01 juillet 2018

La personnalité du Prophète était aussi excellence et singularité


Le Prophète Muhammad (PSL) tenait en estime l’un de ses compagnons du nom d’Abû Lubâba. Il lui avait confié la charge de Médine lors de son absence pendant la première expédition de Badr. Quelque temps plus tard, un jeune orphelin était venu se plaindre au Prophète Muhammad (PSL) du fait qu’Abû Lubâba s’était emparé d’un palmier qui était son bien depuis longtemps. Le Prophète Muhammad (PSL) convoqua Abû Lubâba et lui demanda ce qu’il en était. Après investigation, il s’avéra que le palmier appartenait bien à Abû Lubâba, et le Prophète (PSL) jugea en faveur de ce dernier au grand dam du jeune orphelin qui se trouvait dépossédé de son bien le plus précieux. En aparté, le Prophète Muhammad (PSL) demanda à Abû Lubâba de faire cadeau de cet arbre au jeune orphelin pour lequel cet arbre représentait tant maintenant que justice lui avait été rendue. Il refusa fermement : il avait cherché à ce que son droit soit respecté que la présente reconnaissante était devenue une obsession dans son esprit étouffant le moindre élan de cœur.

Suite à cet évènement, la Révélation rappellera sur un plan individuel autant que collectif la nature de cette singulière élévation spirituelle qui permet de passer de la conscience de la justice (qui exige le droit) à l’excellence du cœur, qui offre le pardon ou donne au-delà du droit :


« Dieu certes commande la justice et l’excellence. » (Sourate 16 verset 90)


Il ne s’agissait point de faire l’impasse sur son droit. Abû Lubâba avait eu raison d’en exiger la reconnaissance. La Révélation recommande à travers ce verset de s’élever du droit au nom des raisons du cœur qui apprennent à l’intelligence à pardonner, à passer outre et à donner de soi, de ses biens, en étant mû par la fraternité humaine ou l’amour.

Le Prophète (PSL) fut si triste de la réaction de son compagnon pour qui il avait une profonde estime. Il s’apercevait que son attachement presque aveugle à l’une des recommandations de l’Islam, la justice, l’empêchait d’accéder au niveau supérieur de la justesse du cœur : l’excellence, la générosité, le don.

Ce fut finalement un autre compagnon, Thâbit ibn Dahdâna, qui, témoin de la scène, offrit à Abû Lubâba, un verger entier en échange de cet unique palmier dont il fit ensuite cadeau au jeune orphelin. Le Prophète Muhammad (PSL) fut heureux de ce dénouement et ne garda aucune rancune à l’égard d’Abû Lubâba, à qui il confia plus tard d’autres missions dont celle, par exemple, de transmettre aux gens de Banû Qurayza les termes de leur reddition. Abû Lubâba exécuta cette dernière mission, mais ne put s’empêcher d’en dire plus qu’il ne fallait : il ne fut pas fier de son attitude et finit par s’attacher à un arbre pendant six jours, en espérant que Dieu et son Prophète (PSL) lui pardonneraient sa défaillance et son manque de fermeté. Ce pardon viendra et le Prophète Muhammad (PSL) dénouera lui-même les liens d’Abû Lubâba. Cette expérience personnelle montre combien l’édification spirituelle  n’était jamais définitivement accomplie. Les consciences étaient constamment mises à l’épreuve et que le Prophète (PSL) accompagnait ses enseignements de rigueur autant que de bienveillance.

Le Prophète Muhammad (PSL) s’était depuis peu marié à la veuve Zaynab, du clan des Banû ‘Amir, qui était appréciée pour sa générosité et son amour des pauvres. C’est d’ailleurs à travers ce mariage qu’il avait établi des liens avec cette tribu qui allait lui rester fidèle, malgré des pressions venant autant de l’intérieur que de l’extérieur. Zaynab « Um al-masâkîn » (la mère des pauvres), était très dévouée et vint s’installer dans une demeure spécialement aménagée pour la recevoir à côté de la mosquée. Elle mourut huit mois après ce mariage et fut enterrée à côté de Ruqayya, la fille du Prophète (PSL). Quelque mois plus tard, c’est Um Salama, veuve d’Abû Salama, avec qui elle s’était rendue en exil en Abyssinie, qui épousera le Prophète (PSL) et viendra habiter dans la demeure laissée vide par Zaynab. Pieuse, entreprenant et particulièrement belle, elle aura une présence et un rôle remarqués auprès du Prophète Muhammad (PSL). Aïcha avouera avoir ressenti de la jalousie à l’égard d’Um Salama autant semble-t-il, pour sa beauté  que parce que le Prophète  (PSL) l’écoutait et se laissait grandement influencer par ses opinions.

Le Messager (PSL) continuait, au gré des circonstances et malgré les difficultés, à diffuser et à illustrer par son attitude les enseignements de l’Islam.

Un compagnon avait pris un jour un oisillon dans un nid, et il fut soudain attaqué par la mère ou le père qui désirait défendre son petit. Le Prophète Muhammad (PSL) lui demanda d’aller remettre l’oisillon à sa place et dit aux témoins de la scène :


« La bonté (la miséricorde) de Dieu à votre égard est supérieure à celle de cet oiseau pour sa progéniture. » (hadith rapporté par Muslim)


Il leur apprenait à observer les éléments, à s’émerveiller et à tirer des enseignements de la Nature alentour autant que des moindres circonstances de la vie. 


« Tout ce qui est dans les Cieux et sur la Terre celèbre les louanges (la gloire) de ton Seigneur. Il est le Digne de pouvoir, le Sage. » (Sourate 57, verset 1)
« Les sept cieux, la Terre et tout ce qu’ils contiennent célèbrent le Nom du Seigneur, et il n’est rien dans la création qui ne proclame Ses louanges. Mais vous n’avez point une connaissance profonde de leur façon de l’adorer. En vérité Dieu est plein de compassion et de mansuétude.» (Sourate 17, verset 44)


Et l’oiseau, dans les airs, appelle à cette observation méditatives :


« N’ont-ils jamais observé les oiseaux planer au dessus-de leurs têtes, déployant et reployant leurs ailes, sans rien qui les soutienne si ce n’est l’Infinement Bon qui veille sur toute chose ; » (Sourate 67, verset 19)


La Révélation confirmera plus tard l’importance de cette spiritualité agissante par le regard, la contemplation, le souvenir de Dieu, lié au rappel permanent de l’infinie bonté du Divin à l’égard des humains.


« Le soleil et la lune se meuvent selon des mesures déterminées. »
« Les étoiles et arbres se prosternent. » (Sourate 55 verset 5 et 6)


La Révélation s’dresse ici à l’œil du cœur et à l’intelligence. Ce sont des enseignements qui façonnaient et forgeaient la force spirituelle du Prophète (PSL). Il savait d’où venait sa vulnérabilité autant que son pouvoir quand tant d’ennemis essayaient de le tromper, de le séduire ou de le détruire. Dieu lui avait déjà rappelé sa bonté et Sa protection à proximité  de ses fragilités :


« Si nous ne t’avions pas affermi dans la foi, tu te serais certainement laissé aller (tu aurais été tenté de) les suivre insensiblement (les négateurs, tes ennemis). » (Sourate 17 verset 74)


Les signes dans la Création, sa capacité à s’émerveiller au gré des évènements ou à la vue d’apparents détails de la vie, à reconnaître l’aumône du cœur dans la parole généreuse d’un individu :


« Une parole bienveillante est une aumône » (hadith rapporté par al-Bukhâri)
« Le sourire offert à ton frère (ta sœur) est une aumône. » (hadith rapporté par at-Tirmidhî)


Voilà ce qui donnait au Prophète Muhammad (PSL) la force de résister et de persévérer. Etre avec l’Unique en permanence, et se souvenir de Sa Présence au détour d’un regard ou d’un geste comme de la présence de l’Ami, du Protecteur, et non comme celle d’un juge ou d’un gendarme. Tel est le sens de l’Excellence (al-Ihsân), du pouvoir du cœur et de la foi :


« L’excellence (al-Ihsân) c’est que tu adores Dieu comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois, Lui certes te voit. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim)

« Aucun d’entre vous n’a une foi complète (accomplie, parachevée) tant je ne lui suis pas plus cher que son fils et que son père, et que tous les hommes réunis. » (Hadith rapporté par Muslim)


Ses compagnons reconnaissaient ces qualités en lui, ils l’aimaient et tiraient leur énergie spirituelle de sa présence parmi eux. Il leur enseignait à approfondir sans cesse cet amour.
Il leur fallait poursuivre leur quête spirituelle et amoureuse, aimer le Prophète (PSL) et s’aimer en Dieu, alors que le Prophète (PSL) lui-même se voyait rappeler que cette communion dépassait son pouvoir humain.


« Si tu avais dépensé tout ce qui est sur la terre, tu n’aurais point pu unir leurs cœurs ; mais c’est Dieu qui a uni leurs cœurs. » (Sourate 8 verset 63)


Il était l’exemple, le modèle, qui vivait parmi eux et offrait son affection aux uns et aux autres, aux pauvres comme aux vieux, en respectant avec élégance et galanterie les femmes et en demeurant attentionné à l’égard des enfants. Grand-père, il portait ses petits enfants pendant qu’il priait à la mosquée et transmettait ainsi, par l’exemple vivant et quotidien, qu’il n’est point de souvenir et de proximité de Dieu sans générosité ni attention humaines.

La Révélation allait consacrer sa singularité dans de multiples domaines. L’Un exigeait de lui une pratique plus rigoureuse, notamment pour les prières de la nuit, et ses obligations à l’égard de l’ange Gabriel, et donc de Dieu, étaient à nulles autres pareilles. Le Coran avait, sur un autre plan, prescrit la limité de quatre femmes pour l’ensemble des croyants, mais avait déterminé la singularité du Prophète (PSL) dans ce domaine.

Il était de plus rappelé à ses femmes qu’elles n’étaient «semblables à aucune des femmes». Désormais, elles devaient se couvrir le visage, parler aux hommes derrière un voile (hijâb), et elles étaient informées qu’elles ne pourraient plus se marier après la mort du Prophète (PSL). C’est à la lumière de ces prescriptions que le Prophète Muhammad (PSL) épousa Zaynab, la femme de Zayd qui, jusqu’alors se faisait appeler Zayd ibn Muhammad, et qui reprit son ancien nom Zayd ibn Hâritha, puisqu’il n’était point le fils de sang du Messager (PSL).


« Muhammad n’est le père d’aucun homme parmi vous, mais il est l’Envoyé de Dieu et le sceau des Prophètes. » Sourate 33 verset 40)


Yathrib 786
Le 1e juillet 2018

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