Le Prophète Muhammad (PSL) tenait en estime l’un de ses compagnons du
nom d’Abû Lubâba. Il lui avait
confié la charge de Médine lors de
son absence pendant la première expédition de Badr. Quelque temps plus tard, un jeune orphelin était venu se
plaindre au Prophète Muhammad (PSL)
du fait qu’Abû Lubâba s’était emparé
d’un palmier qui était son bien depuis longtemps. Le Prophète Muhammad (PSL) convoqua Abû Lubâba et lui demanda ce qu’il en était. Après investigation,
il s’avéra que le palmier appartenait bien à Abû Lubâba, et le Prophète
(PSL) jugea en faveur de ce dernier au grand dam du jeune orphelin qui se
trouvait dépossédé de son bien le plus précieux. En aparté, le Prophète Muhammad (PSL) demanda à Abû Lubâba de faire cadeau de cet arbre
au jeune orphelin pour lequel cet arbre représentait tant maintenant que
justice lui avait été rendue. Il refusa fermement : il avait cherché à ce
que son droit soit respecté que la présente reconnaissante était devenue une obsession
dans son esprit étouffant le moindre élan de cœur.
Suite à cet évènement, la Révélation rappellera sur un plan
individuel autant que collectif la nature de cette singulière élévation
spirituelle qui permet de passer de la conscience de la justice (qui exige le
droit) à l’excellence du cœur, qui offre le pardon ou donne au-delà du droit :
« Dieu certes commande la justice et l’excellence. » (Sourate 16 verset 90)
Il ne s’agissait point de faire l’impasse
sur son droit. Abû Lubâba avait eu
raison d’en exiger la reconnaissance. La Révélation
recommande à travers ce verset de s’élever du droit au nom des raisons du cœur qui
apprennent à l’intelligence à pardonner, à passer outre et à donner de soi, de
ses biens, en étant mû par la fraternité humaine ou l’amour.
Le Prophète (PSL) fut si
triste de la réaction de son compagnon pour qui il avait une profonde estime.
Il s’apercevait que son attachement presque aveugle à l’une des recommandations
de l’Islam, la justice, l’empêchait
d’accéder au niveau supérieur de la justesse du cœur : l’excellence, la générosité, le don.
Ce fut finalement un autre
compagnon, Thâbit ibn Dahdâna, qui, témoin
de la scène, offrit à Abû Lubâba, un
verger entier en échange de cet unique palmier dont il fit ensuite cadeau au
jeune orphelin. Le Prophète Muhammad
(PSL) fut heureux de ce dénouement et ne garda aucune rancune à l’égard d’Abû Lubâba, à qui il confia plus tard
d’autres missions dont celle, par exemple, de transmettre aux gens de Banû Qurayza les termes de leur
reddition. Abû Lubâba exécuta cette
dernière mission, mais ne put s’empêcher d’en dire plus qu’il ne fallait :
il ne fut pas fier de son attitude et finit par s’attacher à un arbre pendant
six jours, en espérant que Dieu et
son Prophète (PSL) lui
pardonneraient sa défaillance et son manque de fermeté. Ce pardon viendra et le Prophète Muhammad (PSL) dénouera
lui-même les liens d’Abû Lubâba.
Cette expérience personnelle montre combien l’édification spirituelle n’était jamais définitivement accomplie. Les
consciences étaient constamment mises à l’épreuve et que le Prophète (PSL) accompagnait ses
enseignements de rigueur autant que de bienveillance.
Le Prophète Muhammad (PSL) s’était depuis peu marié à la veuve Zaynab, du clan des Banû ‘Amir, qui était appréciée pour sa
générosité et son amour des pauvres. C’est d’ailleurs à travers ce mariage qu’il
avait établi des liens avec cette tribu qui allait lui rester fidèle, malgré
des pressions venant autant de l’intérieur que de l’extérieur. Zaynab « Um al-masâkîn » (la mère des pauvres), était très
dévouée et vint s’installer dans une demeure spécialement aménagée pour la
recevoir à côté de la mosquée. Elle mourut huit mois après ce mariage et fut
enterrée à côté de Ruqayya, la fille
du Prophète (PSL). Quelque mois plus
tard, c’est Um Salama, veuve d’Abû Salama, avec qui elle s’était
rendue en exil en Abyssinie, qui épousera le Prophète (PSL) et
viendra habiter dans la demeure laissée vide par Zaynab. Pieuse, entreprenant et particulièrement belle, elle aura
une présence et un rôle remarqués auprès du Prophète Muhammad (PSL). Aïcha
avouera avoir ressenti de la jalousie à l’égard d’Um Salama autant semble-t-il, pour sa beauté que parce que le Prophète (PSL) l’écoutait et se laissait
grandement influencer par ses opinions.
Le Messager (PSL) continuait, au gré des circonstances et malgré les difficultés,
à diffuser et à illustrer par son attitude les enseignements de l’Islam.
Un compagnon avait pris un jour
un oisillon dans un nid, et il fut soudain attaqué par la mère ou le père qui
désirait défendre son petit. Le Prophète
Muhammad (PSL) lui demanda d’aller remettre l’oisillon à sa place et dit
aux témoins de la scène :
« La bonté (la miséricorde) de Dieu à votre égard est supérieure à celle de cet oiseau pour sa progéniture. » (hadith rapporté par Muslim)
Il leur apprenait à observer les éléments,
à s’émerveiller et à tirer des enseignements de la Nature alentour autant que
des moindres circonstances de la vie.
« Tout ce qui est dans les Cieux et sur la Terre celèbre les louanges (la gloire) de ton Seigneur. Il est le Digne de pouvoir, le Sage. » (Sourate 57, verset 1)« Les sept cieux, la Terre et tout ce qu’ils contiennent célèbrent le Nom du Seigneur, et il n’est rien dans la création qui ne proclame Ses louanges. Mais vous n’avez point une connaissance profonde de leur façon de l’adorer. En vérité Dieu est plein de compassion et de mansuétude.» (Sourate 17, verset 44)
Et l’oiseau, dans les airs,
appelle à cette observation méditatives :
« N’ont-ils jamais observé les oiseaux planer au dessus-de leurs têtes, déployant et reployant leurs ailes, sans rien qui les soutienne si ce n’est l’Infinement Bon qui veille sur toute chose ; » (Sourate 67, verset 19)
La Révélation confirmera plus tard l’importance de cette spiritualité
agissante par le regard, la contemplation, le souvenir de Dieu, lié au rappel permanent de l’infinie bonté du Divin à l’égard des humains.
« Le soleil et la lune se meuvent selon des mesures déterminées. »« Les étoiles et arbres se prosternent. » (Sourate 55 verset 5 et 6)
La Révélation s’dresse ici à l’œil du cœur et à l’intelligence. Ce
sont des enseignements qui façonnaient et forgeaient la force spirituelle du Prophète (PSL). Il savait d’où venait
sa vulnérabilité autant que son pouvoir quand tant d’ennemis essayaient de le
tromper, de le séduire ou de le détruire. Dieu
lui avait déjà rappelé sa bonté et Sa protection à proximité de ses fragilités :
« Si nous ne t’avions pas affermi dans la foi, tu te serais certainement laissé aller (tu aurais été tenté de) les suivre insensiblement (les négateurs, tes ennemis). » (Sourate 17 verset 74)
Les signes dans la Création, sa capacité à s’émerveiller
au gré des évènements ou à la vue d’apparents détails de la vie, à reconnaître
l’aumône du cœur dans la parole généreuse d’un individu :
« Une parole bienveillante est une aumône » (hadith rapporté par al-Bukhâri)« Le sourire offert à ton frère (ta sœur) est une aumône. » (hadith rapporté par at-Tirmidhî)
Voilà ce qui donnait au Prophète Muhammad (PSL) la force de
résister et de persévérer. Etre avec l’Unique
en permanence, et se souvenir de Sa Présence
au détour d’un regard ou d’un geste comme de la présence de l’Ami, du Protecteur, et non comme celle d’un juge ou d’un gendarme. Tel est
le sens de l’Excellence (al-Ihsân),
du pouvoir du cœur et de la foi :
« L’excellence (al-Ihsân) c’est que tu adores Dieu comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois, Lui certes te voit. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim)« Aucun d’entre vous n’a une foi complète (accomplie, parachevée) tant je ne lui suis pas plus cher que son fils et que son père, et que tous les hommes réunis. » (Hadith rapporté par Muslim)
Ses compagnons reconnaissaient
ces qualités en lui, ils l’aimaient et tiraient leur énergie spirituelle de sa
présence parmi eux. Il leur enseignait à approfondir sans cesse cet amour.
Il leur fallait poursuivre leur
quête spirituelle et amoureuse, aimer le
Prophète (PSL) et s’aimer en Dieu,
alors que le Prophète (PSL) lui-même
se voyait rappeler que cette communion dépassait son pouvoir humain.
« Si tu avais dépensé tout ce qui est sur la terre, tu n’aurais point pu unir leurs cœurs ; mais c’est Dieu qui a uni leurs cœurs. » (Sourate 8 verset 63)
Il était l’exemple, le modèle,
qui vivait parmi eux et offrait son affection aux uns et aux autres, aux
pauvres comme aux vieux, en respectant avec élégance et galanterie les femmes
et en demeurant attentionné à l’égard des enfants. Grand-père, il portait ses
petits enfants pendant qu’il priait à la mosquée et transmettait ainsi, par l’exemple
vivant et quotidien, qu’il n’est point de souvenir et de proximité de Dieu sans
générosité ni attention humaines.
La Révélation allait consacrer sa singularité dans de multiples
domaines. L’Un exigeait de lui une
pratique plus rigoureuse, notamment pour les prières de la nuit, et ses
obligations à l’égard de l’ange Gabriel,
et donc de Dieu, étaient à nulles
autres pareilles. Le Coran avait,
sur un autre plan, prescrit la limité de quatre femmes pour l’ensemble des
croyants, mais avait déterminé la singularité du Prophète (PSL) dans ce domaine.
Il était de plus rappelé à ses
femmes qu’elles n’étaient «semblables à
aucune des femmes». Désormais, elles devaient se couvrir le visage, parler
aux hommes derrière un voile (hijâb),
et elles étaient informées qu’elles ne pourraient plus se marier après la mort
du Prophète (PSL). C’est à la
lumière de ces prescriptions que le Prophète
Muhammad (PSL) épousa Zaynab, la
femme de Zayd qui, jusqu’alors se
faisait appeler Zayd ibn Muhammad, et qui reprit son ancien nom Zayd ibn Hâritha, puisqu’il n’était
point le fils de sang du Messager (PSL).
« Muhammad n’est le père d’aucun homme parmi vous, mais il est l’Envoyé de Dieu et le sceau des Prophètes. » Sourate 33 verset 40)
Yathrib 786
Le 1e
juillet 2018
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