Le retour des Qurayshites à la Mecque fut douloureux, et la plupart des clans étaient touchés
par la mort d’un des leurs. La situation était désastreuse. Toutes les bouches
criaient vengeance à l’instar de Hind
qui avait perdu son père, son frère et son oncle dans la bataille. Elle jura de
boire le sang de Hamza. Les chefs Quraysh ne tardèrent pas une minute à
réagir et à tenter d’établir des alliances avec les cités et les tribus avoisinantes afin de combattre
les musulmans, de se venger de cette humiliation et de mettre un terme à leur présence dans la
péninsule.
Abû
Lahab, qui était en trop mauvaise santé physique pour participer
aux combats, était resté à la Mecque. Il demanda à Abû Sufyân de lui raconter la façon dont les choses s’étaient
déroulées et les circonstances de la défaite.
Anecdote :
Alors
que ce dernier exposait les faits, un esclave assis à proximité, et qui avait
gardé jusque-là secrète sa conversion à l’Islam, ne put contenir sa joie et
ainsi se découvrit. Abû Lahab se
précipita sur lui et le frappa rudement en le maintenant au sol. ‘Um al-Fadl, la belle-sœur d’Abû Lahab et épouse de ‘Abbâs, qui assistait à la scène et
qui, elle aussi s’était secrètement convertie à l’Islam, s’élança sur son beau-frère
et le frappa violemment avec un pieu de tente. La blessure à la tête était
profonde. Elle s’infecta en quelques jours et le corps entier d’Abû Lahab fut finalement atteint :
il mourut dans les semaines qui suivirent.
Le Coran avait, des années
auparavant, annoncé son destin et sa perte, comme celle de sa femme, alors qu’ils
s’acharnaient dans leur haine de l’Islam. Contrairement à certains autres
oppresseurs qui changèrent d’attitude, ni Abû
Lahab ni sa femme ne manifestèrent une quelconque attirance pour le message
du Prophète Muhammad (PSL). Cette
mort, dans le rejet et la violence, venait de confirmer ce que la Révélation avait annoncé : tous deux seraient, jusqu’au bout,
parmi ceux qui nient et se rebellent.
Les musulmans avaient
enterré leurs morts et se préparaient à rentrer à Médine. Ils avaient soixante-dix
prisonniers, et une discussion eut lieu entre le Prophète Muhammad (PSL), Abû
Bakr et ‘Umar. Ce dernier était
d’avis qu’il fallait les tuer, contrairement à Abû Bakr, le Prophète
Muhammad (PSL) décida de leur laisser la vie sauve à l’exception de deux
prisonniers qui s’étaient montrés particulièrement odieux avec les musulmans,
qu’ils avaient humiliés et torturés jusqu’à leur mort quand ceux-ci se
trouvaient à la Mecque. La possession
des captifs allait être un moyen supplémentaire d’humilier les Quraysh, contraints de venir payer une
forte rançon à Médine, ce qui de
surcroît, allait permettre aux musulmans d’obtenir des gains estimables. Une Révélation coranique viendra par ailleurs reprocher au Prophète Muhammad (PSL) ce choix essentiellement motivé par le
désir d’acquérir des richesses :
« Un prophète ne devrait pas faire de prisonniers avant d’avoir prévalu [mis les mécréants hors de combat] sur la terre. Vous voulez les biens d’ici-bas, tandis qu’Allah veut l’au-delà. Allah est Puissant et Sage.N’eût-été une prescription préalable d’Allah, un énorme châtiment vous aurait touché pour ce que vous avez pris. [de la rançon]. » (Sourate 8 Al-Anfâl (Le Butin), verset 67-68)
Les combattants musulmans
s’étaient du reste déjà disputés sur le partage des butins, et des divergences
apparurent sur les mérites de chacun ainsi que sur la nature de la répartition.
Les coutumes préislamiques quant aux butins de guerre, étaient demeurées bien
ancrées : la quantité des gains amassés après une guerre faisait partie de
la fierté et de l’honneur des vainqueurs.
Une Révélation du Coran mentionnera cette dispute et indiquera que le
butin devait revenir « à Dieu et à
son Envoyé».
« Ils t’interrogent au sujet du butin. Dis: «Le butin est à Allah et à Son messager.» Craignez Allah, maintenez la concorde entre vous et obéissez à Allah et à Son messager, si vous êtes croyants. » (Sourate 8 Al-Anfâl (LE BUTIN), verset 67-68)
Ce qui sous-entendait que le Prophète Muhammad
(PSL) allait avoir à faire face à de nombreuses reprises à ce genre de
tentations et de différends entre ses compagnons, et, à chaque reprise, la Révélation
ou lui-même leur répétait qu’ils devaient se questionner sur leurs intentions.
Cherchaient-ils les biens de ce monde ou la paix de l’au-delà ? Ils
restaient des êtres humains, avec leurs faiblesses et leurs tentations. Ils avaient
besoins de rappels, d’éducation spirituelle et de patience, comme c’est le cas
de chaque conscience à proximité du Prophète Muhammad (PSL) ou tout au
long de l’histoire des Hommes. Cette dernière nous apprend, somme toute, à ne
rien idéaliser : rien ni personne.
Lorsqu’ils arrivèrent à Médine, le
Prophète Muhammad (PSL) reçut la nouvelle du décès de sa fille Ruqayya,
la femme de ‘Uthmân ibn ‘Affân. Il venait de perdre ses premiers
compagnons, et voilà que sa fille s’en était allée alors qu’il revenait d’une
expédition victorieuse. Le mariage du contentement et de l’affliction lui
rappelait la fragilité de la vie et, toujours, sa relation essentielle à l’Unique
dans l’épreuve comme dans le succès. Rien n’était définitivement acquis. Plus
tard, ‘Uthmân allait épouser Um Kulthûm, une autre fille du Prophète
Muhammad (PSL). Ce dernier allait s’unir à Hafsa, la fille de ‘Umar
ibn al-Khatab, qui vint s’installer dans l’une de ses habitations aux
alentours de la mosquée.
Les tractations avec les familles des captifs
commencèrent. Certaines familles venues payer leur dû et s’en étaient
retournées avec leur parent. Certains prisonniers furent libérés sans rançon,
alors que les plus pauvres étaient soumis à des accords particuliers. Les captifs
qui savaient lire et écrire et étaient incapables de payer le prix de la rançon
devaient s’engager à apprendre à lire et à écrire à dix jeunes médinois s’ils
voulaient obtenir leur libération. Encore une fois de plus, le Prophète
Muhammad (PSL) montrait l’importance du savoir et envoyait un message aux
membres de sa communauté. En temps de paix comme en temps de guerre, la savoir,
la connaissance, lire et écrire, sont des facultés et des outils qui font la
dignité de l’Homme. Le savoir de certains captifs était leur richesse, il
devint leur rançon.
Yathrib
786
Le
08 avril 2018
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