24 septembre 2017

La notion de Jihad dans la pure tradition prophétique




Au cours de mes réflexions sur la vie du prophète, je souhaite revenir sur la notion complexe de Jihad. De plus, le thème est bien trop actuel pour le passer sous silence.
Un journaliste Français célèbre dans la confusion des genres disait récemment « qu’il n’ existait pas deux islams et donc que les terroristes s’appuient sur des références coraniques solides. » (Eric Zemmour).

Ces versets existent bien comme le rappellent Yassine Derradj et Yannis Boustani qui ont inspiré ce travail de recherche ; ils sont appelés les « versets du sabr ». Néanmoins, Il est dangereux voire réducteur de sortir les versets de leur contexte. Une lecture littérale conduirait à une interprétation sélective à l'image de certaines analyses biaisées.

Le Coran est tout à la fois. Un livre d’histoire, de Rappel, une direction, une quête, une morale, un humanisme, la Paix… Pourtant, le jihad guerrier a bel et bien existé au temps du prophète, et le sabre a été utilisé au nom d’Allah.

De là, deux problématiques se soulèvent :

- De quelle manière, dans quel contexte, et pour quels motifs ce prophète envoyé comme « Miséricorde pour les mondes » a-t-il mené la lutte armée ? 

- Le jihadisme d’aujourd’hui est-il conforme  à la tradition prophétique ?

Nous allons y répondre simplement, puisque le Prophète Muhammad (PSL) était très clair sur le sujet. 

 

Le Prophète, un homme juste 

1. Le jihad : un effort pour une vie juste et morale

    On répertorie 80 définitions, ou traductions du mot "jihad". 

62 d’entre elles renvoient aux notions "d’effort, de combat contre soi-même, contre ses vices et ses pulsions", afin d’améliorer son comportement au quotidien pour finalement acquérir des qualités humaines. 

Le prophète Muhammad (PSL) rappelait ainsi :
« Ceux qui ont la foi la plus parfaite, sont ceux qui ont les meilleurs caractères. Et les meilleurs d'entre vous sont ceux qui sont bons envers leurs épouses »
Rapporté par At-Tirmidhî (Hadîth Hasan Sahîh)
Le Prophète (PSL) assimile le jihad ici à un combat pour "le meilleur caractère". Rien de violent donc, mais quelque chose qui se rapproche de la morale. Cela s'intègre dans l'idée largement reconnue depuis Aristote qu' « un des traits saillants de la morale semble être que ses prescriptions s'imposent à nous indépendamment de nos désirs, de façon inconditionnelle » (Samuel Dishaw)
Plus encore, dans le mot « Jihad » il y a également une notion de résistance contre les dimensions sombres de son être (Jihad an-nafs)

Le Prophète rappelle donc que "ce que je dois faire" (être un homme bon, croyant, aimant) peut parfois s'opposer à "ce que je veux faire". Or, le jihad, c'est se rappeler la primauté de ce premier impératif, nous prescrivant ainsi de mettre à l'écart nos désirs et intérêts individuels lorsqu'ils entrent en conflit avec nos devoirs.  

2. le jihad, les règles d'un guerrier défensif. 

Le prophète Muhammad (PSL) est dépeint tantôt sanguinaire – l’argument du meurtre de tribus juives est souvent ressorti pour expliquer un présumé antisémitisme intrinsèque à l’Islam – tantôt homme de paix, concorde et de justice. 
Une fois ce constat posé, rappelons que le texte sacré n’a été bâti que sous forme de révélations successives à partir de Layla al Qadr – à la fin de la 39ème année du prophète – et que certaines sont envoyées par Allah (Sub annahou wa talla) dans des instants précis de la mission prophétique. 
Or, le Prophète Muhammad (PSL) était un homme comme tout le monde faut-il souvent le rappeler. Les épisodes guerriers ne représentent en aucun cas l’essence de la mission prophétique.  

Enfin, le message coranique lui-même a évolué au gré des révélations et du contexte. 
Persécuté dans sa ville d’origine, La Mecque, le Prophète Muhammad (PSL) se voit un jour dans l’obligation d’effectuer sa Hîjra (émigration) vers Médine pour continuer sa mission et ainsi obéir aux ordres divins. 
Il organise la vie à Médine (Yathrib) ; il y met en place une constitution multi-confessionnelle où les communautés vivent ensemble au quotidien dans la tolérance et la Paix. Il accueille la Mission de Najran au sein de l’enceinte de la mosquée de Médine où les prêtes prient et dorment malgré les protestations de quelques musulmans très vite remis à l’ordre par le Prophète (PSL) lui-même. 
Or, ce n’est qu’après les attaques des Quraysh, tribu régnante de la Mecque, que le Prophète (PSL) se mue en chef de guerre. 
Par ailleurs, lorsque les musulmans reprennent la Mecque, malgré leur supériorité, aucune goutte de sang ne sera versée. Le Prophète Muhammad (PSL) refuse d’obéir à la pulsion de revanche contre ceux qui ont tant méprisé le message divin et sa nouvelle communauté élue.


   La création du « Jihad défensif »


1. le contexte de création du jihad

Le prophète de l’Islam (PSL)  s’est vu être confronté à des résistances de la part de son peuple et plus précisément des chefs de la Mecque. En effet, l’envoyé d’un Dieu unique gênait profondément les chefs commerçants de la ville Sainte car leur commerce était principalement basé sur la vente des idoles et les bénéfices du pèlerinage païen. Les premiers musulmans ont donc souffert d’agressions physiques, d’humiliation et de tentatives de meurtres et d’homicides. Certains, à l’image du premier martyr de l’Islam, Soumaya, se sont fait tuer pour leur foi. Le récit du compagnon du prophète, Bilal al Habachi nous vient également en tête. Cet esclave noir abyssinien fut torturé par ses maîtres polythéistes pour avoir abandonné la religion des idoles et embrassé la religion de l’unicité.

C’est dans ce contexte d’oppression qu’a eu lieu la célèbre Bataille de Badr, première bataille de l’Islam et événement historique fondateur. C’est en l’an 2 de l’hégire que Dieu commande au Prophète (PSL) et à ses compagnons de prendre les armes après que les mecquois aient confisqué tous leurs biens,
« Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) – parce que vraiment ils sont lésés ; et Allah est certes Capable de les secourir -ceux qui ont été expulsés de leurs demeures, – contre toute justice, simplement parce qu’ils disaient : « Allah est notre Seigneur ». – Si Allah ne repoussait pas les gens les uns par les autres, les ermitages seraient démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom d’Allah est beaucoup invoqué. Allah soutient, certes, ceux qui soutiennent (Sa Religion). Allah est assurément Fort et Puissant, ceux qui, si Nous leur donnons la puissance sur terre, accomplissent la Salât, acquittent la Zakat, ordonnent le convenable et interdisent le blâmable. Cependant, l’issue finale de toute chose appartient à Allah. » 
Sourate 22, Le pèlerinage, 39-41
Ce verset marque un précédent historique et laisse le champ libre au Jihad arméL’Islam autorise donc la guerre mais sous certaines formes et règles qu’il convient d’énumérer.



2. Les règles de la guerre sainte

Très souvent le Jihad a été proclamé à travers les siècles. L’exigence des règles établies par le Prophète (PSL) était si stricte, qu’elles ont rarement été respectées, ou parfois volontairement omises.

Le défunt Ramadan al Bouti, éminent savant écrit dans son ouvrage Le Jihad en Islam : comment le comprendre et comment le pratiquer ? que trois des quatre écoles juridiques sunnites proclament que le jihad est avant tout une résistance contre l’oppression et non pas comme on pourrait le penser une guerre contre la dénégation. Ibn Al Qayyim et At-tabari, deux références du sunnisme, écrivent que toutes les batailles du Prophète Muhhamd (PSL) étaient des batailles défensives, sans exception. L’avis majoritaire de l’Islam sunnite est donc que le Jihad armé est principalement défensif.

Le jihad belliqueux ne peut être enclenché que dans deux cas. Lorsque les musulmans sont attaqués dans leur honneur, leurs nations, leurs personnes, leurs biens et leurs familles, ou lorsque la prédication est empêchée et persécutée. C’est en ce sens que l’Emir Abdel Kader face à l’invasion française ou encore Abdelkrim al Khatabi avaient lancé des appels au Jihad contre les puissances coloniales.

La guerre est donc une exception mais s’avère parfois inévitable. Le Prophète Muhammad (PSL) de l’Islam a néanmoins donné des directives de son vivant et a lui-même mené la guerre d’une façon éthique. 

« Lorsque l’Envoyé de Dieu désignait un émir à la tête d’un corps d’armée ou d’un corps expéditionnaire, il l’exhortait de se prémunir de Dieu et de faire le biens aux musulmans qu’il emmenait. Puis il disait : « Combattez, mais ne prélevez pas une part du butin, ne violez pas un pacte, ne mutilez pas les corps des ennemis, ne tuez pas les enfants. » » Il est également rapporté que le Prophète a dit : « Allez au nom de Dieu, par Dieu, et selon la religion de l’Envoyé de Dieu ! Ne tuez ni les vieillards ni les enfants ni les femmes. Ne prélevez pas une part du butin, mais rassemblez-le, Améliorez, agissez avec bonté : Dieu aime ceux qui agissent avec bonté. »
Les compagnons du Prophète (PSL), après sa mort, ont repris la tête du tout jeune état islamique – notamment les 4 califes bien-guidés – et ont continué les expéditions militaires. L’Imâm Mâlik rapporte dans son livre de référence, le Muwatta, que lorsqu’Abû Bakr As-Siddîq est investi «Calife du prophète d’Allah », il ordonnait à ses généraux envoyés en expédition :
« de ne tuer ni femme, ni enfant, ni vieillard, de ne pas couper un arbre fruitier, ni détruire ce qui est construit, de n’égorger ni mouton ni chameau, sauf s’ils sont à manger ; de ne pas mettre au feu les abeilles et ne pas les disperser ; ne fraude pas et ne sois pas lâche. »
Bien évidemment la paix, ou la signature d’un traité est toujours préférable : 
« S’ils penchent pour la paix, penches-y toi-même, sans cesser de faire confiance à Dieu, qui est l’Entendant, le Connaissant. S’ils voulaient te duper, qu’il te suffise de Dieu et de qui te suit parmi les croyants. » (S. 8, V. 61-62)

 Le jihadisme ou la trahison de la trahison prophétique

1. Le jihad à la lumière des derniers événements

Toutes les institutions religieuses de référence – avec en tête de liste la célèbre école d’Al Azhar – ont condamné de manière absolue les attentats commis au nom de Dieu. L’Algérie, le Maroc, et même l’État saoudien considéré comme le plus rigoriste, y compris l’égyptien Al Qaradawii réfugié au Qatar, ont également condamné les attentats.


Loin de nous de s’attribuer le droit de retirer à certains croyants leur qualificatif de musulman, cela semble une vérité indéniable que le jihadisme a trahi la conception majoritaire de la Sunna du prophète de l’Islam. 

Les attentats suicides, les attaques contre des victimes innocentes, femmes, enfants, vieillards, et civils, ou encore les massacres des populations chrétiennes d’Irak demeurent des actes interdits par Allah et son prophète comme nous l'avons expliqué précédemment. Les preuves coraniques sont nombreuses ; la plus éloquente est la suivante :
« Celui qui tue une âme innocente, c’est comme s’il avait tué l’humanité entière et celui qui sauve une âme, c’est comme s’il avait sauvé l’humanité entière. » (S 52, V 32). 


 2. De la guerre sainte à la guerre sale

Le jihadisme ne représente ni l’Islam ni les musulmans : il s’en revendique à des fins politiques et construit un discours visant à rameuter des déracinés en quête d’aventures et d’identités. 
« Devenez des héros à l’aube de l’Apocalypse ; vous mourrez en martyr au jour de la dernière des Fitna et une place vous sera réservé au paradis ! ».
Rappelons-nous le dernier sermon du Prophète (PSL) sur le mont Arafat :
« Le sang, la dignité, l’honneur de l’homme sont sacrés. »


Ci-dessous, les principaux juristes classiques qui ont codifié la doctrine du jihad


Source : LA CONCEPTION DU JIHAD : ENTRE LA DOCTRINE CLASSIQUE ET LES JIHADISTES D'AL-QAÏDA, mémoire de Racha Asso présenté en 2007 à l'Université du Québec

Yathrib786
24 septembre 2017


17 septembre 2017

Al hidjrâ al-Oûla ou la première hégire



La plupart des hashémites, avec Abu Tâlib à leur tête, se tenaient derrière le Prophète Muhammad (PSL). Ils lui assuraient un appui inconditionnel. 

Abu Tâlib, qui nourrissait une affection particulière pour son neveu, persistât jusqu’à son dernier souffle dans son refus de renier les dieux. En effet, chez les hashémites et notamment chez Abu Tâlib, le sentiment de la race et le devoir corollaire de protection du clan l’emportent sur tout le reste, ce reste-là fût-il essentiel. Les qorayshites lui dirent à plusieurs reprises de condamner les actes de son neveu, tel que le rapporta Ibn Hishâm :

« O Abou-Taleb ! le fils de ton frère a outragé nos idoles, blasphémé notre religion, ridiculisé nos idéaux, désavoué nos pères. Tu dois l’empêcher de nous nuire, ou cesser de t’interposer en nous et lui. »

Néanmoins, le vieux chef resta inébranlable et finit, en accord avec la tolérance proverbiale de la cité, par opposer une fin de non-recevoir aux ennemis de son neveu.

La colère des Qorayshites monta de plus en plus, excitée par des ralliements spectaculaires dont celui de Hamza b. Abu-Muttaleb à la cause du Prophète Muhammad (PSL). Il fut un personnage socialement important et qui, de plus, était l’oncle du Prophète Muhammad (PSL)

Bientôt des cas de tortures de musulmans sont signalés. La sirâ rappelle l’histoire de  Bilal, l’Abyssin ; esclave islamisé d’un riche marchand qui lui fit subir les pires souffrances physiques, Abu Bakr parvint à l’acheter et à l’affranchir.

Toutefois le Prophète Muhammad (PSL) et les siens qui jouissaient de la protection de leur clan durent accepter cette évidence : les musulmans qui ne bénéficiaient pas du même droit devaient fuir.

La sirâ nous rappelle les circonstances du choix qui fut finalement fait de partir vers l’Abyssinie en l'an moins huit de l'hégire. Selon Ibn Hischâm, plus tard repris par Tabarî :
«Quand le Messager d’ALLAH eut considéré les maux qui frappaient ses compagnons, alors que lui-même demeurait en sérénité, grâce à la protection d’Allah et à celle de son oncle Abu-Talîb, et que, par la suite, il se sentit impuissant à les défendre, il leur dit :
« Si vous gagnez le pays des Abyssins, vous y trouverez un roi chez nul n’est opprimé ; c’est une terre de vérité. Vous y resterez jusqu’au jour où Alla vous accordera le salut. » »
Les Muhajjirûn, à savoir les « émigrés » (quatre-vingt-trois hommes plus les femmes) sortirent de la Mecque, par groupes successifs, et traversèrent comme ils purent la mer Rouge. Le premier à suivre les conseils du Prophète (PSL) fut son gendre Ousmane B. Affâne, le futur calife.

Cet épisode de l'histoire de l'islam, ce départ collectif, est important : c’est la hidjra al-Oûla, la première Hégire. Mais aussi c’est le premier contact de l’Islam avec un État étranger, chrétien de surcroît, dont l’armée avait, cinquante ans auparavant, tenté de s’emparer de la Mecque.

Les qorayshites ne se montrèrent pas indifférents à cette émigration massive. Ils se seraient mis à la poursuite des fuyards alors que ceux-ci avaient déjà rejoint la haute mer. Ce qui explique que quelque temps après, ils décideront d’envoyer une ambassade auprès du roi d'Abyssinie, le Négus (Al Nadjachî).

Néanmoins, une question se pose : pourquoi, le prophète de l'islam choisit-il l’Abyssinie, pays chrétien ?
Il marque la prédilection qu’avait celui-ci pour les fidèles de Issa Ibnou Maryam (Jésus, fils de Marie). La sirâ exalte l’hospitalité et l’asile que le Négus accorda aux musulmans au risque de mécontenter ses puissants voisins et de troubler les excellentes relations commerciales qu’il entretenait avec eux.

Deux qorayshites de marque, Abdullah b. Rabi’â et Amrou Ibn al-Aç ( le futur conquérant de l’Egypte), furent délégués par la Mecque auprès du souverain abyssin. L’argument des ambassadeurs mecquois était que les Muhajjirûn (les émigrés) avaient abandonné la foi de leurs pères par une religion factice « que nous ne connaissons pas et que vous ne connaissez pas ».

Ils eurent beau plaider et discourir pour obtenir l’extradition des émigrants, tout ce que leur accorda le Négus, en fin de compte, fut l’instauration d’un débat contradictoire.

Voici ce débat tel que nous le rapporte Ibn Hichâm :

Le Négus (assisté des évêques, portant les Evangiles, précise Ibn Hichâm), invita d'abord les musulmans à prendre la parole.

Voici les propos que tînt Dja’far b. Abu Talîb :

« O Roi, s’écria-t-il, nous formions un peuplade plongée dans l’ignorance, adorant les idoles. Nous nourrissons les charognes, nous vautrant dans la luxure, sans nulle attention aux liens de parenté, ni à ceux du voisinage, le fort s’engraissant aux dépens du faible. Nous croupissions dans cet état jusqu’au jour  où Allah nous a envoyé son Apôtre, qu’il a choisi parmi les nôtres, et dont nous connaissons les ancêtres. Nous le connaissions déjà depuis longtemps comme un homme véridique, fidèle et pur. Il nous a appelés à Allah, pour attester sa divinité unique et l’adorer, rejeter les idoles et les bétyles que nous vénérions à l’imitation de nos pères. Il nous a commandé de dire toujours la vérité, de tenir nos engagements, de secourir nos parents, d’aider nos voisins, de fuir à jamais la voie du péché, de nous abstenir de toute effusion de sang. Il nous a formellement interdit de nous livrer à la débauche, de proférer un faux témoignage, de dépouiller l’orphelin de son avoir, d’attenter à l’honneur des femmes. Il nous a commandé d’adorer qu’Allah, et lui seul, de ne lui associer aucune autre divinité, de prier, de distribuer l’aumône, de pratiquer le jeûne. Nous avons cru en lui ; nous avons obéi aux prescriptions qu’Allah a révélées par sa bouche… Et nous nous sommes interdit ce qu’il nous a interdit. Notre peuple nous opprime, nous persécute, nous oblige à renoncer à notre religion, à cesser d’adorer Allah pour revenir aux cultes des idoles… C’est alors que nous sommes venus rechercher un asile dans ton royaume, que nous t’avons préféré à tout autre, que nous avons sollicité ta protection, dans l’espoir, Ö Roi, que chez toi nous ne serons  pas opprimés… »

Et Dja’far se mit à psalmodier avec ferveur les versets de la sourate Maryam :
« Mentionne, dans le Livre (le Coran), Marie, quand elle se retira de sa famille en un lieu vers l’Orient.
Elle mit entre elle et eux un voile. Nous lui envoyâmes Notre Esprit (Gabriel), qui se présenta à elle sous la forme d’un homme parfait.
Elle dit:
«Je me réfugie contre toi auprès du Tout Miséricordieux. Si tu es pieux, [ne m’approche point].»
Il dit:
«Je suis en fait un Messager de ton Seigneur pour te faire don d’un fils pur.»
Elle dit:
«Comment aurais-je un fils, quand aucun homme ne m’a touchée, et que je ne suis pas prostituée?»
Il dit:
«Ainsi sera-t-il! Cela M’est facile, a dit ton Seigneur! Et Nous ferons de lui un signe pour les gens, et une miséricorde de Notre part. C’est une affaire déjà décidée.»
Elle devint donc enceinte [de l’enfant], et elle se retira avec lui en un lieu éloigné. »
Sourate XIX Maryam, verset 16-22

Le Négus, nous dit Ibn Hichâm, fondit en larmes :
« Ce que je viens d’entendre, dit-il, et ce que le Christ nous a enseigné, coule de la même source. Allez en paix ! Je ne vous livrerai pas. »

Ibn Hichâm ajoute même que le Négus, à cette occasion, aurait embrassé l’Islam.

Yathrib 786
17 septembre 2017

10 septembre 2017

La voie et les moyens de la résistance




Les Qorayshites ne cessaient de se moquer du Prophète Muhammad (PSL). Les humiliations et les sévices continuaient de plus belle. Ils lui demandaient des miracles, des preuves tangibles sur le choix de Dieu d’élire un homme sans aucun pouvoir particulier, un homme qui se promenait dans les marchés sans qu’aucun signe ne le distingue des autres hommes. 

On moquait autant l’homme et ses prétentions que le message et son contenu.
Le Prophète Muhammad (PSL) restait malgré tout ferme sur ses positions. Ainsi, quand l’un des chefs des Quraysh, ‘Utba Ibn Rabî’a, vint le voir pour lui proposer de l’argent et de le pouvoir, la réponse du Prophète (PSL) fut d’abord de citer longuement le Coran :

« Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.’ā, Mīm.

[C’est] une Révélation descendue de la part du Tout Miséricordieux, du Très Miséricordieux. Un Livre dont les versets sont détaillés (et clairement exposés), un Coran [lecture] en arabe pour des gens qui savent, annonciateur [d’une bonne nouvelle] et avertisseur. Mais la plupart d’entre eux se détournent; c’est qu’ils n’entendent pas. »

Et ils dirent: 

«Nos cœurs sont voilés contre ce à quoi tu nous appelles, nos oreilles sont sourdes. Et entre nous et toi, il y a une cloison. Agis donc de ton côté; nous agissons du nôtre.»


Le Prophète (PSL) répondit : 

«Je ne suis qu’un homme comme vous. Il m’a été révélé que votre Dieu est un Dieu unique. Cherchez le droit chemin vers Lui et implorez son pardon. Et malheur aux Associateurs qui n’acquittent pas la Zakāt et ne croient pas en l’au-delà!

Ceux qui croient et accomplissent de bonnes œuvres auront une énorme récompense jamais interrompue. »

Il dit enfin : 


«Renierez-vous [l’existence] de celui qui a créé la terre en deux jours et Lui donnerez-vous des égaux? Tel est le Seigneur de l’univers,
c’est Lui qui a fermement fixé des montagnes au-dessus d’elle, l’a bénie et lui assigna ses ressources alimentaires en quatre jours d’égale durée. [Telle est la réponse] à ceux qui t’interrogent. »


Coran, sourate Fissillat, verset 1-10 détaillés

Le Prophète (PSL) continua sa lecture jusqu’au verset 38, et par la suite, se prosterna en signe de révérence au Dieu Unique.
‘Utba était venu à lui afin de lui proposer les richesses et le pouvoir de ce monde, et voilà qu’il se retrouvait en face d’un homme prosterné au nom de sa foi en l’Eternel. Le Prophète Muhammad (PSL) exprimait ainsi son refus clair de la proposition d’Utba. Ce dernier sera très fortement impressionné par la forme et le contenu du texte coranique. Il s’en retourna auprès des siens en leur proposant de ne pas s’opposer à ce message.

Le Prophète Muhammad (PSL) persévéra dans cette attitude. Chaque fois que les Quraychites s’attaqueront à lui, c’est par le Coran qu’il répondra, se protégera et résistera. Cette attitude est confirmée par la révélation avec ce verset qui consacre la première apparition du mot Jihâd dans le Coran :
« N’obéis donc pas aux infidèles; et avec ceci (le Coran), lutte contre eux (jâhidhum) vigoureusement (par la plus grande des luttes – jihâdan kabîra). »
Coran sourate le discernement, 25; verset 52
Face aux pressions de toutes sortes, le Prophète Muhammad (PSL) reçoit un verset qui lui indique la voie et le moyen de la résistance, le jihâd qu’il doit entreprendre.

Nous sommes ici en présence du sens premier et fondamental du concept Jihâd dont la racine, ja-ha-da veut dire « faire un effort ». Mais surtout il traduit un moyen de « résister »à l’oppression et à la persécution. Dieu commande ainsi à son Envoyé (PSL) de résister aux mauvais traitements des Quraysh en s’appuyant sur le Coran. Le Coran est, en effet, une véritable arme spirituelle et intellectuelle contre les agressions et leur violence.

Du texte se libère en l’homme la vraie force, celle qui a le pouvoir de résister et de dépasser toutes les répressions ici-bas. Parce qu’Il appelle à la Vie au-delà des illusions de cette vie :

« Cette vie d’ici-bas n’est qu’amusement et jeu. La Demeure de l’au-delà est assurément la vraie vie. S’ils savaient! »
Coran, Sourate al-Ankabût, l’araignée, verset 64

L’essence de la notion du « Jihâd fi sabîlillâh » (la résistance dans la voie de Dieu) est toute entière circonscrite dans cette occurrence au cœur de la sourate le « Discernement ». Il s’agit bien :
-      De reconnaître par le miracle de ces deux Révélations (l’Univers et le Texte) la présence de l’Unique,
-      Ensuite de résister aux mensonges et à la terreur de ceux qui sont mus que par la protection de leurs intérêts, de leurs pouvoirs ou de leurs plaisirs

Néanmoins, la première attitude requise consiste à prendre ses distances :

« Ecarte-toi donc, de celui qui tourne le dos à Notre rappel et qui ne désire que la vie présente.
Voilà toute la portée de leur savoir. Certes ton Seigneur connaît parfaitement celui qui s’égare de Son chemin et Il connaît parfaitement qui est bien guidé.
A Allah appartient ce qui est dans les cieux et sur la terre afin qu’Il rétribue ceux qui font le mal selon ce qu’ils œuvrent, et récompense ceux qui font le bien par la meilleure [récompense] »
Coran sourate An-Najm, l’Etoile verset 29-31
Le discernement est également, comme nous le voyons dans ces versets, d’ordre éthique, une foi mais aussi une façon d’Etre et d’Agir. Armés de ce savoir, le Prophète (PSL) et ses compagnons ont d’abord tenté de transmettre leur message librement, tout en essayant d’éviter la confrontation. Les Qorayshites n’avaient de cesse d’accroître leurs mauvais traitements à mesure que les Révélations se succèdent.

Les premiers musulmans (sous l’influence du Coran) s’engageaient à la résistance- au jihâh- en rappelant l’existence du Dieu Unique, la vie après la mort, le jugement dernier, la nécessité du bien. Et le Coran était toujours l’arme de leur discernement spirituel et leur armure face aux sévices corporels.

Un jihâd de résistance mais aussi et surtout une jihâh de savoir et de connaissance qui puise sons et son fondement du Coran.


Yathrib 786


10 septembre 2017