Dieu
avait le pouvoir de sauver son Envoyé
(PSL). Celui-ci émigra en veillant à ne jamais rien devoir aux hommes. Il
refusa les dons, régla les dettes et fit restituer les dépôts en sa possession.
Il avait la conviction de tout devoir à l’Unique, Exalté soit-il. Sa dette et
sa dépendance à Son égard étaient somme toute infinies.
Abu Bakr avait recouru aux services d’un
bédouin non musulman, ‘Abd Allah ibn
Uraïqat, pour les guider et les mener à Yathrib par des chemins peu connus
et discrets. ‘Abdallah était
polythéiste mais avait respecté la parole donnée. Il connaissait mieux que
personne les chemins escarpés et protégés. Au moment du départ, ‘Abdallah ibn Uraîqat vint les trouver
à la caverne avec les deux chamelles et ils firent route vers l’ouest puis vers
le sud, avant de prendre le chemin du nord vers Yathrib.
Ils atteignirent
‘Aqiq et gravirent les pentes noires et accidentées qui s’étendaient de l’autre côté. Lorsqu’ils
parvinrent au sommet de la pente, « le pays bien arrosé entre les deux
étendues de pierres noires », ce lieu dont le Prophète Muhammad (PSL) avait tant rêvé était là, devant eux.
Cet oasis où se mêlaient le gris-vert des bosquets de palmiers et le vert plus
tendre des vergers et des jardins.
Le
voyage était périlleux. Ils étaient certain que si les Quraysh rattrapaient ou découvraient les trois voyageurs, ils n’hésiteraient
pas à les tuer et à mettre fin aux activités subversives du Prophète Muhammad (PSL).Ce dernier et
son compagnon s’en étaient remis à Dieu.
L'histoire de Salmân
Le
voyage dura vingt jours. Ils arrivèrent enfin dans un petit village, Qubâ, situé à l’extérieur de Yathrib. Les gens guettaient déjà son
arrivée non sans inquiétude ni impatience. Ils avaient pris toutes les
dispositions pour le protéger de tentative d’enlèvement. Beaucoup d’autres
visiteurs se présentèrent pour saluer le
Prophète Muhammad (PSL) ou faire sa connaissance, dont de nombreux juifs de
Yathrib attirés par la curiosité.
Parmi ces visiteurs, un homme qui, selon les apparences, n’était ni arabe ni
juif. D’origine Perse, il se nommait Salmân.
Il était né dans le village de Jayy,
non loin d’Ispahan, de parents
zoroastriens, puis devenu chrétien. Il avait, jeune encore, gagné la Syrie. Par
la suite, il avait vécu en Iraq où il fut le disciple de plusieurs sages
nazaréens jusqu’au jour où l’un d’entre eux, à l’article de la mort, lui eut
déclaré que le moment était venu où un nouveau prophète allait apparaître :
« Il sera envoyé avec la religion d’Abraham, et se manifestera en Arabie où il émigrera de son foyer natal vers un lieu situé entre deux coulées de lave, une contrée de palmiers. Ses signes seront évidents : il mangera d’une nourriture offerte, mais non si celle-ci est donnée en aumône, et, entre les épaules, il y’aura « le sceau de la prophétie ». Un sage Nazaréen
Salmân résolut donc de rejoindre le
prophète annoncé et paya un groupe de marchands pour qu’ils l’emmenèrent avec
eux en Arabie. Mais près du golfe de
‘Aqaba, au nord de la mer Rouge, les
marchands le vendirent comme esclave à un juif qui le vendit par la suite, à l’un
de ses cousins de la tribu des
Bani-Qurayza à Yathrib. Ayant
entendu parler de l’arrivée prochaine du Prophète
Muhammad (PSL) à Yathrib, Salmân fut instantanément persuadé que
c’était là le prophète qu’il appelait de ses vœux. Il sortait furtivement de la
maison où il servait et, de nuit, se rendit à Qubâ. Il le trouva assis au milieu de nombreux compagnons et, bien
que sa conviction fût déjà faite, il s’approcha de l’hôte et lui offrit un peu
de la nourriture qu’il avait apportée, précisant qu’il la donnait en aumône. Le
Prophète Muhammad (PSL) dit à ses compagnons d’en manger, mais lui-même n’y
toucha pas. Salmân souhaitait aussi
voir «le sceau de la prophétie»,
mais n’y parvint pas. Il rentra cependant à Yathrib le cœur rempli de joie et d’espoir. Il avait reconnu celui
dont on lui avait dit qu’il allait venir.
Affranchi
par la suite, et passé à l’Islam, Salmân
Pâk, "Salmân le Pur " aurait indiqué au Prophète Muhammad (PSL) les antécédents bibliques de certaines des
fulgurantes intuitions de celui-ci et l’aurait rassuré, chaque fois qu’un doute
s’emparait de son esprit à cause du « susurrement
d’Iblîs » au tréfonds de sa conscience. La sirâ affirme d’ailleurs que
le Prophète Muhammad (PSL) finit par
convertir son démon personnel. Cette gêne malfaisante qui accompagne le pas de
chacun. Salmân al-Farsî, Salmân le
Persan, témoin du mystère jaillissant de la Prophétie, sera perçu par la
mystique soufie comme l’un de ses inspirateurs illuminant.
Le Prophète Muhammad (PSL) resta trois jours
dans le village où ils construisirent une mosquée, la première de l’émigration.
Le Prophète Muhammad (PSL) agira de la sorte à chacune des
étapes le menant à son installation définitive à Yathrib.
L'arrivée à Yathrib« Si vous ne lui portez pas secours... Allah l’a déjà secouru, lorsque ceux qui avaient mécru l’avaient banni, deuxième de deux. Quand ils étaient dans la grotte et qu’il disait à son compagnon: «Ne t’afflige pas, car Allah est avec nous.» Allah fit alors descendre sur Lui Sa sérénité «Sa sakîna» et le soutint de soldats (Anges) que vous ne voyiez pas, et Il abaissa ainsi la parole des mécréants, tandis que la parole d’Allah eut le dessus. Et Allah est Puissant et Sage. » Sourate Tawba 9, verset 40
Quand
il quitta Qubâ’, le Prophète Muhammad (PSL) prit la
route de Yathrib et s’arrêta à midi,
à l’heure de la prière, dans la vallée de Rânûnâ’.
Il y effectua avec ses compagnons la
première prière du vendredi et, ici encore, une mosquée allait être établie.
Il se dirigea ensuite vers le centre de la cité. Nombreux furent ceux qui l’arrêtaient
et l’invitaient à demeurer chez eux. Il leur demanda de laisser aller Qaswâ’,
sa chamelle, qui lui indiquerait le lieu exact où il s’installerait. Celle-ci
se fraya un chemin, puis revint, puis s’arrêta enfin près des terres
appartenant à deux orphelins, et le Prophète
(PSL) paya le prix qui leur était dû.
Sa demeure allait donc être construite en ce lieu, de même qu’une
mosquée.
Le Prophète Muhammad (PSL), par ce geste
trois fois répété, marquait ainsi l’importance et la centralité de la mosquée
dans le rapport à Dieu, à l’espace et aux collectivités humaines. La construction
du masjîd (le lieu où l’on se
prosterne) institue un espace particulier, sacralisé au sein de la sacralité
première et essentielle de l’univers entier.
« La terre entière est un masjîd, une mosquée. » Hadîth rapporté par al-Bukharî
La
mosquée ainsi construite devient l’espace axial de la communauté spirituelle
musulmane où qu’elle se trouve, mais elle signifie également la réalité de l’installation,
de l’acceptation de l’espace d’accueil et de sa transformation en espace pour
soi, chez soi.
La
présence de la mosquée révèle de fait qu’un lieu, une ville ou un village, a
été adopté et que la conscience croyante est « à la maison », parce
que le lieu d’adoration qui, par essence, rappelle le sens, y a été institué.
L’acte
répété du Prophète est en soi un enseignement : quel que soit l’exil ou le
voyage, quels que soient le mouvement et les départs, il ne faut jamais perdre,
nulle part sur la terre, le sens et la direction. Les mosquées disent le sens,
la direction et l’installation.
Yathrib est devenue Médine.
Yathrib 786
Le
24 décembre 2017
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