06 mai 2018

Le dialogue des religions : les Chrétiens de Najrân


La date de la visite des chrétiens de Najrân n’est pas connue précisément. Certaines sources comme Ibn Hishâm, la placent avant la bataille de Badr. D’autres sources (Ibn Ishâq) situent cette visite entre la bataille de Badr et celle d’Uhud.


« Parmi ces délégations, il y avait une ambassade envoyée par les chrétiens de la tribu des Balhârith venue du Nadjrân au Yémen. Elle arrive au mois de shawwâl de l'an 10 (janvier 631). Son arrivée à Médine fait sensation. Elle était composée de 70 cavaliers, à la tête desquels se trouvait le triumvirat formé du syndic des métiers ('âqib), du chef des caravanes (sayyid), et de l'évêque du lieu. Ils frayent avec la population musulmane et échangent avec elle des propos amicaux. Le prophète les autorise même à célébrer le culte chrétien à l'intérieur de la mosquée, en s'orientant vers Jérusalem. » (Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg)


Une délégation avec à sa tête 14 notables religieux étaient venu de Najrân (Yémen) pour interroger le Prophète Muhammad (PSL) sur la nouvelle religion, sa foi et, bien sûr, sur le statut de Jésus (Issa Ibn Maryam) dans l’Islam.

Il existait de nombreuses tribus chrétiennes dans la Péninsule Arabique. La majorité des chrétiens du Yémen semblaient suivre le rite orthodoxe melkite dont le centre était à Constantinople.

Le Prophète Muhammad (PSL) répondit à leurs questions et mit en évidence le lien entre les deux traditions en ce que l’Islam était la continuation du message du Prophète Jésus, mais il fut catégorique quant au refus du dogme de la trinité. Le Prophète Muhammad (PSL) les appela à l’adoration du Dieu Unique et à accepter l’Islam comme étant la dernière Révélation.


« Alif – Lâm – Mîm. Dieu, il n’y a point d’autre divinité que Lui, le Vivant, l’Animateur de l’Univers ! Il t’a révélé graduellement le Livre en tant que Message de vérité, confirmant ce qui l’avait précédé, comme Il avait révélé la Torah et l’Évangile auparavant, pour servir de direction aux hommes. Et Il a également révélé le Livre du discernement [Le Coran]. » (Sourate 3 La famille d’Imrân, verset 1-3)


La Révélation confirme la reconnaissance des précédents Livres qui sont parvenus à l’humanité par l’intermédiaire de Moïse et de Jésus. Elle ajoute que le Coran participe de la même tradition monothéiste.

Plus loin le Coran précise les termes de l’invitation faite aux chrétiens quant au rapprochement et aux distinctions des deux messages :


« Dis : « Ô gens du Livre ! Venez donc à une parole commune entre nous et vous, à savoir de n’adorer que Dieu seul, de ne rien Lui associer et de ne pas nous prendre les uns les autres pour des maîtres en dehors de Dieu. »


S’ils s’y refusent, dites-leur :


« Soyez témoins que, en ce qui nous concerne, nous sommes soumis à Dieu. » (Sourate 3 La famille d’Imrân, verset 64)


La délégation du Najân refusera d’adhérer au message du Prophète (PSL). Avant de repartir, les membres de la délégation voulurent accomplir leurs prières leurs prières à l’intérieur de la mosquée. Les compagnons s’y opposèrent et le Prophète (PSL) intervint :


« Laissez les prier ! »


Ceux-ci prièrent donc dans la mosquée en se tournant vers l’Orient. Au moment de partir, ils proposèrent au Prophète (PSL) d’envoyer avec eux un émissaire qui vivrait auprès d’eux, répondrait à leurs questions et, le cas échéant, jugerait de certaines de leurs affaires. Abû ‘Ubayda Ibn al-Jarrâh fut désigné alors que ‘Umar ibn al-Khattâb avouera plus tard avoir tenté d’attirer l’attention du Prophète (PSL) afin que celui-ci le désignât pour accomplir cette mission.

La délégation s’en retourna. Les chrétiens étaient venus à Médine, s’étaient enquis du Message, avaient écouté le contenu de la nouvelle religion, avaient présenté leurs arguments, avaient prié à l’intérieur même de la Mosquée, puis ils étaient partis sans être inquiétés, toujours chrétiens et parfaitement libres.

L’attitude du Prophète (PSL) ne sera oubliée par les premiers compagnons qui en tirèrent la substance du respect qu’impose l’Islam à ses fidèles en les invitant, au-delà de la tolérance, à apprendre, à écouter et à reconnaître la dignité de l’autre. Le commandement : 


« Pas de contrainte en religion » (Sourate 2 Baqâra, verset 256)


s’accorde avec cette façon respectueuse d’aborder la diversité et le dialogue des religions.


« Ô vous les hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. En vérité, le plus noble d’entre vous auprès de Dieu est celui dont la conscience de Dieu [la piété] est la plus profonde. Dieu est Omniscient et le Bien informé. » Sourate 49, verset 13)


Plus que la tolérance, le respect exigé par Dieu se fonde sur un rapport égalitaire de connaissance mutuelle. Dieu seul connaît le contenu des cœurs et la profondeur de la piété des uns et des autres.


« Et tu constateras certainement que les plus proches en sympathie (en terme d’affection) vis-à-vis des croyants (musulmans) sont ceux qui disent nous sommes chrétiens et ce car il en est parmi eux qui sont prêtres et moines et qu’ils ne s’enflent point d’orgueil. » (Sourate 5 verset 82)


Ce verset formule les termes d’une relation privilégiée entre les musulmans et les chrétiens, se fondant sur deux qualités essentielles que sont la sincérité et l’humilité. Avec les chrétiens comme avec toutes les autres traditions spirituelles et religieuses, l’invitation à la rencontre, au partage et à un vivre ensemble fructueux restera pour toujours fondée sur ces trois conditions :


  • Chercher à acquérir la tradition de l’autre
  • Demeurer sincère
  • Apprendre l’humilité quant à la prétention  à détenir la vérité


Ci-dessous le texte connu sous le nom «Pacte de Najrân» établi par le Prophète Muhammad (PSL) : 

 « “Au nom de Dieu clément et miséricordieux.” Charte de protection donnée par Dieu et son apôtre à ceux qui ont reçu  le Livre (sacré), aux chrétiens qui appartiennent à la religion de  Najran ou à toute autre secte chrétienne. Il leur a été écrit par  Mahomet, envoyé de Dieu près de tous les hommes, en gage de protection  de la part de Dieu et de son apôtre, et afin qu’il soit pour les  musulmans qui viendront après lui un pacte qui les engagera, qu’ils  devront admettre, reconnaître pour authentique et observer en leur  faveur. Il est défendu à tout homme, fût-il gouverneur ou détenteur  d’autorité, de l’enfreindre ou de le modifier. Les Croyants ne devront  pas être à la charge des chrétiens, en leur imposant d’autres conditions que celles qui sont portées dans cet écrit. Celui qui le conservera,  qui le respectera, qui se conformera à ce qui y est renfermé,  s’acquittera de ses devoirs et observera le pacte de l’apôtre de Dieu.  Celui qui, au contraire, le violera, qui s’y opposera, qui le changera,  portera son crime sur sa tête ; car il aura trahi le pacte de Dieu,  violé sa foi, résisté à son autorité et contrevenu à la volonté de son  apôtre : il sera donc imposteur aux yeux de Dieu. Car la religion que  Dieu a imposée, et le pacte qu’il a fait, rendent la protection  obligatoire. Celui qui n’observera pas ce pacte, violera ses devoirs  sacrés, et celui qui viole ses devoirs sacrés n’a pas de fidélité et  sera renié par Dieu et par tous les croyants sincères. La raison pour  laquelle les chrétiens ont mérité d’obtenir ce pacte de protection de  Dieu, de son envoyé et des croyants, est un droit qu’ils se sont acquis, et qui engage quiconque est musulman, d’obtenir cette charte établie en leur faveur par les hommes de cette religion et qui force tout musulman à y avoir égard, à lui prêter main-forte, à la conserver, à la garder  perpétuellement et à la respecter fidèlement.
·        la protection de Dieu et la garantie du prophète Mahomet, envoyé de  Dieu, s’étendent sur Najran et alentours, soit sur leurs biens, leurs  personnes, la pratique de leur culte, leurs absents et présents, leurs  familles et leurs sanctuaires, et tout ce qui grand et petit, se trouve  en leur possession
·        aucun évêque ne sera déplacé de son siège épiscopal,
·        ni aucun moine de son monastère,
·        ni aucun prêtre de sa cure,
·        aucune humiliation ne pèsera sur eux,
·        ni le sang d’une vengeance antérieure à la soumission,
·        ils ne seront ni assemblés ni assujettis à la dîme,
·        aucune troupe ne foulera leur sol
·        et lorsqu’un d’eux réclamera son dû,
·        l’équité sera de mise parmi eux
·        ils ne seront ni oppresseurs ni opprimés
·        et quiconque d’entre eux pratiquera dans l’avenir l’usure, sera mis hors de ma protection
·        aucun homme parmi eux ne sera tenu pour responsable de la faute d’un autre »




Yathrib 786
Le 06 mai 2018

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