui, de leurs villes lointaines, en avaient entendu parler mais n’en connaissaient le véritable contenu.


Cette fois-ci sur le retour, il rencontra dans la bourgade d’Aqaba six hommes de la tribu de Khazradj, originaires de Yathrib


« Après qu’il leur eut déclaré qui il était, leurs visages reflètent un intérêt immédiat et ils l’écoutèrent attentivement. Chaque membre de la tribu était au courant de la menace souvent proférée par les juifs de leur ville : « un prophète sera envoyé prochainement. Nous le suivrons et nous vous exterminerons comme les antiques peuples de ‘AD et d’Iram furent massacrés ! » «  Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2 page 258



Lorsque le Prophète Muhammad (PSL) eut fini de parler, ils se dirent entre eux :


« Il s’agit à coup sûr du Prophète dont les juifs nous ont annoncé la venue. Qu’ils ne soient donc pas les premiers à le reconnaître ! » Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2 page 258

Puis, lui ayant posé des questions auxquelles il répondit volontiers, chacun des six hommes attesta la véracité de son message et promit de remplir les exigences de l’Islam.


« Nous avons quitté notre peuple, dirent-ils, car il n’y a pas de peuple aussi déchiré que lui par l’inimité et le mal ; il se peut que Dieu fasse son union par ton entremise. Nous allons maintenant revenir auprès des nôtres et les convaincre d’accepter ta religion comme nous venons de l’accepter ; et si Dieu les rassemble autour de toi, aucun homme ne sera plus puissant que toi. » Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2 page 258



De fait, les grandes tribus de Yathrib, les Aws et Khazradj, en situation de lutte endémique, comme on l’a vu, recherchaient un arbitrage extérieur, capable de maintenir en équilibre leur manière de vivre (modus vivendi). Cet équilibre est devenu très aléatoire face notamment aux trois tribus juives qui jouaient de ces contradictions pour mieux asseoir leur autorité.


A la Mecque, les conversions ne cessaient d’augmenter, et le Prophète Muhammad (PSL) continuait son engagement public. Sur le plan privé, beaucoup lui conseillait de se remarier. Il fit deux songes : dans lesquels la très jeune ‘Aïsha, la fille d’Abû Bakr, alors âgée de six ans, lui était offerte en mariage. Khawlah qui s’était occupée du Prophète Muhammad (PSL) depuis la mort de Khadidja, lui proposa deux noms : Sawdah, une veuve d’une trentaine d’année qui était revenue d’Abyssinie, et ‘Aïsha, la fille d’Abû Bakr.  
Le Prophète Muhammad (PSL) y voyant une curieuse coïncidence et la véracité de ses songes, demanda à Khawlah de faire le nécessaire

L’union avec Sawdad fut particulièrement aisée à concrétiser. Sawdad répondit immédiatement. Et très favorablement. Ils se marièrent quelques mois plus tard. ‘Aïsha selon les coutumes arabes, avait déjà été promise par Abû Bakr au fils de Mut’im. Abû bakr dut négocier avec ce dernier le renoncement à cette promesse. Ce qu’il accepta. ‘Aîsha devient officiellement la seconde épouse du Prophète (PSL). Le mariage allait être consommé quelques années plus tard.


L’année suivante, une seconde rencontre eut lieu, à la même époque et au même endroit. Du côté des musulmans, Abu-Bakr et Ali accompagnaient le Prophète Muhammad (PSL). La députation médinoise était composée cette fois de douze membres, représentants les Aws et les Khazradj. L’ensemble  des Médinois fit immédiatement profession de foi et prêta le serment traditionnel de fidélité (la ba’ya) au Prophète Muhammad (PSL). Ce fut la première allégeance (la Ba’ya al-oula), dite aussi Bay’at an-Nissa (la Baya des femmes) selon les traditionnistes (du fait que le serment prêté ne mettait pas encore à la charge des Médinois l’obligation de défendre l’Apôtre par les armes).


La troisième rencontre sera décisive. Elle interviendra peu après et aura lieu également à Aqaba. La délégation médinoise comprenait soixante-quinze membres (tous des Khazradj mais les Aws se rallieront sans difficulté à l’accord intervenu).


Le Prophète Muhammad (PSL) arrive au rendez-vous avec Abu-Bakr et Ali auxquels était adjoint son oncle ‘Abbas (le nouveau du clan après la mort d’Abu Taleb). C’est en cette qualité que celui-ci assume la représentation musulmane  alors même qu’il est loin de s’être rallié aux idées et aux convictions du Prophète Muhammad (PSL).
 

Les pourparlers commencent dans le plus pur style tribal. ‘Abbas s’inquiété de savoir si les khazradj pourraient envisager un jour de livrer le Prophète Muhammad (PSL) à ses ennemis :


« Mieux vaut en ce cas, leur dit-il, le laisser là où il est en sécurité, au sein de son clan (achira). »



Le Prophète Muhammad (PSL) prend alors la parole pour réciter les fragments du Coran et il finit en demandant aux Khazradj «d’entrer dans l’Islam». Le résultat fut immédiat. Ils font le serment de défendre l’Envoyé de Dieu (PSL) de toutes leurs capacités :


« Par celui qui t’a envoyé proclamer la vérité, nous te défendrons aussi vigoureusement que nous défendrons nos familles » Ibn Ma’arouri membre de la délégation de Médine

« O Envoyé d’Allah, entre nous et les autres des liens existent, que pourtant nous brisons. Si Allah te donne la victoire, reviendras-tu à ton peuple en nous abandonnant. » Abou At-Haïtham, un autre membre du groupe

« Vous êtes des miens et je suis des vôtres ; je serai l’ami de votre ami et l’ennemi de votre ennemi… » Répondit aussi le Prophète Muhammad (PSL)


Ils lui demandèrent alors d’étendre les mains, et ils lui donnèrent la ba’ya.



L’alliance ainsi nouée va entrainer des conséquences incalculables. Elle sera déterminante dans la formation de la Umma islamique (Communauté islamique, à laquelle elle imprimera dès le départ son lien d’indissociabilité organique avec la religion qui en constituera la raison d’être. C’est à partir de là que l’Islam prendra son puissant essor. Toutefois les motivations politiques sont présentes dans la négociation. La première est la remise du pouvoir par les Aws et les Khzradj (hier encore ennemis) des rênes du pouvoir au Prophète Muhammad (PSL).


Des lignes de clivage se dessinent qui vont marquer les premières années de la prise de pouvoir  muhammadienne : l’hostilité conjuguée des Mecquois et des autres tribus qui vont faire front commun contre la bourgade devenue le fief du Prophète Muhammad (PSL) avec les guerres, les alliances et les violences qui vont suivre.


Ce pacte qui assurait un refuge, une protection et un engagement des musulmans de Yathrib aux côtés de leurs frères mecquois, ouvrait au Prophète Muhammad (PSL) les horizons d’un avenir prometteur. L’organisation politique de la société médinoise germe de la future Umma (communauté). Le Prophète Muhammad (PSL) encouragea désormais les musulmans à émigrer discrètement à Yathrib, alors que ses compagnons les plus proches demeuraient encore autour de lui.




Yathrib 786

27 novembre 2017

12 novembre 2017

Le Voyage Nocturne ( Al Isra ) et l’Ascension ( Al Mi’raj )



Quelques temps avant l’Hégire, Le 27ème jour de Rajab 620, le Prophète Muhammad (PSL) vécut ce que l’on devait appeler par la suite Le Voyage Nocturne (Al Isra ) et l’Ascension ( Al Mi’raj ).

Le Prophète aimait se rendre dans l’enceinte de la Ka’ba pendant la nuit. Il y veillait et y priait pendant de longues heures. Un soir, il ressentit soudain une lourde fatigue et un profond besoin de dormir. Il se coucha donc à proximité de la Ka’ba et s’endormit.

Le Prophète Muhammad (PSL) raconte que l’ange Gabriel vint alors à lui, le secoua par deux fois, puis l’emmena la troisième fois aux portes de la mosquée où les attendait un animal blanc (qui semblait être un mélange entre la mule et l’âne et portait des ailes sur le flanc). Il enfourcha l’animal, nommé al-Bûraq, et ils s’en allèrent en compagnie de l’ange Gabriel vers Jérusalem (Al Qods). Là, Muhammad rencontra un groupe de Prophètes qui l’avaient précédé dans sa mission (Abraham, Moïse et d’autres), et il dirigea une prière en commun avec eux sur l’emplacement du Temple de Souleymane (Salomon, que la paix soit sur lui).

C’est à ce moment du Voyage, que prit fin la première étape qui eût pour sens l’affirmation de l’Unicité divine, sous forme d’une chaîne symbolique d’union des envoyés de Dieu, de l’identité des messages divins transmis par tous les Prophètes, notamment Ibrahim-Abraham, Moussa-Moïse et Issa- Jésus (que La Paix d’Allah soit sur eux).

La prière terminée, le Prophète fut élevé en compagnie de l’ange Gabriel au-delà de l’espace et du temps. Il s’éleva dans les cieux, en laissant l’empreinte de son pied sur le Rocher (qui se trouve aujourd’hui dans la Mosquée du Dôme à Jérusalem).

Sur sa route, dans l’ascension des sept cieux, il rencontra les Prophètes qu’il reconnaissait tout de suite et sa vision des cieux et de la beauté de ces horizons imprégnait son être. Il parvint au « Lotus de la Limite » (sidrat al-muntaba’) : 


“Puis, je fus emmené au Lotus de la Limite, Sidrat Al Mountaha”, raconta Le Prophète, “au – delà duquel, nul ne peut aller” (Sourate 53, verset 14 )


C’est là que le Prophète Muhammad (PSL) reçut l’injonction des cinq prières par jour et la révélation du verset qui fixait les éléments du credo (al-‘aqîda) des musulmans :


« L’Envoyé a cru [croit], ainsi que les croyants, en ce qui lui a été révélé de la part de son Seigneur [Rabb-Educateur]. Tous ont cru [croient] en Dieu, en Ses anges, en Ses livres et en Ses envoyés. -Nous ne faisons aucune distinction entre Ses envoyés. Ils disent : Nous avons entendu et nous avons obéi ; accorde-nous Ton pardon, Toi notre Seigneur ; c’est vers Toi que s’accomplit le grand retour. » Sourate (2 la Vache, verset 285)
«La nuit d’Isra, deux coupes furent apportées au Prophète, alors qu’il était à Jérusalem ; l’une contenait du vin, l’autre du lait. Il les regarda puis choisit le lait. Gibril que la Paix d’Allah soit sur lui, dit alors : «  Louanges à Allah, Qui t’a guidé vers la Fitrah ( voie primordiale, innée ) Si tu avais choisi le vin, ta Oummah ( communauté ) serait morte. » » (L’imam Al Boukhari, qu’Allah lui fasse Miséricorde, a mentionné le hadith suivant d’après Abou Houreyra qu’Allah l’agrée)

Il y avait là quatre fleuves, deux cachés et deux visibles. Je demandai :

« Qu’est-ce que cela Ô Gibril ? »

Il dit :


« Les deux fleuves cachés sont des fleuves du Paradis, les deux fleuves visibles sont le Nil et l’Euphrate. »


Arrivé à ce stade, Dieu ordonna au Prophète (PSL) la prière canonique pour les êtres humains, à raison de cinquante par jour. Quand le Prophète descendit, Moussa – Moïse, que la Paix d’Allah soit sur lui, édifié par son expérience avec les fils d’Israël, lui suggéra de retourner vers Dieu pour lui demander de baisser ce nombre. Le Prophète Muhammad (PSL) y retourna jusqu’à ce que Dieu accepte et que le nombre fut réduit à cinq, avec une valeur de cinquante !

Le Prophète reçu également, à l’intention des croyants, divers commandements sur le nombre et l’objet desquels la tradition varie quelque peu :

  • N’adorer que Dieu Seul, Parfait en Son Essence et en Son Unité
  • Aimer son prochain comme soi – même et protéger les faibles
  • Aimer, vénérer et assister son père, sa mère et ses proches
  • Accueillir les infortunés et les orphelins, les abandonnés, les voyageurs et les étrangers en les considérant comme hôtes de Dieu
  • Ne pas tuer ni commettre l’adultère
  • N’être ni prodigue, ni avare, ni concupiscent, ni orgueilleux
  • Respecter tous les êtres
  • Respecter la propriété d’autrui et prendre soins des biens des orphelins
  • Etre honnête et loyal en tout et envers tous : s’interdire de falsifier les écrits, de pratiquer l’usure, de frauder sur les poids et les mesures, de porter un faux témoignage

Pour sa mission, Allah lui recommanda la patience, la bonté, le pardon des offenses, la pitié pour ses persécuteurs. Il lui fit connaître qu’il devait se préparer à l’exil (Hégire), ce qui exigera de lui et des croyants, courage et sacrifice.

Le prophète Muhammad (PSL) fut ramené à nouveau à Jérusalem par l’ange Gabriel et al-Burâq, puis de là à La Mecque. Sur la route du retour, il aperçut des caravanes qui faisaient également route vers La Mecque. Il faisait encore nuit quand ils parvinrent dans l’enceinte de la Ka’ba. L’ange et la monture s’en allèrent, et le Prophète Muhammad (PSL) se rendit chez Um Hânî. Il lui raconta ce qui lui était arrivé.
 

« Il s’agit du voyage céleste du Prophète, sur lequel la concision coranique contraste avec la proximité de la tradition, de la théologie et de la mystique. Voyage qui soulève un ensemble complexe de problèmes délicats, malgré l’abondante littérature élaborée par les musulmans d’hier et les orientalistes occidentaux de nos jours. » Le Coran ’, traduction nouvelle par le Cheikh BOUBAKEUR HAMZA, ENAG Editions, Alger 1989


Sur le chemin du retour, entre Jérusalem et la Mecque, Le Prophète vit des caravanes progresser dans le désert. Au matin, il fit part de son voyage nocturne aux Qurayshites qui se moquèrent de lui et le rapportèrent à Abou Bakr (Qu’Allah l’agrée) qui rétorqua :


« S’il le dit, c’est que c’est vrai ! » Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2, p. 256


Ce qui lui valut le surnom de « Aç-çiddiq », qui témoigne de la Vérité, le Véridique. Plus tard, les caravanes que le Prophète avait vues en revenant de Jérusalem, arrivèrent à La Mecque, confirmant ses dires.


« Gloire à celui qui fit voyager de nuit Son serviteur de la Mosquée sacrée à la Mosquée la plus éloignée dont Nous avons béni les alentours, afin de lui faire découvrir certains de Nos signes ! Dieu est, en vérité, l’Audient et le Clairvoyant. » (Sourate 17, verset 1)

« C’est en vérité une révélation inspirée, que lui a enseignée un être d’une force prodigieuse, doué d’une sagacité inouïe, qui se manifesta devant lui sous forme angélique, alors qu’il se trouvait à l’horizon suprême. Puis l’être se laissa glisser et s’approcha jusqu’à ce qu’il ne fût qu’à une distance de deux portées d’arc ou moins encore. C’est alors que Dieu révéla à son Serviteur ce qu’il voulait lui révéler. Et le cœur ne saurait démentir ce que les yeux ont vu. Allez-vous donc lui contester ce qu’il a de ses propres yeux vu, et alors qu’il l’avait déjà vu d’une précédente apparition, près du lotus de La Limite, non loin du jardin du Séjour des bienheureux, au moment où un voile indéfinissable  recouvrait le Lotus ? Le regard du prophète n’a ni dévié ni outrepassé la mesure, et c’est ainsi qu’il lui fut donné de voir certains des plus grands signes de son Seigneur (Rabb-Educateur). » Sourate 53 verset 4-18)


Le voyage nocturne et l’Ascension nocturnes feront l’objet de beaucoup de commentaires, de moqueries  et de rires. Les critiques ne tardèrent pas. Les Quraysh avaient enfin la preuve que ce Prophète (PSL) était bien fou puisqu’il osait affirmer qu’en une nuit, il avait fait un voyage vers Jérusalem (qui, à lui seul, nécessitait plusieurs semaines) et que, de surcroît, il aurait été élevé dans la proximité de son Dieu Unique. 

L’élection prophétique par le voyage nocturne était dans les faits, pour les musulmans, une véritable «épreuve de la confiance» au moment où ceux-ci vivaient une situation complexe. La tradition rapporte que quelques musulmans quittèrent l’Islam mais la majorité d’entre eux eurent confiance au Prophète Muhammad (PSL). Des faits vinrent confirmer quelques semaines plus tard certains des propos qu’il avait tenu comme par exemple l’arrivée de convois dont il avait annoncé la venue.

C’est bien la force de confiance dans la foi qui allait permettre à la communauté des musulmans de faire face aux futures adversaires.

Il va sans dire que si cet événement suscita bon nombre de discussions au sein de la communauté des savants. Qu’il fut en songe ou réel, que le Prophète y participa corps et âme ou non, il marque l’Unité de la Prophétie, depuis Adam jusqu’à Muhammad (PSL). La majorité d’entre eux optent pour un voyage corps et âme, en son corps et en son esprit : 


« Il faut distinguer le cœur, l’essence des choses et la présence de celles – ci dans le cœur. Entre le cœur et la Vérité (Al Haqq) s’interpose un voile. Lorsque le voile est levé, l’Homme a connaissance de la forme du monde physique et surnaturel et il aperçoit un Paradis qui englobe les cieux et la terre et les surpasse amplement. » l’imam Abou Hamid Al Ghazâli (1058 – 1111 )


Le ciel et la terre constituent le monde matériel visible qui malgré son étendue est limité. En revanche, le monde surnaturel qui ne peut être saisi que par une perception spirituelle est infini. Et cette faculté de saisir ainsi l’Univers de Dieu est une grâce secrète que Dieu accorde aux prophètes et dans certains cas aux mystiques.
Ils se dégagent également d’autres enseignements sur cette expérience du Messager de Dieu (PSL) :

-      La centralité de Jérusalem : Le Prophète Muhammad (PSL) priait le visage tournée vers la ville sainte (la première qibla : la première direction).Et c’est sur le site du Temple qu’il dirigea la prière en compagnie de tous les Prophètes. Jérusalem apparaît ainsi au cœur de l’expérience du Prophète Muhammad (PSL) et de son enseignement pour l’Eternité du temps par le double symbole de la centralité (Direction de la prière)et de l’universalité (par la congrégation en prière de tous les Prophètes).
Plus tard à Médine, la direction de la prière changera de Jérusalem vers la Ka’ba pour ainsi marquer une distinction avec les religions précédentes. Cela ne diminuera point le statut de Jérusalem. Le verset 1 de la sourate 17 rappelle bien le lien entre la « Mosquée sacrée » (al-Ka’ba)) et la « Mosquée éloignée » (Al-aqsâ à Jérusalem).
-      L’autre enseignement est d’essence purement spirituelle : toutes les Révélations sont parvenues au Prophète Muhammad (PSL) au cours de son expérience terrestre à l’exception des versets qui fixent les piliers fondateurs de la foi (al-imân) et de l’obligation de prière (as-salât). Le Prophète Muhammad (PSL) a été élevé pour recevoir les fondements intangibles du culte (al-aqîda) et du rituel (‘ibâdât) lesquels exigent des croyants une acceptation, en l’état, de leur forme autant que de leur fond.


Dieu a prescrit des exigences et des normes que la conscience doit entendre et appliquer et le cœur aimer. Elevé pour recevoir la prescription de la prière rituelle, le Prophète Muhammad (PSL) 0et son expérience révèlent ce que la prière doit être par essence : un rappel et une élévation, cinq fois par jour, vers le Très-haut pour se détacher de soi, du monde et des illusions. Le Mi’râj (l’élévation, lors du voyage nocturne) n’est donc point simplement un archétype de l’expérience spirituelle ; il recèle le sens profond de la prière qui, au moyen du verbe de l’Eternel, doit libérer la conscience des contraintes et des contingences  de l’espace et du temps.

Yathrib 786
12 novembre 2017

02 novembre 2017

A Tâ’if



Au mois de Chawwâl de l’an 10 de la prophétie (fin mai ou début juin 619 G., le Prophète Muhammad (PSL), en compagnie Zayd ibn Hârithah, l’affranchi devenu son fils adoptif,  et marchant à pieds, se rendit à Tâif, localité située à environ 111 km de la Mecque.
Il s’adressa aux dignitaires de la Tribu de Ta’îf afin qu’ils entendent le message de l’islam et qu’ils acceptent de protéger les musulmans contre leurs ennemis.
Il choisit trois frères parmi les chefs de la tribu des Tâ’ifiens à savoir Abd Yâlil, Masaoud et Habib les trois enfants de Amr ibn Omair Ath-Thakafi. Il s’installa parmi eux, les appela à Allah.
Le premier dit qu’il allait déchirer le voile de la Kaaba si Allah l’avait envoyé.
Le deuxième dit: «Allah n’a-t-il pas trouvé un autre messager que toi ?».
Le troisième dit: «Par Allah, je ne te parlerai jamais. Si tu étais un Messager tu n’aurais pas besoin que je te réponde par la parole. Si tu mentais contre Allah, il ne conviendrait pas que je te parle».

Sur ces mots, le Messager d’Allah (PSL) se leva et leur dit:

«Puisque vous refusez, taisez-vous à mon sujet».


Le Prophète Muhammad (PSL) séjourna pendant dix jours parmi les gens de Tâ’if. Au cours d’une telle période, son appel n’épargna aucun des notables de la localité.
Il fut reçu très froidement. Les chefs se moquèrent de sa prétention à être un Prophète (PSL). Si tel est le cas, comment Dieu pouvait-il ainsi laisser son Envoyé obligé de quémander un soutien auprès de tribus étrangères ?
:
«Sors de notre pays!». Lui répondirent-ils !

Non seulement, ils n’entrèrent point en matière, mais ils mobilisèrent contre lui la population. Alors qu’il s’en retournait, des insultes saluaient son passage et des enfants lui jetaient des pierres. Ils étaient de plus en plus nombreux à se ressembler  sur son passage et à l’accompagner de leurs railleries.
Ils lui jetèrent des pierres aux tendons au point que ses chaussures fussent teintées de sang. Zayd ibn Hârithha s’offrait en bouclier pour le protéger mais fut blessé à la tête. Les sots et les stupides ne cessèrent de le suivre et de l’acculer au point de le contraindre à aller vers un jardin appartenant à Otba et à Chayba les deux enfants de Rabîa à 5,5 km de Tâif.
Après que le Messager d’Allah (PSL) se fût réfugié dans ce jardin, les gens s’en retournèrent. Alors, il alla jusqu’à un cep de vigne et s’asseyait à son ombre, adossé à un mur. 
C’est là qu’il fit, après avoir retrouvé son calme, sa célèbre invocation qui dénotait que son cœur était rempli de tristesse pour la violence déjà subie et aussi de regret que personne ne crût au message. Il dit : 


«Ô MON Dieu ? À Toi je me plains de ma faiblesse, de mon impuissance et de ma misérable condition devant les hommes. Ô le plus Miséricordieux des Miséricordieux, Tu es le Seigneur des faibles et tu es mon Seigneur (Rabb-Educateur). Entre les mains de qui veux-tu donc me livrer ? A quel étranger lointain qui me maltraitera ? Ou à un ennemi à qui T’auras donné le pouvoir contre moi ? Je ne fais aucun souci si tant est que Tu ne sois pas courroucé contre moi. Ton gracieux soutien m’ouvrirait néanmoins un chemin plus vaste et un horizon plus large ! Je prends refuge dans la Lumière de Ta face par laquelle toutes les ténèbres sont illuminées et les choses de ce monde et de l’autre sont justement ordonnées, afin que Tu ne fasses pas descendre sur moi Ta colère et Ton courroux ne m’atteigne pas. Pourtant, Il T’appartient de blâmer tant que tu n’es pas satisfait. Il n’y a de puissance ni de force qu’en toi. » Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2, p.268


 C’est vers l’Unique, son Protecteur et son confident, qu’il se tourna au moment où toutes les voies semblaient sans issue : ses questions n’exprimaient point des doutes quant à sa mission, mais traduisaient clairement son impuissance d’être humain ajoutée à son ignorance des desseins divins. A cet instant précis, loin des hommes, dans la solitude de sa foi et de sa confiance en l’infiniment Bon, il s’en remit littéralement et totalement à Dieu. En cela, cette prière révèle toute la confiance et la sérénité que le Prophète Muhammad (PSL) puise de sa relation au Très Haut.

Cette invocation, devenue célèbre, dit l’impuissance de l’homme et l’extraordinaire force spirituelle de l’Envoyé. Apparemment seul et sans alliés, il sait qu’il n’est point seul.

Les deux propriétaires du verger  Otba et Chayba, avaient de loin, vu entrer le Prophète Muhammad (PSL) et l’avait observé s’isoler et lever les mains pour invoquer Dieu. Ils envoyèrent leur esclave ‘Addâs, un jeune homme chrétien, lui porter une grappe de raisin.
Lorsque celui-ci lui tendit la grappe de raisin, il entendit le Prophète (PSL) prononcer la formule :


«Bismillah !» (« Au nom de Dieu », « je commence par Dieu »)


Il en fut surpris et s’enquit de l’identité de cet homme qui prononçait des formules que lui, chrétien, n’avait jamais entendues dans la bouche des polythéistes.
Le Prophète Muhammad (PSL) lui demanda d’où il venait. ‘Addâs lui répondit qu’il était originaire de Ninive. Le Prophète (PSL) ajouta :


«Le pays de Jonas (Younouss) le juste, fils de Mattâ’)»


Le jeune s’étonna et se demanda comment cet homme avait pu avoir connaissance de cela.
Après l’avoir informé du fait qu’il était chrétien, ‘Addâs questionna à son tour le Prophète Muhammad (PSL) sur son identité.


«Jonas est mon frère. Il était Prophète et je suis Prophète.» Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2, p.269


Cela dit Addâs se pencha, baisa les mains et les pieds du Prophète (PSL).
Les deux enfants de Rabîa se dirent alors l’un à l’autre:


«Voilà, il a corrompu ton gosse».


Au retour de Addâs ils lui dirent:


«Malheur à toi! qu’est-ce que c’est, ce que tu viens de faire? ».


Le garçon répondit:


«Maître! il n’existe pas sur terre meilleur que cet homme. Il m’a informé d’une chose que seul un prophète peut savoir».


Ils lui dirent:


«Malheur à toi! Qu’il ne te détourne pas de ta religion car ta religion est meilleure que la sienne».


Le Roi d’Abyssinie avait tout de suite reconnu la filiation des deux messages. C’était maintenant un jeune esclave, lui aussi chrétien, qui partageait la même intuition.
Deux fois déjà, dans la peine et la solitude, s’étaient trouvés dans la route du Prophète (PSL) des chrétiens qui lui avaient accordé la confiance, le respect et le refuge.

Le Prophète Muhammad (PSL) prit la route du retour à la Mecque  après avoir quitté le jardin, triste et le cœur brisé. A l’entrée de la ville, Allah lui envoya l’ange Jibril, accompagné de l’ange des montagnes. Celui-ci lui proposa de renverser les deux montagnes sur les Mecquois. 
Al-Boukhâri a déjà rapporté cette histoire en détail, la tenant de Orwa ibn Az-Zoubair.

Il rencontra un cavalier à qui il demanda de s’enquérir auprès d’un dignitaire mecquois de sa parenté s’il acceptait de lui assurer sa protection. Le cavalier s’exécuta, mais le dignitaire refusa comme ce fut le cas d’un second chef sollicité.
Le Prophète Muhammad (PSL) ne désirait pas rentrer à la Mecque dans ces conditions. Il alla donc se réfugier dans la caverne de Hirâ’, où il avait reçu la première révélation. C’est finalement, la troisième personne sollicitée, Mut’im, le chef des clans de Nawfal, qui accepta d’assurer sa protection, et il le fit savoir en accueillant publiquement le Prophète Muhammad (PSL) dans l’enceinte de la Ka’ba.


Il se produisit ensuite un autre évènement lors du séjour du Prophète Muhammad (PSL) dans la vallée de la Mecque (As-Sayl AI­Kabir et Az-Zayma).
Allah lui envoya un groupe de djinns. Ceux-ci, le Très Haut en a fait mention dans deux endroits du Coran: 


« (Rappelle-toi) lorsque Nous dirigeâmes vers toi une troupe de djinns pour qu’ils écoutent le Coran. Quand ils assistèrent [à sa lecture] ils dirent: «Écoutez attentivement»... Puis, quand ce fut terminé, ils retournèrent à leur peuple en avertisseurs
Ils dirent: «Ô notre peuple! Nous venons d’entendre un Livre qui a été descendu après Moïse, confirmant ce qui l’a précédé. Il guide vers la vérité et vers un chemin droit.
Ô notre peuple! Répondez au prédicateur d’Allah et croyez en lui. Il [Allah] vous pardonnera une partie de vos péchés et vous protègera contre un châtiment douloureux. » (Sourate 46  AL-Ahqâf, verset 29-31)
 « Dis: «Il m’a été révélé qu’un groupe de djinns prêtèrent l’oreille, puis dirent: «Nous avons certes entendu une Lecture [le Coran] merveilleuse, qui guide vers la droiture. Nous y avons cru, et nous n’associerons jamais personne à notre Seigneur. (Sourate 72 les Djinns, verset 1-2)


Il ressort du contenu de ces versets et de celui des rapports faits au sujet du commentaire de cet événement que le Messager d’Allah (PSL) ne savait pas que ce groupe de djinns était venu l’écouter. Cela, il ne le sut que lors qu’Allah le lui fit savoir en lui révélant de tels versets. On en déduit également que c’était la première fois que les djinns assistaient à la lecture du Coran.


« Et quiconque ne répond pas au prédicateur d’Allah ne saura échapper au pouvoir [d’Allah] sur terre. Et il n’aura pas de protecteurs en dehors de Lui. Ceux-là sont dans un égarement évident. (Sourate 46  AL-Ahqâf, verset 32)



« Nous pensions bien que nous ne saurions jamais réduire Allah à l’impuissance sur la terre et que nous ne saurions jamais le réduire à l’impuissance en nous enfuyant. » (Sourate 72 les Djinns, verset 12)

Ce secours et ces annonces dissipèrent les nuages de tristesse, d’affliction et de désespoir qui suivaient le Messager d’Allah depuis qu’il avait quitté Tâif, chassé et stupéfait. En conséquence de cela, celui-ci était résolu à rentrer à la Mecque, à reprendre son premier plan d’exposition de l’Islam, de communication du message éternel d’Allah, avec un zèle tout nouveau. 

Yathrib 786
02 novembre 2017