Les
femmes et les enfants qui avaient été fait prisonniers avaient été
placés dans un vaste enclos protégés du soleil. Ils avaient été
normalement nourris jusqu'au retour du Prophète Muhammad (PSL).
Quand
ce dernier revient et qu'il vit que la majorité d'entre eux étaient
assez misérablement vêtus, il exigea que l'on prît de l'argent du
butin et que l'on achetât au marché un vêtement neuf pour chaque
prisonnier. Il décida ensuite de partager le butin, mais en ne
répartissant point les prisonniers devenus captifs de guerre, car il
redoutait que les Hawâzin ne manqueraient pas d'envoyer une
délégation pour demander qu'ils leurs soient remis.
Il
commença donc la distribution des biens et à la surprise des
Ansârs, il remit aux Quraysh, au premier rang desquels
Abû Sufyân et Hakîm (le neveu de Khadîdjâ),
qui venaient de se convertir à l'Islam, une part importante du
butin. Il en fût de même pour Safwân et Suhayl, qui
avaient tous deux combattus à Hunayn mais qui hésitaient
encore à se convertir. La Révélation avait recommandé au
Prophète (PSL) de garder une partie du butin :
«A l'attention de ceux dont les cœurs doivent être ralliés ou affermis dans la foi.» (Sourate 9 vert 60)
Il
ne s'agissait point d'un moyen de conversion mais, plutôt,
d’affermir par un don matériel une foi qui restait fragile. Le
Prophète (PSL) savait que Safwân et Suhayl étaient
sensibles à la foi et qu'ils s'étaient battus avec bravoure aux
côtés des musulmans. Il leur fit don de biens en nombre et n'exigea
pas leur conversion.
C'est
bien son attitude pleine de pardon lors de la conquête de la
Mecque, puis son courage et sa détermination durant la guerre,
et, enfin sa générosité après la bataille qui finirent par les
convaincre qu'ils avaient bien affaire à un Prophète.
Quant
à Abû Sufyân, il savait combien la reconnaissance sociale
et les honneurs étaient importante à ses yeux. Le Prophète
Muhammad (PSL) ne l'oublia pas et le conforta dans son statut.
Hakîm,
manifestait de son côté quelque fierté lorsqu'il reçut sa part du
butin. Elle était importante. Il semblait se réjouir du gain
matériel beaucoup plus que toute autre chose. Le Prophète
Muhammad (PSL) accompagna ce don d'un enseignement :
«La main du haut est meilleur que la main du bas.» (Hadîth rapporté par Muslim et Bukhârî)
Il
lui signifiait ainsi que la générosité de celui qui possède, son
souci du pauvre, le don qu'il doit faire de soi et de ses biens est,
spirituellement, un statut plus noble que celui de l'individu qui
simplement reçoit ou qui mendie. Il leur conseilla enfin de donner
de ses biens aux siens et à tous ceux qui dépendaient de lui. Il
leur apprit à recevoir plus dignement, pour donner plus humblement.
Sept
jours s'étaient écoulés. Les Hawâzîn ne s'étaient pas
manifestés. Pensant qu'ils ne viendraient pas, le Prophète (PSL)
procéda à la distribution remettant aux Quraysh un nombre
plus important de captifs. A peine avait-il terminé qu'une
délégation des Hawâzîn se présenta à lui. Le Prophète
(PSL) qu'il les avaient attendus, qu'il avait procédé à la
répartition, mais qu'il allait intercéder en leur faveur en
demandant de restituer les prisonniers. Après quelques hésitations,
tous les combattants les remirent à la délégation des Hawâzin.
Au moment de partir, le Prophète Muhammad (PSL) s'enquit du
destion de Mâlik, leur chef. On l'informa qu'il s'était
réfugié chez les Banû Thaqîf. Il transmit un message à
son intention. S'il venait à lui en musulman, sa famille lui serait
remise, ainsi que tous ses biens et une centaine de chameaux. (Ibn
Hishâm, op. Cit., vol. 5, p. 166)
Tout
se passa comme si le Prophète (PSL) avait déjà sondé le
cœur de Mâlik lorsqu'il lui avait fait face à Hunayn.
Dès que ce dernier entendit l'offre du Prophète (PSL), il
s'échappa de nuit et vint à sa rencontre. Il prononça
immédiatement l'attestation de foi.
A
peine est-il entré dans l'Islam que le Prophète (PSL) lui
témoigna une incroyable confiance. Il le mit à la tête de tous les
Hawâzin déjà convertis à l'islam en leur commandant de se
rendre à Tâ'if et de mettre fin à la résistance des Banû
Thaqîf.
La
confiance que le Prophète (PSL) avait placé en celui qui,
moins d'un mois auparavant avait failli causé la perte des
musulmans, était peu ordinaire. Les jours et les années qui
suivirent, donnèrent raison à l'intuition du Prophète Muhamamd
(PSL). Et Mâlik, non seulement accomplit sa mission, mais
demeura fidèle, et profondément spirituel, dans son attachement au
Prophète Muhammad (PSL).
Les
Ansâr avaient observé avec quelque stupéfaction l'attitude
du Prophète (PSL), car au bout la quasi totalité du butin
avait été distribuée aux gens de Quraysh. D'aucuns
commencèrent à exprimer publiquement leur déception, voire leur
désapprobation. Il leur apparaissait que le Prophète (PSL)
privilégiait les siens, et qu'après avoir eu besoin des Médinois,
son cœur penchait maintenant pour son peuple.
Sa'd
ibn 'Ubâda vint à lui en tant qu'émissaire des Ansâr et lui
exposa leurs griefs. Le Prophète (PSL) l'écouta et lui
demanda de rassembler tous les Auxiliaires afin qu'il puisse
s'adresser à eux. (Ibn Hishâm, op. Cit., vol. 5, p. 176)
Il
leur tint un discours sur leur dette respective car enfin, leur
dit-il, ils lui devaient d'avoir été guidés comme il leur devait
d'avoir trouvé un refuge alors qu'il était persécuté. Le
Prophète (PSL) déclara qu'il n'oubliait rien de cela, et il
leur demanda de ne pas être perturbés par la distribution des biens
qui, au fond, était destinés à affermir la foi de certains. Ni
plus ni moins. Il ne fallait surtout pas qu'ils mesurent son amour
pour eux à l'aune de la quantité du butin qu'ils avaient reçue.
Leur amour des biens de ce monde leur avait fait oublier le sens
véritable amour pour Dieu, en Dieu. Les Quraysh repartaient
avec un butin, des moutons et des chameaux alors que les Ansârs
s'en retourneraient avec le Prophète (PSL) qui avait décidé
d'établir auprès d'eux, à Médine, sa cité d'adoption.
Il
ajouta :
«Si tous les hommes prenaient un chemin et que les Ansâr (Auxiliaires) en prenaient un autre, je prendrais le chemin des Ansâr.» (Ibn Hishâm, op. Cit., vol. 5, p. 177)
L’émotion
était intense et beaucoup parmi les Ansârs se mirent à
pleurer. Ils comprenaient combien ils s'étaient mépris sur
l'attitude du Prophète (PSL) et sur l'interprétation des signes de
sa loyauté. Sa présence était signe de son amour, alors que les
biens qu'il avait distribués étaient simplement la preuve qu'il
savait que certains cœurs étaient encore attachés aux illusions de
ce monde.
Le
Prophète (PSL) décida de quitter Ji'râna et
d'effectuer le petit pélérinage avant de retourner à Médine. Le
Prophète (PSL) avait choisi de ne point s'établir à la Mecque,
sa ville natale, mais de s'en retourner avec les Ansâr.
Médine la ville de son exil, était devenue sa ville. Il y
avait trouvé refuge, il y avait établir sa demeure et la mosquée.
Il avait fait sienne cette cité dont la culture et les habitudes
étaient pourtant bien différentes de celles de la Mecque. Il
avait vécu près de cinquante-deux ans avant de se voir obligé de
la quitter. Il s'était intégré à son nouvel environnement en
observant et en respectant les us et les coutumes de ses habitants,
leur psychologie et leurs espérances puis, peu à peu, il avait
lui-même intimement intégré ces dimensions devenues constitutives
de sa personnalité. Le Prophète (PSL) était devenu
Médinois, et il aimait les Ansâr d'un profond amour
spirituel qui transcendait les appartenances tribales, claniques ou
culturels.
Le
Prophète (PSL) s'était de nouveau installé à côté de la
mosquée. Il poursuivait ses enseignements quand il eut la surprise
de voir venir à lui le poète Ka'b ibn Zuhayr, celui-là même
qui avait utilisé ses talents d'écriture pour se moquer de lui et
ridiculiser ses prétentions d'Envoyé de Dieu.
Un
matin, après la prière de l'aube, il se rendit auprès du
Prophète (PSL) et lui demanda s'il pardonnerait à Ka'b ibn
Zuhayr si celui-ci venait à lui. Le Prophète (PSL) lui
répondit par l'affirmative. Et ka'b déclina son identité.
L'un des Ansâr se précipita sur lui dans l'intention de le
tuer, mais le Prophète (PSL) le retint et lui dit que K'ab,
venu à lui repentant n'était plus le même. Le poète récita
alors au Prophète (PSL) quelques vers dont le contenu exprimait le
respect, l'amour, en même temps qu'il s'agissait d'une demande de
pardon.
Le
Prophète (PSL) fut profondément ému en écoutant ce poème, et
lorsque Ka'b eut terminé sa récitation, il l'enveloppa de sa
tunique afin d'exprimer non seulement qu'il lui avait pardonné mais
qu'il lui rendait hommage pour la maîtrise de son verbe poétique.
Le
Prophète Muhammad (PSL) avait le goût de l'esthétique et il
aimait l'éloquence autant que la musicalité de la langue. Le vers
poétique qui exprimait le beau, qui traduisait la profondeur des
sentiments et des êtres faisait partie de son univers naturel, de
son horizon culturel le plus profond.
Cet
art, cette spiritualité du verbe, fut, tout au long de sa vie, une
façon de dire les profondeurs de l'être dans l'espoir de s'élever
naturellement vers l’Être.
Yathrib786
Le
24 mars 2019