30 juin 2019

Khotbat al-Wadâ’ : le discours d'Adieu du Prophète Muhammad (PSL)

Etaient-ils trente mille, cent mille hommes et femmes, ceux qui allaient accompagner le Prophète Muhammad (PSL) pour cet évènement exceptionnel que la Sîra allait retenir sous le nom de «Pèlerinage d’Adieu» ? De quelques centaines au départ, ils allaient voir leur nombre augmenter car, très vite le bruit s’était répondu parmi les tribus que cette année-là, la dixième de l’islam (632), c’était le Prophète Muhammad (PSL) lui-même qui allait conduire le rite sacré.

Au mois de Ramadân de cette année, le Prophète Muhammad (PSL), qui avait fait sa retraite spirituelle habituelle de dix jours (prolongé de dix autres jours supplémentaires) reçut un autre signe de la part de Dieu.
Il aurait confié à sa fille Fatima :


« L’ange Gabriel me récite une fois tous les ans le Coran et je lui récite une fois de mon côté pour qu’il soit sûr qu’aucune partie de la Révélation n’a été oubliée ou omise, mais, cette année, il me l’a fait fait réciter deux fois et je ne puis m’empêcher de penser que l’heure de ma mort est venue. » (Hadîth rapportée par al-Bukhârî)


Parmi les cinq piliers de l’Islam, un seul n’avait pas encore été réalisé par le  Prophète (PSL). Et il était temps de s’y préparer. L’annonce fut largement diffusée. En outre, cette année-là, le Pèlerinage allait être, pour la première fois, différent de ce qu’il avait été auparavant : un rendez-vous réservé aux seuls fidèles, aux seuls croyants, puisque désormais le paganisme était interdit des Lieux Saints (la Mecque).

Dominant  la foule des fidèles, toutes les épouses l’accompagnaient. Chacune dans son palanquin, et l’immense convoi était suivi d’un grand nombre de bêtes ornées et parées pour le sacrifice rituel.

Ils partirent de Médine le 23 du mois de Dhou-al-K’ada (qui tombait en février). Le premier campement nocturne fut dressé à Dhou-al-Holayfalle Prophète (PSL) et l’ensemble des accompagnateurs masculins se mirent, selon la coutume instituée, en l’état sacral de l’Ihram, se couvrant de deux pièces d’étoffe dont l’une, l’izâr, enveloppait la partie inférieure du corps et l’autre, le ridâ’, s’enroulait autour des épaules et de la poitrine.  Les femmes avaient elles aussi leu tenue spécifique restée la même jusqu’à nos jours. Le Prophète Muhammad (PSL) suit de tous les musulmans prononcèrent alors la talbiyé :

« La bayka ya Rabb » (Me voici dvant toi, Ô Seigneur)

Au coucher du soleil du dixième jour qui suivit leur départ de Médine, les pèlerins atteignirent la Mecque. Le lendemain, arrivé en vue de la Ka’ba, le Prophète Muhammad (PSL) tendit la main droite en signe de supplication :

« Ô mon Dieu, fais que cette Maison reçoive toujours plus d’honneur, de gloire, de dons, de vénération  et de piété de la part des hommes ! »

Ayant fait sept fois le tour du sanctuaire, il s’arrêta pour prier au Maqâm Ibrahim, la «station d’Abraham», puis revint baiser la Pierre Noire, et selon le rite, parcourut ensuite sept fois en forçant le pas la distance qui sépare le rocher de Safa de la colline jumelle de Marwa.

Le 8 de Dhou-al-Hodjat, journée connue désormais sous le nom de Yom at-Tarwiya (Journée de l’Attente), entourée d’une foule innombrable, le Prophète (PSL) se dirigea vers la vallée de Mina où il célébra les prières de midi (salât az-zohr), e l’après-midi (salât al-‘asr), du coucher du soleil (salât al-Maghreb), de la nuit tombante (salât al-ichâ) et, finalement celle de l’Aurore (salât al-fadj). Voici ancrée sans retour dans le rite, à travers la circonstance la plus solennelle, la pratique quotidienne des cinq prières. Et comme le dît Ibn Ishâq :

« L’Apôtre d’Allah a montré aux hommes les voies du pèlerinage et en a enseigné les modalités. »

Le lendemain, sous le très dur soleil d’Arabie, il s’achemina hissé sur sa chamelle, vers le Djebel-Arafat, qui s’élève dans une large vallée située à quelques kilomètres à l’est de la Mecque. Cette colline appelée également Djebel ar-Rahma (le Mont de la Miséricorde) forme, depuis ce jour, le point fort de cette partie du pèlerinage car c’est cette colline que le Prophète Muhammad (PSL) décida de s’arrêter. Les qorayshites furent étonnés que le Prophète (PSL) eût quitté l’espace habituel  et fût allé si loin à l’extérieur. Il leur expliqua qu’Abraham avait établi à Arafat même le centre du Grand Pèlerinage et que c’étaient eux les Mecquois qui en avaient perdu le souvenir :

« C’est là, leur dit-il à plusieurs reprises, l’héritage d’Ibrahim. »

Puis, pour que toutes choses et ces jours décisifs s’inscrivissent définitivement dans la mémoire de sa communauté, le Prophète Muhammad (PSL) envoya un messager à la voix puissante, Rabîa-b. Omeyya :

« L’Envoyé de Dieu vous questionne : en quel mois sommes-nous ? Et devant le silence général, Rabî’a repondit : « Le mois sacré ». « En quel jour sommes –nous ? » et devant le silence général il répondit : « Le Jour du Grand Pèlerinage ».


Enfin et afin qu’il soit bien entendu par tous que l’ère des inimités sanglantes entre les fils de la umma était désormais révolue, il répéta ces paroles que le Prophète (PSL) lui-même venait de lui dicter :

« En vérité, Dieu a rendu inviolable ce jour qui est le vôtre. »

Du haut de sa monture, ce sera au tour du Prophète (PSL) de prendre directement la parole. Le soleil, parvenu à son zénith dardait ses puissants rayons sur une foule immobile et qui, palpitante d’émotion, étant tout ouïe. Cette ultime allocation publique connue du Prophète Muhammad (PSL) connue sous le nom de «Khotbat al-Wadâ’» (le Discours d’Adieu) va rappeler sur un ton simple et privé de fioritures un certain nombre de thèmes, de valeurs, de repères familiers et de préoccupations concrètes qui prennent ici valeur testamentaire.
Il parlait par petites tranches, et des hommes autour de lui répétaient son propos afin que tous, à travers la vallée entendent son sermon.
 
«Ô peuple !  Écoutez-moi attentivement, car je ne sais pas si, après cette année-ci, je serai encore parmi vous. Écoutez, donc, ce que je vous dis avec beaucoup d’attention et transmettez ce message à ceux qui ne pouvaient être présents parmi nous aujourd’hui.

« Ô peuple !  Tout comme vous considérez ce mois, ce jour, cette cité comme sacrés, considérez aussi la vie et les biens de chaque musulman comme sacrés. Retournez à leurs légitimes propriétaires les biens qui vous ont été confiés. Ne blessez personne afin que personne ne puisse vous blesser. Souvenez-vous qu’en vérité, vous rencontrerez votre Seigneur et qu’effectivement, Il vous demandera compte de vos actes. Dieu vous a défendu de pratiquer l’usure [de prendre ou payer de l’intérêt], donc tout intérêt non-payé sera maintenant annulé. Votre capital, cependant, vous revient. Vous n’infligerez ni d’endurerez aucune injustice.  Dieu a décidé de rendre l’intérêt illicite, et tout intérêt qui était dû à Abbas ibn Abd’al Mouttalib sera maintenant annulé.

« Méfiez-vous de Satan, pour le salut de votre religion. Il a perdu tout espoir de ne pouvoir jamais vous amener à commettre les grands péchés; attention, donc, à ne pas le suivre dans les péchés mineurs.

« Ô peuple !  Il est vrai que vous avez certains droits à l’égard de vos femmes, mais elles aussi ont des droits sur vous.  Souvenez-vous que c’est par la permission de Dieu que vous les avez prises pour épouses et que c’est Dieu qui vous les a confiées.  Si elles respectent vos droits, alors à elles appartient le droit d’être nourries et habillées convenablement. Traitez donc bien vos femmes et soyez gentils envers elles, car elles sont vos partenaires et elles sont dévouées envers vous. Il est de votre droit qu’elles ne se lient pas d’amitié avec des gens que vous n’approuvez pas, et qu’elles ne commettent jamais l’adultère.

« Ô peuple !  Écoutez-moi bien : adorez Dieu, faites vos cinq prières quotidiennes, jeûnez pendant le mois de Ramadan, et donnez votre richesse en zakat (aumône légale). Accomplissez le pèlerinage (hajj) si vous en avez les moyens. Toute l’humanité descend d’Adam et Ève. Un Arabe n’est point supérieur à un non-Arabe, et un non-Arabe n’est point supérieur à un Arabe ; et les Blancs ne sont point supérieurs aux Noirs, de même que les Noirs ne sont point supérieurs aux Blancs. Aucune personne n’est supérieure à une autre, si ce n’est en piété et en bonnes actions. Vous savez que chaque musulman est le frère de tous les autres musulmans. Vous êtes tous égaux. Vous n’avez aucun droit sur les biens appartenant à l’un de vos frères, à moins qu’on ne vous ait fait un don librement et de plein gré. Par conséquent, ne soyez pas injustes les uns envers les autres.

« Souvenez-vous, un jour vous vous présenterez devant Dieu et répondrez de vos actes.  Prenez garde, donc, ne vous écartez pas du droit chemin après ma mort.  Ô peuple!  Aucun prophète ni messager ne viendra après moi, et aucune nouvelle religion ne naîtra. »

« Raisonnez bien, ô peuple, et comprenez bien les mots que je vous transmets. Je laisse derrière moi deux choses : le Coran et mon exemple, la sunna. Et si vous les suivez, jamais vous ne vous égarerez.
« Que tous ceux qui m’écoutent transmettent ce message à d’autres, et ceux-là à d’autres encore; et que les derniers puissent le comprendre mieux que ceux qui m’écoutent directement.  Sois témoin, ô Dieu, que j’ai transmis Ton message à Tes serviteurs. » Fin du sermon.


Alors que le Prophète termina son dernier sermon et, alors qu’il se tenait près du sommet d’Arafat, le verset suivant du Coran lui fut révélé :

« Aujourd’hui, J’ai parfait votre religion pour vous et J’ai accompli Mon bienfait sur vous.  Et J’ai choisi l’islam comme religion pour vous. » (Coran 5:3)


Yathrib786
Le 30 juin 2019                                                                           

23 juin 2019

Le Prophète Muhammad (PSL) appelle à la Grande Guerre contre l'ego et les apparences: le Jihad Akbar

Le Prophète Muhammad (PSL) continuait à manifester une grandeur d'âme qui surprenait autant qu'elle attirait ses anciens ennemis. Il restait ouvert mais savait devoir être méfiant vis-à-vis des certaines personnes ou de certains groupes. Son expérience avec les Banû Ghanam ibn 'Awf, et la Révélation coranique qui s'en était suivie, lui avaient enseigné la prudence.

Pour rappel : les Banû Ghanam lui avaient demandé, avant son départ à Tabûk, de venir inaugurer une mosquée qu'ils voulaient construire à Qubâ'. (Ibn Hishâm, op. Cit., vol. 5, p. 211)

Le Prophète (PSL) avait été occupé par l'expédition et avait décidé de s'y rendre après son retour. Il apprit par la suite que ce projet était le fait d'un hypocrite, Abû 'Amir.

«Quant à ceux qui ont édifié une mosquée, agissant par esprit de rivalité et en toute impiété, dans l'intention d'en faire un repaire de celui qui, auparavant, avait combattu Dieu et Son Envoyé. Ce sont ces gens-là qui, aujourd'hui, viennent jurer de toute leur force qu'ils ne voulaient faire que du bien, alors que Dieu est témoin qu'ils sont vraiment menteurs. Ne fréquente jamais une telle mosquée.» (Sourate 9, verset 107-108)

Abû 'Amir voulait construire une mosquée avec l'intention d'attirer les fidèles d'une autre mosquée de la région, dans le simple but de répandre la division et d'exercer sur eux son influence. Derrière une façade de foi et de sincérité, certains individus cherchaient à obtenir des prérogatives, du pouvoir et la jouissance. Ils n'hésitaient pas à essayer d'utiliser le Prophète (PSL) pour ce faire. Ce type de situation était fréquente à mesure que la communauté s'élargissait et s'établissait ?

Le Prophète Muhammad (PSL) n'en demeurait pas moins très accessible et toujours disposé à accueillir les enfants, les femmes et les hommes qui cherchaient à apprendre et à comprendre l'Islam. Le Prophète (PSL) avait beaucoup pardonné à celles et à ceux qui s'étaient opposés à lui en situation de conflit ou de guerre. Il exprimait désormais une grande patience et beaucoup d'affection vis-à-vis de celles et de ceux qui, en situation de paix, luttaient désormais avec eux-mêmes, avec leur propre cœur, pour vivre leur quête spirituelle. Tel était la vocation et l'esprit du nouveau Jihad, une Jihad par le cœur, l'esprit et la connaissance. Ils cherchaient ainsi le chemin qui pouvait les mener vers l'Unique. Le prophète Muhammad (PSL) les observait, répondait à leurs questions et accompagnait leur cheminement parfois fulgurant, parfois très hésitant, voire parfois rebelle.

Au retour de l'expédition de Hunayn, le Prophète (PSL) avait confié :

«Nous voilà revenus du petit jihâh (effort, résistance, lutte pour la réforme) vers le grand jihâd.»

Un compagnon demanda :

«Qu'est-ce que le grand jihâd, Ô Envoyé de Dieu.»

Le prophète (PSL) répondit :

«C'est la lutte contre le moi (l'ego).»

Pour les musulmans, comme pour tous les êtres humains,c'était bien cette lutte intérieure qui était la plus difficile, la plus noble, et qui exigeait le plus de compréhension, de pardon et, bien sûr, de soi à soi, le plus de sincérité. La guerre, avec son petit jihâd, avait montré combien il était difficile de mourir pour Dieu ; la vie quotidienne, avec son grand Jihâd, montrait désormais aux musulmans combien il est plus difficile encore de vivre pour Dieu, dans la lumière, la transparence, la cohérence, l'exigence spirituelle, la patience et la paix.

A tous ceux qui, autour de lui, n'étaient point convaincus de la véracité de son message, il demandait de chercher, d'observer les signes, et de se mettre en quête du sens en luttant contre les illusions de l'ego et de la suffisance.

Aux musulmans, à celles et et à ceux qui avaient reconnu la Présence de l'Un, il enseignait à poursuivre la lutte intérieure, à demeurer humbles, conscients de leur fragilité, en cherchant à se nourrir spirituellement par le dhikr (souvenir de Dieu) et comme le leur demandait le Coran, à demander à Dieu d'affermir leur cœur :

«Ô notre Seigneur, ne fais point dévier nos cœurs après que Tu nous as mis sur la voie.» (Sourate 3, verset 8)

«Ô Toi qui tournes et retournes les cœurs, affermis mon cœur dans la religion.» (Hadith rapporté par Ahmad et at-Tirmidhî)

Ainsi en situation de paix, d'aucuns étaient en quête de vérité et d'autres en quête de sincérité, et tous vivaient une nouvelle forme de conflit intérieur qui exigeait d'eux des efforts, de la patience, et une conscience en perpétuel éveil. A l'heure où l'horizon semblait s'ouvrir quant à l'établissement définitif de la dernière religion, chacun était renvoyé à son univers intérieur afin de chercher la lumière ou le pardon, afin de trouver la paix intérieure.

«Lorsque vient le secours de Dieu ainsi que la victoire, et que tu vois les hommes embrasser en masse Sa religion, célèbre alors les louanges de ton Seigneur et implore Son pardon. Car c'est Lui qui accepte le Répentir.» (Sourate 110, verset 1-3)

Le message est clair : l'exigence du Retour vers l'Unique. Le Prophète (PSL) appelait les croyants vers une lutte perpétuelle contre les apparences.

Alors que la multiplicité venait de partout, il lui était demandé de retrouver la solitude de son cœur et de poursuivre son dialogue avec le Très Rapproché. Alors que la victoire venait à lui de la monde d'ici-bas, il comprenait qu'il fallait qu'il se prépare à s'en aller, à quitter cette vie, pour se rendre la-bas, près de l'Unique. 'Abd Allah ibn Mas'ud affirmera plus tard que la Révélation de cette sourate annonçait la fin de la mission du Prophète (PSL) et, en fait, son imminent départ.


Yathrib786
Le 23 juin 2019

09 juin 2019

L'épreuve de foi : la mort d'Ibrahîm, le fils du Prophète (PSL)


C'est durant cette dixième année de l'Hégire que le fils du Prophète Muhammad (PSL), Ibrahîm, alors âgé de près d'une année et demie, tomba gravement malade.

C'est au moment où la religion et ses principes s'établissaient sur l'ensemble de la péninsule, où l'adversité, où l'adversité ne cessait de diminuer et où le nombre de conversions ne cessait d'augmenter, le Prophète (PSL) voyait son unique fils quitter la vie et le quitter. Il venait le voir tous les jours et restait de longues heures à son chevet. Quand Ibrahîm rendit son dernier souffle, le Prophète (PSL) le prit dans ses bras et le serra contre sa poitrine alors que les larmes coulaient sur son visage et qu'il sanglotait tant sa tristesse était profonde.

'Abd ar-Rahmân ibn 'Awf, son fidèle compagnon, fut surpris de ces larmes et de ces sanglots parce qu'il pensait que le Prophète Muhammad (PSL) en avait interdit l'expression. Le Prophète (PSL) ne put d'abord parler, puis il lui expliqua qu'il avait interdit les manifestations exagérées de détresse par les cris ou les comportements hystériques, mais non l'expression naturelle de la tristesse et de la souffrance. Puis il exprima verbalement sa peine qui devenait, de fait, un enseignement spirituel, en affirmant que ses larmes

«étaient des signes de tendresse et de miséricorde» (Hadith rapporté par al-Bukhâri et Muslim)

Il ajouta une réflexion qui naissait de son expérience personnelle, mais qui valait somme toute pour le quotidien de chaque musulman :

«Qui n'est point miséricordieux, il ne lui sera point fait miséricorde.» (Hadith rapporté par al-Bukhâri et Muslim)

Dans les moments difficiles de la vie, la bonté, la clémence, la miséricorde et les expressions d'empathie que les êtres humains s'offrent les uns aux autres sont des qualités humaines qui les rapprochent des qualités de l'Unique, d'ar-Rahmân (l'Infiniment Bon, le Très Miséricordieux): par elles, Dieu se rapprochent du cœur du croyant et lui offre et lui offrira ce qu'il a lui-même offert à son frère en humanité.

Le Prophète (PSL) était intimement affecté et n'hésitait point à manifester et à exprimer son chagrin. Il ajouta :

«L'oeil pleure, Ô Ibrahîm, le cœur est infiniment triste et il ne faut pas exprimer que ce qui satisfait Dieu.» (Hadith rapporté par al-Bukhâri et Muslim)

Dieu l'avait mis une fois encore, mis à l'épreuve de son humanité et de sa mission. Il avait perdu tant d'êtres chers de ses compagnons, sa femme Khadîdja, trois de ses filles et ses trois fils. Sa vie avait été traversée de larmes mais il restait à la fois doux en son cœur et ferme dans sa mission. C'était cette chime de la douceur et de la fermeté qui trouvait satisfaction du Très Rapproché. Au moment où, en cette dixième année de l'Hégire, le monde semblait s'ouvrir à sa mission, son destin d'être humain semblait se réduire à cette petite tombe d'enfant, dans laquelle le corps d'Ibrahîm fut d'abord déposé et sur laquelle le Prophète (PSL) conduisit ensuite la prière des morts. Le Prophète (PSL) était un élu, le Prophète (PSL) restait un humain.

Quelques heures après son retour du cimetière, une éclipse de soleil se produisit. Les musulmans furent prompts à associer cette éclipse à la disparation du fils du Prophète (PSL) et à y percevoir un miracle, une sorte de message de Dieu à son Envoyé (PSL). Ce dernier coupa court à toutes ces interprétations et affirma avec force :

«Le soleil et la lune sont deux signes parmi les signes de Dieu. Leur lumière ne s'obscurcit pour la mort de personne.» (Hadith rapporté par al-Bukhâri et Muslim)

Le Prophète (PSL) rappelait ainsi à ses compagnons l'ordre des choses et la nécessite de ne pas se tromper das l'interprétation des signes afin de ne point verser dans la superstition. C'était pour eux comme pour lui, un enseignement spirituel de mesure et d'humilité. Les êtres humains, tous les êtres humains et le Prophète (PSL) parmi eux, devaient apprendre à partir et à voir partir les leurs dans le silence, la discrétion et l'indifférence de l'ordre des choses.

L'épreuve de la foi, celle qui fait couler les larmes du Prophète (PSL), était bien d'apprendre à trouver, au cœur de l'éternité et de la création, la force de faire face à la finitude de l'humain et à la mort.

Le signe de la présence de l'Unique à l'instant de la mort d'un homme n'est point dans l’apparition d'un quelconque miracle, mais bien plutôt dans la permanence de l'ordre naturel des choses telles voulue par le Seigneur, Allah soub annahou wa talla.



Yathrib786
Le 09 juin 2019