L’Hégire dont il s’agit est un cheminement
vers Dieu, à l’instar du Prophète
Ibrahim (Abraham) qui
dit :
« Moi, je pars vers mon Seigneur et Il me guidera » (Sourate 37, verset 99).
L’Hégire est donc tout d’abord un voyage spirituel,
passer d’un état à un autre, de l’état d’insouciance à l’état d’éveil, de
la désobéissance à l’obéissance, de l’ignorance à la connaissance, de
l’égarement à la guidance, transcender du niveau de l’islam vers celui de
la conviction de foi « al-imân »
et de la conviction de foi vers l’excellence de la foi « al-ihsan ». A chaque
musulman correspond un état spirituel vers lequel il doit cheminer.
Le Prophète
Muhammad (PSL)
et l’ensemble de ses compagnons avaient dû quitter la Mecque à cause de persécutions et de l’adversité de leurs
propres frères et sœurs au sein de leurs clans respectifs.
La
situation était devenue intenable, des femmes et des hommes étaient morts, d’autres
avaient été torturés. Et les Qurayshites avaient finalement décidé de s’en
prendre au Prophète Muhammad (PSL).
L’émigration,
l’Hégire (al-Hijra), c’est d’abord clairement la réalité objective de femmes
et d’hommes croyants, à qui on ne laissait pas la liberté de pratiquer et de s’exprimer.
Des musulmans qui ont décidé de tout quitter au nom de leur conscience.
«La terre de Dieu est vaste » Sourate Az-zumar les Groupes 39, verset 10
Ils
ont décidé de s’arracher à leurs racines, de rompre avec leur univers et leurs
habitudes et de vivre l’exil au nom
de leur foi et de la foi. La Révélation
louera le courage et la détermination de ces croyants qui par leur geste si
difficile et si humainement couteux, ont décidé d’exprimer leur confiance en
Dieu :
«Ceux qui ont émigré pour Dieu après avoir subi des injustices, Nous leur affecterons un séjour agréable en ce monde, et leur rétribution dans la vie future sera encore plus belle, si seulement ils savaient Ceux qui ont patienté et qui ont placé leur confiance en leur Seigneur. » Sourate 16 AN-NAḤL LES ABEILLES verset 41-42
L’exil est donc une
épreuve de la confiance en Dieu. Tous les Prophètes ont vécu des épreuves du cœur, et tous les croyants à
leur suite. Jusqu’où ils sont prêts à aller, que sont-ils prêts à donner au
péril de leur vie, pour l’Unique, Sa vérité et son Amour ? Telles sont les
questions éternelles de la foi qui accompagnent chacune des expériences
spirituelles, temporelles et historiques de la conscience croyante. L’Hégire fut une des réponses de la
communauté musulmane à l’origine de son existence.
L’Hégire est
également une leçon de fidélité. Il va exiger des premiers musulmans à
garder la fidélité et la cohérence du message malgré les changements de lieu,
de culture et de mémoire. Médine va impliquer d’autres habitudes, d’autres types
de relations sociales et un nouveau rôle différent pour les femmes contrairement
à la Mecque. Aux relations déjà complexes
entre les tribus, il fallait ajouter la présence influente et nouvelle pour les musulmans des communautés juives et
chrétiennes.
Dorénavant,
la communauté musulmane, en moins de treize ans, va devoir, en suivant l’exemple
du Prophète Muhammad (PSL), faire la
part des choses entre ce qui relevait des principes islamiques et ce qui tenait
davantage de la culture mecquoise. Les musulmans devaient rester fidèles aux
premiers tout en apprenant à être
flexibles et critiques vis-à-vis de leur culture d’origine. Ils devaient même s’efforcer
de réformer certaines de leurs habitudes plus culturelles qu’islamiques.
Une anecdote :
‘Umar Ibn Khattab l’apprit à ses
dépens quand, après avoir réagi très sévèrement à la manière dont sa femme lui
avait répondu (et qui était impensable à la Mecque), il s’entendit rétorquer qu’il
devait le supporter et l’accepter de la même manière le Prophète (PSL) l’acceptait.
L’Hégire, l’exil, va
révéler qu’il n’en est rien, et qu’il convient de questionner chacune de ses
pratiques culturelles, d’abord au nom de la fidélité aux principes mais
également afin de s’ouvrir aux autres cultures et de s’enrichir de leurs
richesses.
Une deuxième
anecdote :
Ainsi
le Prophète Muhammad (PSL) apprenant
qu’un mariage allait avoir lieu parmi les Ansâr (les auxiliaires de Médine alors que les musulmans
de la Mecque allaient désormais s’appeler les Muhâjirûn les Exilés), demanda à ce que deux chanteuses leur soient
envoyées car, fit-il remarquer, ceux-ci aimaient le chant. Non seulement, il
reconnaissait un trait, un goût culturel, qui, en soi n’était pas en
contradiction avec les les principes islamiques. Le Prophète Muhammad (PSL) l’intégrait comme un apport positif et
une richesse.
Au-delà
de la fidélité, l’Hégire fut en cela une épreuve d’intelligence,
invitée à distinguer entre les principes et leur manifestation culturelle avec,
de surcroît, un appel à l’ouverture et à l’accueil confiant de nouvelles coutumes,
de nouvelles façons d’être et de penser, de nouveaux goûts. L’universalité des
principes se mariait avec l’impératif de la reconnaissance de la diversité des
modes de vie et des cultures. L’expérience de l’Hégire est en soi une
expérience profonde, une révolution puisqu’il s’agissait de s’arracher de ses
racines tout en restant fidèles au même Dieu, au même message dans différents
milieux.
L’exemple du
Prophète Moise
Au-delà
de ces enseignements historiques et
spirituelles, l’Hégire est également une
expérience de la libération. Moïse avait libéré son peuple de l’oppression.
Il l’avait mené vers la foi et vers la liberté. L’essence de l’Hégire est
exactement de même nature. Persécutés à cause de leurs convictions, les
croyants décidèrent de fuir la tutelle de leurs tortionnaires et d’entamer leur
marche vers la liberté. Au fond l’équation est simple : dire Dieu impose d’être
libre ou de se libérer. C’est déjà le message que le Prophète Muhammad (PSL) puis Abu Bakr avaient transmis à tous les esclaves de la Mecque. Leur
entrée en islam signifiait leur libération. Tous les enseignements de l’Islam
étaient tournés vers la fin de l’esclavage. C’est aussi un appel plus large
lancé à la communauté universelle et spirituelle des musulmans : la
foi exige la liberté et la justice. Il faut être prêt, comme ce fut le cas de l’Hégire, à en payer personnellement et
collectivement le prix.
L’exemple du
Prophète Abraham
Telle
fut également l’attitude d’Abraham,
que son neveu Loth fut l’un des
seuls à croire et à reconnaître, lorsqu’il s’adressa à son peuple en ces termes :
« Et Abraham leur dit : « Vous n’avez adopté des idoles en dehors de Dieu que pour consolider, entre vous, l’amour qui vous attache à ce bas monde ; mais, le jour de la Résurrection, vous vous renierez et vous vous maudirez les uns les autres. Et, sans pouvoir bénéficier d’aucun secours, vous aurez l’Enfer pour dernière demeure. »
Loth cru en lui et Abraham dit :
« Je m’exile auprès de mon Seigneur (innî muhâjirun ilâ Rabbî), car il est Lui, le Tout-puissant, le Sage. » Coran sourate 29 L'araignée (Al-Ankabut) verset 25-26
Se
libérer par l’expérience de la rupture
telle est l’exigence de la Hijrâ.
Plus
tard interrogé par compagnon sur le meilleure des Hijrâ, le Prophète (PSL) répondit :
« C’est de s’exiler loin du mal. » hadith rapporté par Ahmad
Une troisième
anecdote sur ‘Aïsha
L’Hégire physique, acte fondateur et
axial de la première communauté islamique, a eu lieu et ne se renouvellera pas,
comme l’exposera ‘Aîsha à tous ceux qui voulaient, à Médine, revivre cette
expérience.
L’Hégire le début
du calendrier lunaire islamique
‘Umar
Ibn Khattab decidera plus tard que cet évènement unique marquerait le début de
l’ère islamique, qui commence ainsi en 622,
selon un décompte se fonda sur les cycles lunaires.
L’exil, enfin, au nom de Dieu, est une
série de questions que Dieu pose à chaque conscience :
-
Qui es-tu ?
-
Quel est
le sens de la vie ?
-
Où vas-tu ?
L’exil spirituel ramène l’individu à soi
et le libère des illusions de ce monde.
Accepter
le risque de cet exil, faire confiance à Dieu c’est répondre :
« Par toi je reviens à moi et je suis libre. »
Yathrib
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31
décembre 2017