Le
prophète, illettré ?
Le
prophète Muhammad (PSL) dans certaines sources du Coran et des hadiths est
qualifié « d’illettré », c’est-à-dire, « ne sachant ni lire ni écrire ».
Le dialogue avec l’ange Gabriel le montre. Des islamologues qui ont travaillé
le sujet soulèvent la difficulté de la traduction « Oummi » qui ne veut point dire « analphabète ».
Les
biographes du prophète mentionnent bien le fait que le Prophète, naît dans une
tribu de lettré, n’a malheureusement pas été instruit. Telle est la volonté de
Dieu, de l’avis du Dr Tariq R. De la même manière, les savants musulmans ont
toujours mis en avant son illettrisme pour sublimer sa connaissance paradoxale
des traditions juives et chrétiennes.
« Quoi
qu'il en soit, je ne pense pas que cela soit si important ... illettré ou pas,
il est clair qu'il n'a jamais fréquenté les écoles religieuses juives ou les
séminaires chrétiens, les seuls lieux où l'on pouvait à cette époque acquérir
une connaissance théologique et scripturaire véritables. Et encore, pas le
savoir diffusé par les centres périphériques, mais celui des grandes académies
juives irakiennes par exemple, ou les facultés de théologie d'Alexandrie et
d'Antioche ...
Or il est clair que le monde des caravaniers mekkois était bien
loin de tout cela ... pourtant, c'est là et nul par ailleurs que l'on a affirmé
pour la première fois avec tant d'évidence que Dieu est Un et que cette unité
engendre un certain nombre de conséquences pratiques pour le destin de chacun
...
En 610 à Constantinople, on préférait se battre entre monothéistes et
chalcédoniens pour savoir si Dieu avait deux natures, humaine et divine,
subordonnées ou pas l'une à l'autre. À Pumbedita, le grand centre du savoir
talmudique, on débattait pour savoir si tel rabbi avait ou n'avait pas prononcé
telle phrase de telle façon sur l'importance ou non de la pureté rituelle dans
la récitation de telle ou telle prière basée sur tel ou tel commentaire de tel
verset, etc… »
Je
reprends ici quelques éléments de recherches pour éclairer et susciter la
curiosité. Ma volonté n’est nullement de trancher le débat. Mes recherches
m’ont permis de découvrir à tel point le Prophète Muhammad (PSL) durant sa
tendre jeunesse a voyagé, échangé avec beaucoup de lettrés, a eu écho de
beaucoup d’histoires et de controverses. Il était berger à l’image de tous les
prophètes et a eu le temps de méditer. Il était imprégné de toutes les
traditions. Zayd son fils adoptif connaissait le cœur de la mystique juive.
Le mot « Ummi » (souvent traduit « illettré ») est utilisé à plusieurs
reprises dans le Coran. Les assertions de certains orientalistes et/ou
missionnaires chrétiens se basent également sur certains Hadiths authentiques
rapportés par Al-Bukhârî et Muslim.
Le
premier Hadith
Pour ce
qui est de montrer que le Messager de Dieu était illettré, une première
évidence est trouvée dans le rapport d'Aïcha au sujet du début de la Révélation
et l'apparition de Gabriel dans le mont Hirâ’.
Aïcha,
l'épouse du Prophète, a dit :
« La
Révélation se présenta d'abord au Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur
lui) sous forme de visions pieuses qu'il voyait pendant son sommeil. Toutes lui
parurent avec une très vive clarté. Puis, il eut de l'inclination à la
retraite. Il se retirait alors dans la caverne de Hirâ', où il se livrait à la
pratique d'actes d'adoration durant des nuits consécutives, avant qu'il ne
rentre chez lui pour se munir de provisions de bouche. Il revenait ensuite vers
Khadîja et prenait les provisions nécessaires pour une nouvelle retraite. Cela
dura jusqu'à ce que la Vérité lui fut enfin révélée dans la caverne de Hirâ'.
L'archange y vint alors lui dire : « Lis! ». - « Je
ne suis point de ceux qui lisent », répondit-il. »
(propos rapportés par Sahih
Muslim, n° 231)
Quand
l'ange a ordonné à Muhammad de lire (« sallâllâhou alayhi wa
salam »),
celui-ci a compris au départ que l'ange voulait qu'il comprenne la
signification d'un texte écrit (qui est un des sens du verbe « lire »). Ce qu'il ne pouvait pas
faire.
C'est
la raison pour laquelle il a répondu « Ma ana bi qari'in », c’est-à-dire, « Je ne
suis point de ceux qui lisent ». Ce n'est qu'au bout de la troisième fois qu'il a compris que
l'ange lui ordonnait de répéter, de prononcer à haute voix ce qui allait lui
être récité, ce qui est une autre signification du terme « Lis ». C'est ce qu'il fit alors. Ainsi donc,
le Prophète déclare lui-même qu'il ne sait pas lire (« sallâllâhou
alayhi wa salam »).
Le
deuxième hadith
Pour
étayer cet avis, prenons les propos relatés par Ismaël Ibn Kathir dans « Al-Sira
An-Nabawiyya »
(éditions UNIVERSEL, p.247-248).
La
réponse du Prophète (saws), « Je ne sais pas lire », implique la négation, à savoir que
celui-ci ne savait ni lire ni écrire. C'est là l'avis d'Ennawaoui et, avant
lui, du cheikh Abou Châma.
Quant à
ceux qui ont soutenu que cette réponse était une interrogation, leur avis est
loin d'être juste. Ce qui confirme cette idée est le hadith rapporté par Abou
Nu'aïm, d'après El-Mo'tamir Ibn Sulaïmane, qui lui-même rapportait les paroles
de son père qui a dit :
« Le
Messager d'Allah (saws) a dit, tout en tremblant : « Je n'ai jamais
lu de livre et je ne peux pas le faire ! Je ne sais ni écrire ni lire ! » Gabriel (as) le prit alors et l'étouffa
vigoureusement, puis le laissa et lui dit : « Lis ! » Mohammed (saws) lui répondit alors : « Je
ne vois rien à lire, je ne sais pas lire et je ne sais pas écrire ». »
(
Abou Nu'aïm, d'après El-Mo'tamir Ibn Sulaïmane)
Le
troisième Hadith
Il a été
relaté ceci sous l'autorité de Bara :
« Quand
le Prophète (La paix soit sur lui) fut empêché de se rendre à la Ka'ba, les
gens de La Mecque ont fait la paix avec lui, à la condition qu'il serait
autorisé à entrer à La Mecque (l'année prochaine) et d'y rester pendant trois
jours, qu'il n'entrerait pas (dans la ville), excepté avec des épées dans leurs
fourreaux et des armes recouvertes dans leurs couvertures, qu'il ne prendrait
pas avec lui aucun de ses habitants, ni qu'il empêcherait n'importe qui de ceux
qui sont avec lui de rester à La Mecque (s'il le désiraient).
Il a dit à
'Ali : « Ecrit les termes convenus entre nous. ».
Ainsi 'Ali a
écrit : « Au nom d'Allah, le miséricordieux, le Très miséricordieux.
Ceci est ce que Muhammad, le messager d'Allah, a convenu (avec les
Mecquois) ».
Les polythéistes
lui ont dit : « Si nous savions que tu étais le messager de d'Allah, nous te
suivrions, mais écrit : Muhammad B. 'Abdullah ».Ainsi il a
dit à 'Ali d'effacer ces mots.
'Ali a dit :
« Non, par Allah, je ne les effacerai pas ».
Le
Messager d'Allah (la paix soit sur lui) dit : « Montre moi l'endroit
(sur le parchemin) ».Ainsi il
('Ali) lui a montré l'endroit et le saint prophète l'a effacé.
'Ali a écrit
: « Ibn 'Abdullah ».(Selon les
termes du traité de l'année suivante) le Saint Prophète (la paix soit sur lui)
est resté là pendant trois jours. Lorsque ce fut le troisième jour, ils ont dit
à 'Ali : « C'est le dernier jour selon les termes de ton compagnon.
Donc dis lui de partir. » 'Ali a informé le prophète (puisse la Paix être sur lui) en
conséquence. Il a dit : « Oui », et quitta (la ville).
»
(propos rapportés par Muslim)
Le traité d’Al Hudaybiyah, sur lequel
nous reviendrons est souvent cité en référence. Ici, 'Ali lui montre clairement
l'endroit qu'il doit effacer ; ce qui prouve au moins que durant sa 18e
année prophétique, il ne savait ni lire ni écrire. En effet, pour distinguer ce
qu'il devait effacer, Ali a du le lui montrer clairement.
Retour
au texte sacré
« Ceux
qui suivent le Messager, le Prophète illettré, qu'ils trouvent écrit
(mentionné) chez eux dans la Thora et l'Evangile. Il leur ordonne le
convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur
interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur
eux. Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et
suivront la lumière descendue avec lui ; ceux-là seront les gagnants. Dis : « Ô
hommes ! Je suis pour vous tous le Messager de Dieu, à Qui appartient la
royauté des cieux et de la terre. Pas de divinité à part Lui. Il donne la vie et
Il donne la mort. Croyez donc en Dieu, en Son messager,le Prophète
illettré qui croit en Dieu et en Ses paroles. Et suivez-le afin que vous
soyez bien guidés ». »
Comme le dit Muhammad Mohar Alî dans
son livre, The Biography of the Prophet and the Orientalists (p. 686): « Pour
n'importe quel historien impartial, le Coran doit être considéré comme la
première et la plus contemporaine source d'information sur la vie et les
enseignements du Prophète.
»
Pour
certains orientalistes comme Maxime Robinson ou Montgomerry Watt, cette mention
« ar-rassûl an-nabiyy al-ummiyy », soulignant l'illettrisme du Prophète, relève de
l'invention apologétique tardive visant à hausser la valeur littéraire du
Coran. Selon eux, « Ummy » désigne un Prophète de souche non-israélite
(gentil) ou ne possédant pas d'écritures. Pourtant, cette compréhension ne date
pas d'hier et les exégètes traditionnelles ne contestent pas se sens naturel.
En effet, Ibn Abbâs a dit:
« Votre
Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) fut analphabète ne sachant ni
lire ni écrire, ni calculer »
(
Tafsîr
Al-Qurtubî, 7/157)
Également,
At-Tabarî note le sens du verset :
« Le
Prophète (saws) ne savait pas écrire. » (
Tafsîr Al-Qurtubî, 7/157)
Cependant
c'est vrai, il y aussi, des savants musulmans anciens ou contemporains qui
pensent que ce terme a été utilisé figurativement (cf. Ibn Hishâm II, al-Mawdudî,
Tahfîm al-Qour'aane,
(ed. Tadmurî), p.220). Quant à lui, l'orientaliste Montgomerry Watt pense que
le mot « ummiyy »
est dérivé de la phrase Hébreu, « ummot hâ 'olâm » (littéralement « les gens du
monde des gentils »).
Cela a pu avoir été le cas, mais il y a un avis plus pertinent à
connaître : il serait dérivé de l'Arabe « umm » (mère) et par conséquent, « ummiyy » signifie « celui qui n'a pas
acquis de connaissance, excepté ce qu'il a reçu de sa mère au berceau ».
Dans
toutes les langues, les mots peuvent être utilisés à la fois littéralement et
figurativement, à l'image des Grecs qualifiant de barbares aussi bien les cultures
peu développées que l'ensemble des non-Grecs (non-Hellénistiques) ou des
Hindous appelant « Yavana » non seulement les non-Aryens mais aussi
l'ensemble des non-Hindous.
Ainsi, pour ce qui est de l'utilisation du terme « ummy » dans le Coran, en plusieurs endroits
(7/157-158, 2/78, 3/20, 3/75, 62/2), il faut prendre en considération le
contexte pour tenter de déterminer de quelle façon, il a été utilisé.
En 2/78
du Coran, par exemple, il est indéniable qu'il est utilisé dans le sens
de « illettré » (« ummiyyûn »). Le contexte nous montre que ce sont les
Juifs qui sont désignés, et cela en constitue la preuve irréfragable. Dans le
cas contraire, les traductions suivantes seraient dénuées de sens :
« Et
il y a parmi eux (les juifs) des non-juifs/ou des gens sans Livre
(« ummiyyûn ») qui ne savent rien du Livre.
» (2/78)
« Il
est Celui qui a envoyé chez les illettrés (« ummiyyûn ») un messager
issu d'eux-mêmes, qui leur récite Ses signes, les purifie et leur enseigne le
Livre et la sagesse. » (62/2)
Conclusion
Le sens
est ce qui est le plus disputé. Ainsi, pour Muhammad Hamidullâh, dans
l’introduction de Sahifa Hammâm ibn Munabbih, (volume édité par l'Association des Etudiants
Islamiques de France), le terme peut désigner simultanément des « non-juifs », c’est-à-dire, des « gens
n'ayant pas hérité d'écritures d'essences divines » ou bien des « illettrés » (car la plupart des arabes du Hedjâz
n'était pas lettrés).
Ce
constat d'illettrisme est d'ailleurs confirmé par le verset 29/48:
« Avant
le Coran tu ne (pouvais) lire aucun livre, ni tracer (une ligne) de ta dextre,
car alors les négateurs auraient été pris de soupçon. »
« Des
avis disent que le Prophète (saws) pouvait très peu écrire, mais ce qui est
authentique c'est que le Prophète (saws) n'a pas écrit, même pas une lettre,
mais il a dicté. Il ne lisait pas non plus. »
(
Tafsîr
Al-Qurtubî, 29/48)
Il est
clair que la déclaration a été émise dans un contexte d'allégations récurrentes
des mécréants comme quoi le Prophète aurait lui-même fabriqué ce qu'il
communiquait et présentait comme issue d'une révélation divine. Le verset, de
façon laconique, expose l'absurdité de cette allégation en signalant
classiquement le fait indiscutable pour tout Mecquois de cette époque que le
Prophète (PSL), n'avait pas pour habitude, précédemment, de lire ou d'écrire,
donc il lui était impossible de venir soudainement avec une production
littéraire remarquable et la présenter comme une révélation d'Allâh.
L'implication
est plus que claire à partir de la dernière clause de la déclaration qui dit : « car
alors les négateurs auraient été pris de soupçon » (29/48). Il est également utile de
noter que l'expression « ma kunta » implique le fait d'être « non-habitué » ou « incapable de lire et
écrire ».
De la
même manière, la forme indéfinie avec laquelle le mot « Kitâb » a été utilisé signifie clairement « aucun
Livre », et non
pas « le Livre »,
qui est la forme avec laquelle le Coran se réfère aux écritures
judéo/chrétiennes.
Yathrib786
8 February 2017
Ces
références sont tirées du texte de Moussa Youssouf, Islampaix, avec quelques ajouts personnels de Yathrib786.