29 avril 2018

De la modération ! De la modération !


La vie continuait à Médine. Malgré la complexité des relations et la vigilance nécessaire, le Prophète Muhammad (PSL) continuait à dispenser ses enseignements à la lumière des Révélations qui lui parvenaient. Il ne cessait d’être l’exemple dont la particularité était l’équilibre entre une stricte fidélité à ses principes et une constante chaleur humaine qui se dégageait de son contact et de sa présence. Les compagnons en étaient si avides qu’ils se relayaient afin de passer le plus de temps possible en sa compagnie de pouvoir l’écouter et apprendre.

Les compagnons aimaient le Prophète Muhammad (PSL) d’un amour respectueux, profond et fidèle. Le Prophète (PSL) ne cessait de les inviter à approfondir cet amour, à apprendre à l’aimer encore davantage et à l’aimer enfin à la lumière supérieure de l’amour de Dieu.

Dans son quotidien, alors qu’il était préoccupé par les attaques, les trahisons et la soif de vengeance des ennemis, il restait attentif aux détails de la vie et aux attentes de chacun, mêlant de façon permanente la rigueur et la générosité de la fraternité et du pardon. Ses compagnons, comme ses épouses, le regardaient prier durant de longues heures de la nuit, seul, loin des hommes, isolé dans le murmure de ses prières et de ses invocations qui nourrissaient son dialogue avec l’Unique.

‘Aïcha, son épouse, en était impressionnée et étonnée :


« Ne t’imposes-tu pas trop [d’actes de dévotions] alors que Dieu t’a déjà pardonné tes fautes passées et futures ? Et le Prophète de répondre : Comment pourrais-je ne point être un serviteur reconnaissant [qui remercie] ? » (Hadith raporté par al-Bukhâri et Muslim)


Il n’imposait point à ses compagnons ce qu’il s’imposait de pratiques, de jeûnes, de méditations. Au contraire, il exigeait d’eux qu’ils allègent leur fardeau et qu’ils évitent l’excès. A certains compagnons qui voulaient mettre un terme à leur vie sexuelle, prier durant les nuits entières ou jeûner sans discontinuer (comme ‘Uthmân ibn Maz’ûm ou ‘Abd Allah ibn ‘Amr ibn al-‘As), il disait :


« N’en faites rien ! Mais jeûne certains jours et mange certains jours. Dors une partie de la nuit et veille une autre partie en accomplissant la prière. Car ton corps a sur toi des droits, tes yeux ont sur toi un droit, ta femme a sur toi un droit, ton hôte a sur toi un droit. » (Hadith rapporté par al-Bukhâri)


Il s’exclama un jour et répéta trois fois :


« Malheur aux exagérateurs (rigoristes) !!! (Hadith rapporté par Muslim)


Et en une autre circonstance :


« La modération, la modération ! Car c’est seulement par la modération que vous arriverez à bon port. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî)


Il n’avait de cesse d’apaiser la conscience des croyants qui avaient peur de leurs faiblesses et de leurs manquements. Un jour, le compagnon Handhala al-Usaydî rencontra Abû Bakr et lui confia être persuadé de sa profonde hypocrisie, tant il se sentait traversé de sentiments contradictoires : dans la présence du Prophète (PSL), il n’était pas loin de voir le paradis et l’enfer, mais lorsqu’il s’en éloignait, il était distrait par sa femme, ses enfants et ses affaires. Abû Bakr lui confia à son tour qu’il vivait les mêmes tensions. Ils allèrent voir le Prophète (PSL) et le questionner sur cet apparemment triste état de leur spiritualité. Handhala lui exposa la nature de ses doutes, et le Prophète Muhammad (PSL) lui répondit :


«  Par celui qui détient mon âme entre Ses mains, si vous aviez le pouvoir de demeurer dans l’état [spirituel] où vous êtes en ma compagnie et dans le souvenir permanent de Dieu, les anges vous serreraient la main dans vos lits et sur les chemins. Mais il n’en est rien, Handhala, il est une heure  pour cela [la dévotion, le souvenir] et une heure pour cela [le repos, la distraction]. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim


Il n’y avait donc là aucune des dimensions de l’hypocrisie, mais simplement la réalité de la nature humaine qui se souvient et oublie, qui a besoin de se souvenir justement parce qu’elle oublie. Parce que les humains ne sont point des anges.

En d’autres circonstances, il les surprenait en affirmant que c’était au cœur même de leurs besoins  les plus humains, dans l’humble reconnaissance de leur humanité, qui s’exprimait la sincérité d’une prière, d’une aumône ou d’un acte d’adoration.


« La prescription du bien est une aumône, la proscription du mal est une aumône. Dans vos relations sexuelles avec vos épouses, il y a une aumône. »


Ses compagnons surpris lui dirent :


« Ô Messager de Dieu, quand l’un de nous satisfait son désir sexuel en reçoit-il en plus une récompense ? »
Le Prophète Muhammad (PSL) répondit :
« Dites-moi, si l’un d’entre vous avait eu une relation illicite, n’aurait-il point commis un péché ? C’est pourquoi lorsqu’il y a une relation licité, il en reçoit la récompense. » (Hadith rapporté par Bukhârî)


Le Prophète Muhammad (PSL) invitait ses compagnons à ne jamais nier ou mépriser leur humanité. Ils étaient des hommes et avec leurs qualité et leurs défauts. La spiritualité, c’est à la fois accepter ses instincts et essayer de les canaliser : vivre ses désirs naturels à la lumière de ses principes est une prière. Jamais une faute, encore mois de l’hypocrisie.

Le Prophète Muhammad (PSL) détestait que les compagnons entretiennent un sentiment de culpabilité. Il leur répétait de ne jamais cesser de dialoguer avec l’Unique, l’Infiniment bon, le Miséricordieux qui accueille chacun dans Sa grâce et Sa bonté. Le Seigneur aime la sincérité des cœurs. C’est le sens profond du « at-Tawba ». Quelles que soient les circonstances, le musulman doit revenir à Dieu. Dieu aime ce retour sincère auprès de lui. Le Prophète (PSL) en donnait l’exemple.

Un bédouin vient un jour uriner dans la mosquée, et les compagnons se précipitèrent sur lui et voulurent le battre. Le Prophète Muhammad (PSL) intervint et leur dit :


« Laissez-le en paix et verser simplement un seau d’eau sur son urine. Dieu ne vous a suscités que pour faciliter les obligations et non point pour les rendre difficiles. » (Hadith rapporté par al-Bukhâri)


Un homme vint un jour trouver le Prophète Muhammad (PSL) et lui dit :


« Je suis perdu !
« Pourquoi donc ? Lui demanda le Prophète (PSL)
« J’ai eu commerce avec ma femme pendant les heures de jeûne du Ramadân ! »
« Fais donc l’aumône » Répondit le Prophète (PSL)
« Je ne possède rien ! », puis il s’assit non loin du Prophète (PSL)
Un homme vint apporter un peu de nourriture au Prophète (PSL)
Le Prophète (PSL) appela l’homme perdu et lui : « Prends cette nourriture et va la donner en aumône ! »
« A plus pauvre que moi ? Ma famille n’a rien à manger !
« Alors mangez-là vous-mêmes «  Répondit le Prophète (PSL) en souriant.(Hadith raporté par al-Bukhârî)


Cette douceur et cette bonté étaient l’essence même de son enseignement et il répétait :


« Dieu est doux (Rafîq) et il aime la douceur (ar-rifq) en toute chose »


En ajoutant :


« Il donne pour la douceur ce qu’il ne donne pas pour la violence ou toute autre chose. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim)


Le Prophète Muhammad (PSL) confia à l’un de ses compagnons :


« Il y a en toi deux qualités que Dieu aime : la clémence (al-hilm) et la longanimité (la grandeur d’âme), la tolérance (al-anâ) » Hadith rapporté par Muslim


Il invitait tous les compagnons à ce constant effort de la douceur et du pardon.


« S’il te parvient de ton frère une chose que tu désapprouves, cherche-lui une à soixante –dix excuses. Si tu ne trouves pas, dis (persuade-toi) que c’est une excuse que tu ne connais pas. » (Hadith rapporté par Muslim)


Autour de la mosquée, à proximité de la demeure du Prophète (PSL), s’étaient installés certains nouveaux convertis à l’Islam qui n’avaient pas de toit et étaient souvent privés de nourriture. Démunis (parfois volontairement, car certains désiraient vivre l’ascèse loin des biens du monde), leur subsistance dépendait des aumônes et des dons des musulmans. Leur nourriture ne cessait d’augmenter et ils furent bientôt appelés « ahl as-suffa » (les gens du banc).

Le Prophète (PSL) était touché par leur situation et manifestait une solidarité permanente à leur égard. Il les écoutait, répondit à leurs questions et était attentif aux besoins de chacun.  C’était une des particularités de sa personnalité et de ses enseignements, avec ahl as-suffa comme avec l’ensemble de sa communauté.

A la même question sur la spiritualité, la foi, l’éducation ou le doute, il apportait des réponses différentes et adaptées qui tenaient compte de la psychologie, du vécu et de l’intelligence de celle ou de celui qui l’apostrophait.

Les compagnons se sentaient vus, respectés, compris, aimés et en effet, le Prophète Muhammad (PSL) les aimait, leur disait et leur conseillait, en sus, de ne jamais oublier de se confier mutuellement leur amour :

«Quand quelqu’un aime son frère (sa sœur), qu’il lui fasse part de son amour pour lui (elle). »

Au jeune Mu’adh Ibn Jabal, qu’il saisit un jour par la main, il murmura :


« Ô Mu’âdh, par Dieu, je t’aime. Et je te conseille, ô Mu’ädh, de ne pas oublier de dire à la suite de chaque prière rituelle : « Ô Dieu, aide-moi à me souvenir de Toi ? à Te remercier et à parfaire mon adoration à Ton égard. »


Yathrib 786
Le 29 avril 2018

15 avril 2018

Banû Qaynuqa'


Pour les musulmans, les mois qui suivirent le retour de Badr furent très simples à gérer. Le statut de la communauté de Médine avait changé. De nombreuses cités alentour, de même que ceux qui n’avaient point conclu de pactes avaient peur de l’ascendant politique, militaire autant que symbolique qu’était en train de prendre le Prophète Muhammad (PSL) au cœur de la péninsule arabique.
Quelques jours après son retour, le Prophète Muhammad (PSL) dut se rendre à la tête de deux cents hommes dans les villages de Banû Salîm et Banû Khatafân dans la région d’al-Qudr afin de mettre un terme à un complot. Les habitants prirent la fuite.

Le Prophète (PSL) ne cessait d’être renseigné sur les initiatives et les tentatives d’alliance menées par les chefs qurayshites en vue d’accomplir leur désir de vengeance. Un rêve inspiré lui avait permis de débloquer une tentative d’assassinat de ‘Umayr ibn Wahb qui, fut surpris par ce dont le Prophète Muhammad (PSL) avait eu connaissance avait fini par se convertir sur-le-champ.

Le Prophète Muhammad (PSL) savait toutefois que les Qurayshites ne tarderaient point à agir à grande échelle en essayant de mobiliser le plus de tribus possible pour mener à bien leur projet.

Depuis son retour, il n’avait pu que constater qu’un certain nombre d’habitants de Médine étaient déçus et inquiets de la victoire des musulmans. Il avait identifié certains hypocrites qui s’étaient convertis à l’Islam par purs calculs et intérêts politiques. Il savait que certains des signataires du pacte d’alliance, signé lors de son arrivée à Médine, n’étaient pas fiables et n’hésiteraient pas à se retourner contre lui à la première occasion.

Le Prophète Muhammad (PSL) venait de recevoir une Révélation qui l’invitait à la vigilance :

« Si tu crains d’être trahi par un peuple, dénonce en toute franchise les termes du pacte. En vérité, Dieu n’aime point les traites. » Sourate 8, verset 58)

Pour l’heure,  le Prophète Muhammad (PSL) se contentaient de surveiller les activités des uns et des autres en s’en tenant aux engagements apparents des hypocrites et au respect strict des termes du pacte. Puisque la Révélation lui conseillait la prudence et la sagesse :

« S’ils penchent vers la paix, enche vers elle de la même façon et place ta confiance en Dieu. » Sourate 8 verset 61)

La tribu des Banû Qaynuqa’ était la seule parmi les trois tribus juives vivant aux alentours de Médine, à être installée à l’intérieur de la cité. Ils étaient d’ailleurs les signataires directs du pacte. Et c’est pourtant de l’intérieur de leurs rangs que les informations les plus alarmantes en termes de complot et de trahison  parvenaient au Prophète Muhammad (PSL). Pour en avoir le cœur net et ne point donner l’impression aux gens de Banû Qaynuqa’ que la voie était libre, le Prophète Muhammad (PSL) leur rendit visite et les appela à méditer sur la déroute des Quraysh. Les dignitaires des Banû Qaynuqa’ le prirent de haut en rétorquant que s’ils lui faisaient la guerre, les choses ne se passeraient point ainsi, et qu’assurément ils l’emporteraient. Cette réponse, sous la forme de menace, était en fait une Révélation et une confirmation : ils étaient bien dans une disposition d’hostilité à l’égard des musulmans.

Quelques jours plus tard, une femme musulmane se rendit comme à l’accoutumée au marché des Banû Qaynuqa’, elle fut moquée puis humiliée par un marchand qui attacha son vêtement dans son dos alors qu’elle était assise, de sorte que le bras de son corps se découvrit lorsqu’elle se releva. Un musulman, observait la scène, voulut intervenir, une bagarre s’ensuivit et le marchant aussi bien que le musulman succombèrent à leur blessure. Une telle affaire (qui était liée à la gestion des conflits et au prix du sang, aurait dû, selon les termes du pacte, être renvoyée au Prophète Muhammad (PSL) et ainsi trouver un règlement pacifique selon la justice et les codes de l’honneur. Or les Banû Qaynuqa’ trahirent les termes du pacte et cherchèrent à s’allier à Ibn Ubayy, l’hypocrite avec qui ils traitaient depuis quelque temps déjà, et dont ils espéraient qu’ils les aideraient à mobiliser leurs alliés de la région.

La réaction du Prophète Muhammad (PSL) fut prompte et ne permit pas aux traitres et aux hypocrites de tirer profit de la situation. Il mobilisa une armée et fit immédiatement le siège de la forteresse dans laquelle les Banû Qaynuqa’ s’étaient précipités pour se protéger. Ces derniers espéraient qu’un soutien viendrait de l’intérieur des rangs  musulmans par l’intermédiaire des hypocrites, qui leur avaient pourtant assuré qu’ils soutiendraient  l’élimination de la communauté musulmane. Aucun soutien ne se manifesta et, après deux semaines de siège, les Banû Qaynuqa’ se rendirent.

Le Prophète Muhammad (PSL) se souvint du verset révélé lui indiquant :

 « qu’ils n’appartient point à un Prophète de faire des prisonniers en étant motivé par l’appât du gain. » Sourate 8 verset 67

Il avait le choix d’éliminer les hommes de la tribu qui avait trahi le pacte et de bannir leurs femmes et leurs enfants, comme c’était la pratique courante en situation de guerre. Cela lui aurait permis d’envoyer un message fort à toutes les tribus alentour quant au sort qui attendait tous ceux qui trahiraient ou s’attaqueraient à la communauté musulmane. Il avait d’ailleurs reçu une Révélation allant dans ce sens.

« Si tu l’emportes sur eux dans un combat, fais-en un exemple afin de jeter l’effroi chez ceux qui se tiennent derrière eux (qui pourraient être tentés de suivre leur exemple) afin qu’ils prennent garde. » (Sourate 8 verset 57)

Le Prophète Muhammad (PSL) reçut néanmoins Ibn Ubayy dont il connaissait l’hypocrisie et les manœuvres secrètes, et qui venait intercéder en faveur des Banû Qaynuqa’. Il décida cette fois encore de laisser la vie sauve à ces derniers, exigeant toutefois qu’ils soient dépossédés de leurs biens et qu’ils s’exilent loin de la ville. Ils se réfugièrent dans certaines des tribus et des colonies de la région. Mais ils ne renoncèrent pour autant à comploter contre le Prophète Muhammad (PSL).

 Le nombre des ennemis du Prophète Muhammad (PSL) ne cessait d’augmenter. De même que s’intensifiaient la revanche. Le Prophète Muhammad (PSL) le savait et ne cessait d’appeler ses compagnons à la sagesse, à la patience autant qu’à la vigilance.


Yathrib786
Le 15 octobre 2018

08 avril 2018

Les conséquences de Badr


Le retour des Qurayshites à la Mecque fut douloureux, et la plupart des clans étaient touchés par la mort d’un des leurs. La situation était désastreuse. Toutes les bouches criaient vengeance à l’instar de Hind qui avait perdu son père, son frère et son oncle dans la bataille. Elle jura de boire le sang de Hamza. Les chefs Quraysh ne tardèrent pas une minute à réagir et à tenter d’établir des alliances avec les cités  et les tribus avoisinantes afin de combattre les musulmans, de se venger de cette humiliation  et de mettre un terme à leur présence dans la péninsule.

Abû Lahab, qui était en trop mauvaise santé physique pour participer aux combats, était resté à la Mecque. Il demanda à Abû Sufyân de lui raconter la façon dont les choses s’étaient déroulées et les circonstances de la défaite.

Anecdote : 
 Alors que ce dernier exposait les faits, un esclave assis à proximité, et qui avait gardé jusque-là secrète sa conversion à l’Islam, ne put contenir sa joie et ainsi se découvrit. Abû Lahab se précipita sur lui et le frappa rudement en le maintenant au sol. ‘Um al-Fadl, la belle-sœur d’Abû Lahab et épouse de ‘Abbâs, qui assistait à la scène et qui, elle aussi s’était secrètement convertie à l’Islam, s’élança sur son beau-frère et le frappa violemment avec un pieu de tente. La blessure à la tête était profonde. Elle s’infecta en quelques jours et le corps entier d’Abû Lahab fut finalement atteint : il mourut dans les semaines qui suivirent. 

Le Coran avait, des années auparavant, annoncé son destin et sa perte, comme celle de sa femme, alors qu’ils s’acharnaient dans leur haine de l’Islam. Contrairement à certains autres oppresseurs qui changèrent d’attitude, ni Abû Lahab ni sa femme ne manifestèrent une quelconque attirance pour le message du Prophète Muhammad (PSL). Cette mort, dans le rejet et la violence, venait de confirmer  ce que la Révélation avait annoncé : tous deux seraient, jusqu’au bout, parmi ceux qui nient et se rebellent.

Les musulmans avaient enterré leurs morts et se préparaient à rentrer à Médine. Ils avaient soixante-dix prisonniers, et une discussion eut lieu entre le Prophète Muhammad (PSL), Abû Bakr et ‘Umar. Ce dernier était d’avis qu’il fallait les tuer, contrairement à Abû Bakr, le Prophète Muhammad (PSL) décida de leur laisser la vie sauve à l’exception de deux prisonniers qui s’étaient montrés particulièrement odieux avec les musulmans, qu’ils avaient humiliés et torturés jusqu’à leur mort quand ceux-ci se trouvaient à la Mecque. La possession des captifs allait être un moyen supplémentaire d’humilier les Quraysh, contraints de venir payer une forte rançon à Médine, ce qui de surcroît, allait permettre aux musulmans d’obtenir des gains estimables. Une Révélation coranique viendra par ailleurs reprocher au Prophète Muhammad (PSL) ce choix essentiellement motivé par le désir d’acquérir des richesses : 


« Un prophète ne devrait pas faire de prisonniers avant d’avoir prévalu [mis les mécréants hors de combat] sur la terre. Vous voulez les biens d’ici-bas, tandis qu’Allah veut l’au-delà. Allah est Puissant et Sage.
N’eût-été une prescription préalable d’Allah, un énorme châtiment vous aurait touché pour ce que vous avez pris. [de la rançon]. » (Sourate 8 Al-Anfâl (Le Butin), verset 67-68)


Les combattants musulmans s’étaient du reste déjà disputés sur le partage des butins, et des divergences apparurent sur les mérites de chacun ainsi que sur la nature de la répartition. Les coutumes préislamiques quant aux butins de guerre, étaient demeurées bien ancrées : la quantité des gains amassés après une guerre faisait partie de la fierté et de l’honneur des vainqueurs.

Une Révélation du Coran mentionnera cette dispute et indiquera que le butin devait revenir « à Dieu et à son Envoyé».


« Ils t’interrogent au sujet du butin. Dis: «Le butin est à Allah et à Son messager.» Craignez Allah, maintenez la concorde entre vous et obéissez à Allah et à Son messager, si vous êtes croyants. »  (Sourate 8 Al-Anfâl (LE BUTIN), verset 67-68)


Ce qui sous-entendait que le Prophète Muhammad (PSL) allait avoir à faire face à de nombreuses reprises à ce genre de tentations et de différends entre ses compagnons, et, à chaque reprise, la Révélation ou lui-même leur répétait qu’ils devaient se questionner sur leurs intentions. Cherchaient-ils les biens de ce monde ou la paix de l’au-delà ? Ils restaient des êtres humains, avec leurs faiblesses et leurs tentations. Ils avaient besoins de rappels, d’éducation spirituelle et de patience, comme c’est le cas de chaque conscience à proximité du Prophète Muhammad (PSL) ou tout au long de l’histoire des Hommes. Cette dernière nous apprend, somme toute, à ne rien idéaliser : rien ni personne.

Lorsqu’ils arrivèrent à Médine, le Prophète Muhammad (PSL) reçut la nouvelle du décès de sa fille Ruqayya, la femme de ‘Uthmân ibn ‘Affân. Il venait de perdre ses premiers compagnons, et voilà que sa fille s’en était allée alors qu’il revenait d’une expédition victorieuse. Le mariage du contentement et de l’affliction lui rappelait la fragilité de la vie et, toujours, sa relation essentielle à l’Unique dans l’épreuve comme dans le succès. Rien n’était définitivement acquis. Plus tard, ‘Uthmân allait épouser Um Kulthûm, une autre fille du Prophète Muhammad (PSL). Ce dernier allait s’unir à Hafsa, la fille de ‘Umar ibn al-Khatab, qui vint s’installer dans l’une de ses habitations aux alentours de la mosquée.

Les tractations avec les familles des captifs commencèrent. Certaines familles venues payer leur dû et s’en étaient retournées avec leur parent. Certains prisonniers furent libérés sans rançon, alors que les plus pauvres étaient soumis à des accords particuliers. Les captifs qui savaient lire et écrire et étaient incapables de payer le prix de la rançon devaient s’engager à apprendre à lire et à écrire à dix jeunes médinois s’ils voulaient obtenir leur libération. Encore une fois de plus, le Prophète Muhammad (PSL) montrait l’importance du savoir et envoyait un message aux membres de sa communauté. En temps de paix comme en temps de guerre, la savoir, la connaissance, lire et écrire, sont des facultés et des outils qui font la dignité de l’Homme. Le savoir de certains captifs était leur richesse, il devint leur rançon.

Yathrib 786
Le 08 avril 2018