12 novembre 2017

Le Voyage Nocturne ( Al Isra ) et l’Ascension ( Al Mi’raj )



Quelques temps avant l’Hégire, Le 27ème jour de Rajab 620, le Prophète Muhammad (PSL) vécut ce que l’on devait appeler par la suite Le Voyage Nocturne (Al Isra ) et l’Ascension ( Al Mi’raj ).

Le Prophète aimait se rendre dans l’enceinte de la Ka’ba pendant la nuit. Il y veillait et y priait pendant de longues heures. Un soir, il ressentit soudain une lourde fatigue et un profond besoin de dormir. Il se coucha donc à proximité de la Ka’ba et s’endormit.

Le Prophète Muhammad (PSL) raconte que l’ange Gabriel vint alors à lui, le secoua par deux fois, puis l’emmena la troisième fois aux portes de la mosquée où les attendait un animal blanc (qui semblait être un mélange entre la mule et l’âne et portait des ailes sur le flanc). Il enfourcha l’animal, nommé al-Bûraq, et ils s’en allèrent en compagnie de l’ange Gabriel vers Jérusalem (Al Qods). Là, Muhammad rencontra un groupe de Prophètes qui l’avaient précédé dans sa mission (Abraham, Moïse et d’autres), et il dirigea une prière en commun avec eux sur l’emplacement du Temple de Souleymane (Salomon, que la paix soit sur lui).

C’est à ce moment du Voyage, que prit fin la première étape qui eût pour sens l’affirmation de l’Unicité divine, sous forme d’une chaîne symbolique d’union des envoyés de Dieu, de l’identité des messages divins transmis par tous les Prophètes, notamment Ibrahim-Abraham, Moussa-Moïse et Issa- Jésus (que La Paix d’Allah soit sur eux).

La prière terminée, le Prophète fut élevé en compagnie de l’ange Gabriel au-delà de l’espace et du temps. Il s’éleva dans les cieux, en laissant l’empreinte de son pied sur le Rocher (qui se trouve aujourd’hui dans la Mosquée du Dôme à Jérusalem).

Sur sa route, dans l’ascension des sept cieux, il rencontra les Prophètes qu’il reconnaissait tout de suite et sa vision des cieux et de la beauté de ces horizons imprégnait son être. Il parvint au « Lotus de la Limite » (sidrat al-muntaba’) : 


“Puis, je fus emmené au Lotus de la Limite, Sidrat Al Mountaha”, raconta Le Prophète, “au – delà duquel, nul ne peut aller” (Sourate 53, verset 14 )


C’est là que le Prophète Muhammad (PSL) reçut l’injonction des cinq prières par jour et la révélation du verset qui fixait les éléments du credo (al-‘aqîda) des musulmans :


« L’Envoyé a cru [croit], ainsi que les croyants, en ce qui lui a été révélé de la part de son Seigneur [Rabb-Educateur]. Tous ont cru [croient] en Dieu, en Ses anges, en Ses livres et en Ses envoyés. -Nous ne faisons aucune distinction entre Ses envoyés. Ils disent : Nous avons entendu et nous avons obéi ; accorde-nous Ton pardon, Toi notre Seigneur ; c’est vers Toi que s’accomplit le grand retour. » Sourate (2 la Vache, verset 285)
«La nuit d’Isra, deux coupes furent apportées au Prophète, alors qu’il était à Jérusalem ; l’une contenait du vin, l’autre du lait. Il les regarda puis choisit le lait. Gibril que la Paix d’Allah soit sur lui, dit alors : «  Louanges à Allah, Qui t’a guidé vers la Fitrah ( voie primordiale, innée ) Si tu avais choisi le vin, ta Oummah ( communauté ) serait morte. » » (L’imam Al Boukhari, qu’Allah lui fasse Miséricorde, a mentionné le hadith suivant d’après Abou Houreyra qu’Allah l’agrée)

Il y avait là quatre fleuves, deux cachés et deux visibles. Je demandai :

« Qu’est-ce que cela Ô Gibril ? »

Il dit :


« Les deux fleuves cachés sont des fleuves du Paradis, les deux fleuves visibles sont le Nil et l’Euphrate. »


Arrivé à ce stade, Dieu ordonna au Prophète (PSL) la prière canonique pour les êtres humains, à raison de cinquante par jour. Quand le Prophète descendit, Moussa – Moïse, que la Paix d’Allah soit sur lui, édifié par son expérience avec les fils d’Israël, lui suggéra de retourner vers Dieu pour lui demander de baisser ce nombre. Le Prophète Muhammad (PSL) y retourna jusqu’à ce que Dieu accepte et que le nombre fut réduit à cinq, avec une valeur de cinquante !

Le Prophète reçu également, à l’intention des croyants, divers commandements sur le nombre et l’objet desquels la tradition varie quelque peu :

  • N’adorer que Dieu Seul, Parfait en Son Essence et en Son Unité
  • Aimer son prochain comme soi – même et protéger les faibles
  • Aimer, vénérer et assister son père, sa mère et ses proches
  • Accueillir les infortunés et les orphelins, les abandonnés, les voyageurs et les étrangers en les considérant comme hôtes de Dieu
  • Ne pas tuer ni commettre l’adultère
  • N’être ni prodigue, ni avare, ni concupiscent, ni orgueilleux
  • Respecter tous les êtres
  • Respecter la propriété d’autrui et prendre soins des biens des orphelins
  • Etre honnête et loyal en tout et envers tous : s’interdire de falsifier les écrits, de pratiquer l’usure, de frauder sur les poids et les mesures, de porter un faux témoignage

Pour sa mission, Allah lui recommanda la patience, la bonté, le pardon des offenses, la pitié pour ses persécuteurs. Il lui fit connaître qu’il devait se préparer à l’exil (Hégire), ce qui exigera de lui et des croyants, courage et sacrifice.

Le prophète Muhammad (PSL) fut ramené à nouveau à Jérusalem par l’ange Gabriel et al-Burâq, puis de là à La Mecque. Sur la route du retour, il aperçut des caravanes qui faisaient également route vers La Mecque. Il faisait encore nuit quand ils parvinrent dans l’enceinte de la Ka’ba. L’ange et la monture s’en allèrent, et le Prophète Muhammad (PSL) se rendit chez Um Hânî. Il lui raconta ce qui lui était arrivé.
 

« Il s’agit du voyage céleste du Prophète, sur lequel la concision coranique contraste avec la proximité de la tradition, de la théologie et de la mystique. Voyage qui soulève un ensemble complexe de problèmes délicats, malgré l’abondante littérature élaborée par les musulmans d’hier et les orientalistes occidentaux de nos jours. » Le Coran ’, traduction nouvelle par le Cheikh BOUBAKEUR HAMZA, ENAG Editions, Alger 1989


Sur le chemin du retour, entre Jérusalem et la Mecque, Le Prophète vit des caravanes progresser dans le désert. Au matin, il fit part de son voyage nocturne aux Qurayshites qui se moquèrent de lui et le rapportèrent à Abou Bakr (Qu’Allah l’agrée) qui rétorqua :


« S’il le dit, c’est que c’est vrai ! » Ibn Hishâm, op. cit., vol. 2, p. 256


Ce qui lui valut le surnom de « Aç-çiddiq », qui témoigne de la Vérité, le Véridique. Plus tard, les caravanes que le Prophète avait vues en revenant de Jérusalem, arrivèrent à La Mecque, confirmant ses dires.


« Gloire à celui qui fit voyager de nuit Son serviteur de la Mosquée sacrée à la Mosquée la plus éloignée dont Nous avons béni les alentours, afin de lui faire découvrir certains de Nos signes ! Dieu est, en vérité, l’Audient et le Clairvoyant. » (Sourate 17, verset 1)

« C’est en vérité une révélation inspirée, que lui a enseignée un être d’une force prodigieuse, doué d’une sagacité inouïe, qui se manifesta devant lui sous forme angélique, alors qu’il se trouvait à l’horizon suprême. Puis l’être se laissa glisser et s’approcha jusqu’à ce qu’il ne fût qu’à une distance de deux portées d’arc ou moins encore. C’est alors que Dieu révéla à son Serviteur ce qu’il voulait lui révéler. Et le cœur ne saurait démentir ce que les yeux ont vu. Allez-vous donc lui contester ce qu’il a de ses propres yeux vu, et alors qu’il l’avait déjà vu d’une précédente apparition, près du lotus de La Limite, non loin du jardin du Séjour des bienheureux, au moment où un voile indéfinissable  recouvrait le Lotus ? Le regard du prophète n’a ni dévié ni outrepassé la mesure, et c’est ainsi qu’il lui fut donné de voir certains des plus grands signes de son Seigneur (Rabb-Educateur). » Sourate 53 verset 4-18)


Le voyage nocturne et l’Ascension nocturnes feront l’objet de beaucoup de commentaires, de moqueries  et de rires. Les critiques ne tardèrent pas. Les Quraysh avaient enfin la preuve que ce Prophète (PSL) était bien fou puisqu’il osait affirmer qu’en une nuit, il avait fait un voyage vers Jérusalem (qui, à lui seul, nécessitait plusieurs semaines) et que, de surcroît, il aurait été élevé dans la proximité de son Dieu Unique. 

L’élection prophétique par le voyage nocturne était dans les faits, pour les musulmans, une véritable «épreuve de la confiance» au moment où ceux-ci vivaient une situation complexe. La tradition rapporte que quelques musulmans quittèrent l’Islam mais la majorité d’entre eux eurent confiance au Prophète Muhammad (PSL). Des faits vinrent confirmer quelques semaines plus tard certains des propos qu’il avait tenu comme par exemple l’arrivée de convois dont il avait annoncé la venue.

C’est bien la force de confiance dans la foi qui allait permettre à la communauté des musulmans de faire face aux futures adversaires.

Il va sans dire que si cet événement suscita bon nombre de discussions au sein de la communauté des savants. Qu’il fut en songe ou réel, que le Prophète y participa corps et âme ou non, il marque l’Unité de la Prophétie, depuis Adam jusqu’à Muhammad (PSL). La majorité d’entre eux optent pour un voyage corps et âme, en son corps et en son esprit : 


« Il faut distinguer le cœur, l’essence des choses et la présence de celles – ci dans le cœur. Entre le cœur et la Vérité (Al Haqq) s’interpose un voile. Lorsque le voile est levé, l’Homme a connaissance de la forme du monde physique et surnaturel et il aperçoit un Paradis qui englobe les cieux et la terre et les surpasse amplement. » l’imam Abou Hamid Al Ghazâli (1058 – 1111 )


Le ciel et la terre constituent le monde matériel visible qui malgré son étendue est limité. En revanche, le monde surnaturel qui ne peut être saisi que par une perception spirituelle est infini. Et cette faculté de saisir ainsi l’Univers de Dieu est une grâce secrète que Dieu accorde aux prophètes et dans certains cas aux mystiques.
Ils se dégagent également d’autres enseignements sur cette expérience du Messager de Dieu (PSL) :

-      La centralité de Jérusalem : Le Prophète Muhammad (PSL) priait le visage tournée vers la ville sainte (la première qibla : la première direction).Et c’est sur le site du Temple qu’il dirigea la prière en compagnie de tous les Prophètes. Jérusalem apparaît ainsi au cœur de l’expérience du Prophète Muhammad (PSL) et de son enseignement pour l’Eternité du temps par le double symbole de la centralité (Direction de la prière)et de l’universalité (par la congrégation en prière de tous les Prophètes).
Plus tard à Médine, la direction de la prière changera de Jérusalem vers la Ka’ba pour ainsi marquer une distinction avec les religions précédentes. Cela ne diminuera point le statut de Jérusalem. Le verset 1 de la sourate 17 rappelle bien le lien entre la « Mosquée sacrée » (al-Ka’ba)) et la « Mosquée éloignée » (Al-aqsâ à Jérusalem).
-      L’autre enseignement est d’essence purement spirituelle : toutes les Révélations sont parvenues au Prophète Muhammad (PSL) au cours de son expérience terrestre à l’exception des versets qui fixent les piliers fondateurs de la foi (al-imân) et de l’obligation de prière (as-salât). Le Prophète Muhammad (PSL) a été élevé pour recevoir les fondements intangibles du culte (al-aqîda) et du rituel (‘ibâdât) lesquels exigent des croyants une acceptation, en l’état, de leur forme autant que de leur fond.


Dieu a prescrit des exigences et des normes que la conscience doit entendre et appliquer et le cœur aimer. Elevé pour recevoir la prescription de la prière rituelle, le Prophète Muhammad (PSL) 0et son expérience révèlent ce que la prière doit être par essence : un rappel et une élévation, cinq fois par jour, vers le Très-haut pour se détacher de soi, du monde et des illusions. Le Mi’râj (l’élévation, lors du voyage nocturne) n’est donc point simplement un archétype de l’expérience spirituelle ; il recèle le sens profond de la prière qui, au moyen du verbe de l’Eternel, doit libérer la conscience des contraintes et des contingences  de l’espace et du temps.

Yathrib 786
12 novembre 2017

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