04 novembre 2018

Les enseignements du Pacte d’al-Hudaybiyya : l’extraordinaire intelligence et le génie stratégique du Prophète Muhammad (PSL)


Les compagnons allaient se rendre compte très vite que leurs premières appréciations du traité étaient une erreur. Ils n’avaient pas mesuré la profonde spiritualité, l’extraordinaire intelligence et le génie stratégique du Prophète Muhammad (PSL).

Ce dernier était à l’écoute des signes, et lorsque sa chamelle s’était arrêtée, puis refusa de bouger, il avait compris et eut l’intuition que les musulmans n’iraient pas, cette année, plus loin que la plaine d’al Hudaybiyya. L’échec des quatre premières négociations et l’entêtement des Quraysh le persuadèrent qu’il devait s’armer de patience. Il était profondément confiant. Il avait bien vu, en rêve, qu’il entrait dans le sanctuaire, et cela ne manquerait pas d’arriver.
Le serment d’allégeance, qui avait semblé d’abord unir les musulmans au Prophète Muhammad (PSL) contre l’ennemi, allait donc se transformer en son exact contraire. Il s’agissait d’un serment de fidélité exigeant de supporter dignement, spirituellement et intellectuellement, les conditions  d’un pacte pour la paix. 

De plus, lorsque Suhayl refusa les deux formules usuelles des musulmans référant à l’Infiniment Bon (ar-Rahmân) et au statut du Prophète Muhammad (PSL) comme «Envoyé de Dieu». il formulait une position d’une logique  stricte et implacable.  Le Prophète (PSL) entendit  son point de vue et son argument et eut la capacité, à ce moment précis, de se mettre à la place de son interlocuteur. Ce que disait Suhayl était, de là où ce dernier observait les choses, parfaitement juste. Il était évident, en effet, que, si les Quraysh avaient reconnu son statut d’Envoyé de Dieu, ils ne l’auraient point combattu. Il était par conséquent impossible qu’un accord d’égal à égal stipule un élément qui, de fait, reconnaîtrait la vérité d’une des deux parties. Les compagnons, dont le respect pour le Prophète (PSL) était si profond, n’avaient pu (à ce moment précis) entendre la vérité de l’autre. L’attitude du Prophète (PSL), et son entrée en matière raisonnable quant aux termes du pacte, étaient fortes d’un enseignement spirituel  et intellectuel profond. En effet, il s’agissait de ne jamais laisser le rapport du cœur à la vérité, la spiritualité profonde se transformer en un aveuglement émotionnel et passionné. La raison devait toujours être convoquée pour analyser, tempérer et aider à déterminer une relation d’écoute et de cohérence vis-à-vis de la conviction et de la vérité de l’autre. Ce qui apparaissait comme un compromis inacceptable du seul point de vue de la rationalité respective des parties établissant le traité de paix.

Il n’était pas à l’ordre du jour pour le Prophète Muhammad (PSL) de sauver l’honneur et le prestige des musulmans voire même pour tirer profit de la nouvelle situation après la victoire de la tranchée (Khandaq) ou de chercher à humilier les Quraysh.

Accepter de ne point entrer cette année dans le sanctuaire et ainsi ménager leur susceptibilité et protéger leur prestige, était au fond une des conditions, factuelles et symboliques, de la paix à long terme. Celle-ci en considérant l’intérêt général des deux camps, jouerait bientôt en faveur des musulmans. La clause de renvoi des musulmans de Médine, ne touchait que marginalement les intérêts des musulmans : un musulman fuyant Médine n’était d’aucun intérêt pour la communauté musulmane alors que la foi musulmane d’un Mecquois rendu à son clan ne devrait malgré la souffrance être ébranlée à cause de cet exil imposé. Le Prophète Muhammad (PSL) malgré les apparences n’avait rien concédé de sérieux sur ce point.

La confiance en Dieu, mariée à une stricte cohérence intellectuelle et à une vivacité d’esprit exceptionnelle, avait permis au Prophète (PSL) d’établir une trêve de dix ans, avec la perspective d’une visite du sanctuaire une année plus tard.

La plupart des compagnons, au premier rang desquels on trouve ‘Umar ibn al-Khattâb, ne considéraient que les résultats immédiats, avec le sentiment d’une humiliation. ‘Umar comme bien d’autres, s’en était certes voulu d’avoir réagi aussi vivement contre le Prophète (PSL) mais il restait persuadé que le pacte était une capitulation.

Sur le chemin de retour, on vint lui annoncer que le Prophète Muhammad (PSL) le faisait appeler. Il eut peur qu’il s’agisse de le blâmer pour son attitude intempestive ou, plus gravement, que des versets réprobateurs aient été révélés le concernant. Il trouva le Prophète (PSL) avec un visage rayonnant, et celui-ci lui annonça la révélation de versets dont le contenu ne correspondait en rien à ce à quoi il aurait pu s’attendre. 

La parole divine annonçait :


«Nous t’avons en réalité donné une victoire éclatante. » (Sourate 48 verset 1)

« Il savait ce qui était en leurs cœur et a fait descendre sur eux l’Esprit de Paix (as-sakina – la quiétude du cœur) et leur a donné la récompense d’une proche victoire. » (Sourate 48 verset 18)

« Dieu a certes montré à son Envoyé la véracité de sa vision (de son rêve) : vous entrerez très certainement dans la Mosquée sacrée (le sanctuaire de la Ka’ba), si Dieu le veut, en toute sécurité, sans crainte, la tête rasée ou les cheveux coupés. Il sait néanmoins ce que vous ne savez point et avant cela, Il vous a donné une proche victoire ; » (Sourate 48 verset 27)


La perspective et les évènements étaient présentés de façon totalement opposée à la perception qu’en avaient les compagnons.

Le pacte d’allégeance pour se préparer à la guerre était en réalité un pacte de fidélité pour la paix. Le semblant de défait était présenté comme « une victoire éclatante ». Ce qui avait été qu’un rêve apparemment avorté cette année était annoncé comme une certitude de l’avenir :


« Vous entrerez très certainement dans la Mosquée sacrée. »


La très grande majorité des musulmans n’avaient pas compris, pas vu, ni n’avaient pu percevoir ce que le pacte fut donc, encore une fois un moment privilégié et exceptionnel de l’édification spirituelle de la foi, avec de surcroît une exceptionnelle leçon d’intelligence et de perspicacité. 

L’écoute, l’art de décentrer son point de vue, la sensibilité à la dignité de l’autre et la vision de l’avenir étaient quelques-unes des qualités dont avait fait preuve le Prophète Muhammad (PSL) et qui contribuaient à façonner son rôle de modèle.

Il était également un exemple dans une autre dimension de sa vie. Lorsque que les compagnons refusèrent de sacrifier les chameaux, il se rendit auprès de son épouse Um Salama, qui l’écouta et lui suggéra la solution à son problème. Ce dialogue, cette complicité et cette écoute expriment l’essence même de l’attitude du Prophète Muhammad (PSL) vis-à-vis de ses épouses. Comme avec Khadîdja tant d’années auparavant, il n’hésitait jamais à prendre le temps de se confier, de consulter, d’échanger et de faire sienne l’opinion des femmes qui l’entouraient. 

Au moment où, de visions en pactes d’allégeance ou de paix, se jouait l’avenir de l’ensemble de la communauté, il retourna au côté de sa femme et, comme un simple être humain, lui exprima son besoin d’amour, de confiance et de conseil. Comme un simple être humain, comme un exemple pour tous les êtres humains.



Yathrib786
Le 04 novembre 2018

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