Une société était en train
de se constituer à Médine dans des
circonstances particulières. Les conflits de tribus et les querelles de
positionnement rendaient complexes les relations entre les musulmans et les non
musulmans des autres clans malgré les pactes et les alliances
Il arrivait que d’anciens
réflexes acquis dans la société païenne refassent surface et créent des
tensions. L’éducation religieuse et spirituelle heureusement était là pour
atténuer les tensions. Le Prophète (PSL)
était toujours présent pour rappeler les principes qui fondent désormais les
relations et la vie à Médine.
A la Mecque, le désarroi était immense. Le succès de l’émigration
était perçu non seulement comme une humiliation, mais également comme un danger
quant à l’équilibre des pouvoirs dans l’ensemble de la péninsule arabique.
Depuis des décennies, les Quraysh étaient naturellement reconnus
comme les maîtres incontestés par leur histoire mais aussi parce qu’ils
géraient la Mecque, le sanctuaire des idoles et la foire annuelle où l’ensemble
des tribus convergeaient. La présence du
Prophète Muhammad (PSL) à Médine dont
la nouvelle s’était répandue, portait un coup de grâce à cette réputation. Le Prophète Muhammad (PSL) et ses
compagnons le savaient. Ils s’attendaient à quelque réaction imminente de la
part de clans et de parents qu’ils connaissent si bien.
Tous les musulmans n’avaient
pas émigré. Ceux qui étaient restés étaient d’autant plus maltraités par les
chefs Qurayshites. Ceux-ci
supportaient évidemment très mal les succès du Prophète Muhammad (PSL). D’aucuns étaient d’ailleurs restés à la Mecque sans avoir rendu publique
leur conversion à l’Islam. Ils craignaient désormais la réaction et les représailles
qui n’allaient pas tarder de s’abattre sur eux.
Certains Quraysh allèrent plus loin et décidèrent
même, contrairement au code de l’honneur que respectait l’ensemble des clans de
la péninsule, de s’emparer des propriétés et des biens que les émigrants
laissés à la Mecque. Cette attitude
considérée comme lâche et indigne était inacceptable par le Prophète (PSL) et les compagnons. Il fut décidé six mois après leur exil qu’ils
s’en prendraient à leur tour aux caravanes mecquoises qui transitaient à
proximité de Médine afin de
reprendre l’équivalent de leurs biens expropriés à la Mecque.
Le
Prophète Muhammad (PSL) organisa dans les mois suivants pas
moins de sept expéditions (maghâzi) auxquelles
il ne participait pas. Les expéditions étaient exclusivement constituées de Muhâjirûn (émigrés) qui étaient les
seuls touchés par les usurpations des Quraysh.
Ce qui démontre le sens de justice et l’attachement du Prophète (PSL) aux principes de l’Islam.
Pour rappel les
commentateurs ont souvent différencié deux types d’expéditions :
-
As-sariyya : désignait celles
où le prophète ne participait pas
-
Al-ghazwa : celles où
il était prenant.
Les Ansâr furent tenus à l’écart d’un règlement de compte qui ne les
concernait pas. Il s’agissait d’expéditions où il n’y avait point de combats ni
de mort, mais uniquement une reddition de biens. Les marchands étaient ensuite
libres de poursuivre leur route. Les Muhâjirûn
enregistraient parfois des échecs arrivant trop dans les lieux où bivouaquaient
les Mecquois. Dans l’ensemble, les Muhâjirûn mettaient la main sur un
butin compensatoire relativement important.
Lors de l’une de ces
expéditions, une grave violation est commise de la part des musulmans à l’encontre
des coutumes arabes. Le Prophète
Muhammad (PSL) avait reçu la nouvelle qu’une caravane mecquoise était sur
son chemin de retour du Yémen. Il envoya aussitôt son cousin ‘Abd Allah ibn Jahsh avec huit autres Mouhâjirûn attendre le convoi entre at-Taïf et la Mecque. C’était au mois
de Rajab, un des quatre mois sacrés
(harâm). Quatre mois de trêve où aucune agression n’est autorisée ni aucun sang
versé. Le Prophète Muhammad (PSL) n’avait
en conséquence donné aucune instruction particulière à l’expédition. Il
attendait de leur part seulement des informations sur la protection des
caravanes du Sud afin de mieux les surprendre à l’occasion.
Les Mouhâjirûn, voyant l’importance de la caravane, «chargé de raisins
secs, de peaux de cuir et d’autres marchandises de Koreich » (Ibn Hichâm),
se résolurent à l’attaquer.
Après tout, n’avaient-ils
pas reconnu, parmi les caravaniers, deux membres du clan des Makhzûm, l’un des plus hostiles à leur
cause.
Ce jour était le dernier
du mois de Rajab et, au coucher du
soleil, on entrerait dans le mois de Cha’abâne
qui n’était pas, lui, un mois sacré (source Salah STETIE). Les musulmans décidèrent d’agir donc immédiatement.
Leur première flèche tua un homme, un confédéré du clan de Kinda, sur quoi les autres hommes se rendirent, sauf un certain Naufal qui parvint à s’échapper vers la
Mecque. La mission d’espionnage et d’information s’achevait, selon les mœurs du temps, en une véritable catastrophe morale.
L’émoi fut énorme partout
où la nouvelle se répandit. A la Mecque, l’indignation ne céda qu’à la stupeur.
Les propres compagnons du Prophète (PSL)
ne parvinrent pas à contenir leur trouble. Entre temps Abdallah et ses hommes avaient ramené leurs prisonniers à Médine avec les chameaux et les
marchandises. Le Prophète Muhammad (PSL)
leur reprocha d’avoir dépassé ses instructions :
« Je ne ai pas ordonné de combattre durant le mois sacré. » Ibn Hichâm
Le
Prophète Muhammad (PSL) fit confisquer le butin rapporté et
refusa la part qui lui en était affectée. Les choses tournaient mal et l’effervescence
était à son comble.
Yathrib 786
Le 25 février 2018