La situation était
désormais difficile les musulmans de Médine
après la défaite de ‘Uhud. Cette
dernière avait eu de multiples conséquences. Le prestige des musulmans était
bien entamé. On savait les musulmans affaiblis et de nombreuses expéditions s’étaient
organisées contre eux pour essayer de tirer profit de cet état de fait.
De son côté, le Prophète Muhammad (PSL), parfois
prévenu des attaques qui se fomentaient contre Médine, envoyait des hommes (par groupe de cent ou cinquante) vers
différents tribus pour les neutraliser ou prévenir une agression.
La quatrième année de l’Hégire (626 de l’ère chrétienne) fut
traversée par ces conflits locaux qui avaient néanmoins pour rôle de modifier
(et parfois) de maintenir les alliances ou l’équilibre des forces dans la
région. Il s’agissait d’une véritable partie d’échecs entre les Qurayshites et les musulmans de Médine. Les deux parties savaient qu’une
confrontation majeure se préparait. Les Mecquois
ne faisaient guère secret de leur désir d’éradiquer la communauté musulmane de
la péninsule. C’est avec cet objectif qu’ils multipliaient les pactes avec les
tribus avoisinantes.
La situation était d’autant
plus difficile que les voies commerciales du nord, qui les menaient en Syrie ou en Iraq par le littoral, étaient toujours sous la surveillance et le
contrôle de Médine. Dans l’esprit
des Qurayshites, il fallait donc
agir de façon rapide et radicale pour, à la fois, tirer profit de la fragilité des
musulmans après la défaite de ‘Uhud
et libérer les routes que devaient emprunter leurs caravanes se rendant au
nord.
Nombreux furent les
musulmans qui furent faits prisonniers, suppliés ou tués ces années durant.
Tombés dans des embuscades ou simplement vaincus par le nombre de leurs
ennemis, ils étaient souvent torturés et mis à mort de façon atroce. La
tradition rapporte leur courage, leur patience et leur dignité devant leur
mort. Le plus souvent, ils demandaient, à l’exemple de Khubayd ou de Zayd, à
pouvoir faire deux cycles de prière avant leur exécution. Ils prolongeaient
ainsi par des invocations adressées à Dieu, l’Unique, pour Lequel, ils avaient
donné leurs biens et leur vie.
Un jour, un dénommé Abû Barâ, de la tribu des Banû ‘Amir, vint à la rencontre du Prophète Muhammad (PSL) et lui demanda
d’envoyer avec lui une quarantaine de musulmans pour enseigner l’islam à l’ensemble
de sa tribu. Le Prophète Muhammad (PSL)
au fait des alliances locales, exprima sa crainte que ceux-ci ne fussent la
cible des autres tribus qui étaient hostiles à l’islam et qui avaient établi
des pactes avec les tribus Qurayshites. Il reçut l’assurance que ces hommes
seraient protégés par les Banû ‘Amir,
qui jouissaient d’un prestige sans faille et pouvaient de leur côté s’appuyer
sur de nombreuses alliances. C’était néanmoins sans compter sur les rivalités
du clan des Banû ‘Amir. Le propre
neveu d’Abû Barâ’ fit mettre à mort
l’éclaireur du convoi des musulmans (qui portait une lettre de la part du Prophète Muhammad (PSL). Puis lorsqu’il
vit que son clan tenait à rester fidèle au pacte de protection offert par son
oncle. Il mandata deux autres clans qui tuèrent l’ensemble des musulmans, vers Bi’r al-Ma’ûna, à l’exception de deux
hommes qui purent en échapper parce qu’ils étaient allés chercher de l’eau (Ibn Hishâm, op. cit., vol. 4, p. 138)
L’un d’eux préféra mourir
en combattant l’ennemi et l’autre se
rendit à Médine pour informer le Prophète (PSL) du massacre de ses hommes. Sur sa route, il
rencontra deux membres des Banû ‘Amir
qu’il croyait responsables du guet-apens et les tua en guise de vengeance.
Le Prophète (PSL) fut choqué, inquiet et très attristé par les évènements. C’était le signe que la situation devenait de plus en plus dangereuse, et que les alliances comme les trahisons prenaient des contours compliqués et subtils. Les Banû ‘Amir avaient été fidèles aux engagements d’Abû Barâ’ et n’étaient donc pas responsables de la mort de ses hommes. Le Prophète Muhammad (PSL), scrupuleux quant au respect des termes de ses pactes, décida immédiatement qu’il fallait payer le prix du sang des deux hommes que ‘Amr avait tués en se trompant d’ennemi. Il décida de se rendre chez les juifs de Banû Nadîr afin de leur demander leur participation dans le paiement de cette dette de sang, puisque tels étaient les termes de leur pacte d’assistance mutuelle. Le Prophète Muhammad (PSL) savait que depuis l’exil imposé aux Banû Qaynaqa’, les Banû Nadîr étaient suspicieux, voire hostiles, à son égard, et qu’ils avaient établi des liens avec des tribus opposées aux musulmans. Le Prophète Muhammad (PSL) demeurait donc très vigilant.
Il leur rendit visite avec
les compagnons les plus proches dont Abû
Bakr, ‘Umar et ‘Alî. Leur comportement était étrange
et leurs chefs, parmi lesquels se trouvait Huyay,
ne proposèrent rien de concret en matière de soutien au paiement de la dette du
sang. Ils disparurent soudain sous le prétexte de préparer une réception et de
récolter la somme voulue. Le Prophète
(PSL) eut l’intuition que les chefs des Banû Nadîr tramaient quelque chose, se leva et s’en alla
discrètement. Ne le voyant pas réapparaître, ses compagnons s’en allèrent à
leur tour et le rejoignirent chez lui. Il leur fit part de ses doutes et leur
confia que l’ange Gabriel l’avait
informé que les Banû Nadîr
désiraient l’éliminer. Ce que confirmaient leurs étranges comportements pendant
que la délégation était présente.
Il fallait donc agir vite.
Le Prophète Muhammad (PSL) dépêcha Muhammad ibn Maslama chez les Banû Nadir pour leur stipuler qu’ils
avaient trahi le pacte d’assistance mutuelle, et qu’ils avaient dix jours pour
quitter les lieux avec leurs femmes, leurs enfants et leurs biens, faute de
quoi ils seraient passés par les armes. Les habitants de Banû Nadîr prirent peur et commencèrent les préparatifs jusqu’à ce
que ‘Abd Allah ibn Ubayy, l’hypocrite,
vienne leur rendre visite, leur conseille de ne point quitter la ville et les
assure de son indéfectible soutien de l’intérieur. Les chefs de Banû Nadîr l’écoutèrent et firent
savoir au Prophète Muhammad (PSL) qu’ils
refusaient de partir. Il s’agissait dans les faits d’une déclaration de guerre.
Le Prophète (PSL) décida sur-le-champ de faire le siège de la
forteresse où les Banû Nadîr s’étaient
réfugiés. Ils furent d’abord surpris de la rapidité de l’expédition. Ils
espéraient qu’Ibn Ubayy ou leurs
propres alliés, notamment la tribu juive des Banû Qurayza, allaient venir à leurs secours. Il n’en fut rien. Au
bout de dix jours, la situation était devenue complètement intenable pour eux.
C’est à ce moment que le Prophète (PSL)
décida de couper les plus grands palmiers, ceux qui étaient visibles de l’intérieur,
par-delà la forteresse afin d’entamer davantage la confiance des Banû Nadîr. Ce fut la seule et unique
fois que le Prophète Muhammad (PSL)
allait s’en prendre aux arbres ou à la nature. Le fait était tellement exceptionnel
que la Révélation mentionna
expressément cette dérogation :
« Les quelques palmiers que vous avez coupés et ceux que vous avez épargnés le furent avec la permission de Dieu. » (Sourate 59 verset 5)
Jamais plus le Prophète Muhammad (PSL) ne manqua de
respect à la Création, et il
répétera maintes fois que ce respect doit être sans faille.
La stratégie allait s’avérer
particulièrement efficace. Les Banû
Nadîr, assiégés et sans ressources, imaginèrent que les musulmans s’en
prenaient aux biens les plus précieux de leur cité, et qu’il ne leur resterait
plus aucune richesse s’ils persévéraient dans leur résistance. Ils se rendirent
donc en essayant de négocier les termes de leur exil. Le Prophète (PSL) leur avait proposé, avant le siège, de partir avec l’ensemble
de leurs richesses, mais les Banû Nadîr
avaient refusé. Ils étaient désormais en position de faiblesse. Selon la menace du Prophète (PSL) ils
devaient être exécutés. Il n’était plus question de leur laisser leurs biens
et, passant outre à sa menace d’exécution, le
Prophète Muhammad (PSL) exigea qu’ils quittent les lieux en n’emportant que
leurs femmes et leurs enfants. Le chef des Banû
Nadîr, Huyay, tenta néanmoins de
négocier, et le Prophète (PSL) lui
concéda qu’ils pouvaient désormais partir avec tout ce que leurs chameaux
pouvaient porter de matériels et de biens (Ibn Hishâm, op. cit., vol. 4, p. 145)
Non seulement il ne mit
pas sa menace à exécution et leur laissa
la vie sauve, mais il leur permit de s’en aller avec une quantité
impressionnante de richesses. Le Prophète
Muhammad (PSL) n’avait de cesse d’être généreux et clément après les
batailles, malgré les trahisons et le manque de reconnaissance de ses ennemis.
Il avait retrouvé certains captifs qu’il avait graciés après Badr parmi ses ennemis les plus
farouches à Uhud. Cette fois encore,
il allait retrouver certains chefs et autres membres de Banû Nadîr, partis se réfugier à Khaybar, parmi les Coalisés
(Al-Ahzâb) qui allaient se liguer contre lui quelques mois plus tard.
Certes la situation des
musulmans se stabilisait mais les dangers demeuraient importants et multiples.
A la suite de la bataille
d’Uhud, Abû Sufyän avait donné rendez-vous au Prophète Muhammad (PSL) et à ‘Umar
l’année suivante à Badr. Le Prophète Muhammad (PSL) avait relevé le
défi. Il ne voulait pas manquer à sa parole et se rendit donc à Badr avec une armée de mille cinq cent hommes. Abû Sufyân, de son côté, se mit en
marche avec deux mille combattants,
mais s’arrêta en route avant de rebrousser chemin. Les musulmans restèrent huit
jours sur place en attendant les Quraysh
qui n’apparurent point.
Le Prophète Muhammad (PSL) et les compagnons avaient tenu parole.
Cette manifestation de fidélité à la promesse données, et de confiance face au
défi, les rassurait en même qu’elle renforçait leur prestige.
Yathrib 786
Le 24 juin 2018
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