30 juillet 2017

La prière, L'Au-delà et le jugement dernier

Durant les premières années de la Révélation, le message coranique s’est structuré autour de quatre axes : l’unicité de Dieu, le statut du Coran, la prière et enfin la vie après la mort.

Nous avons évoqué l'unicité de Dieu et le statut du Coran dans un précédent article le message coranique durant les premières années de la Révélation

 

 La Prière


Alors qu'il marchait dans les environs de La Mecque, le prophète reçut la visite de l'ange Gabriel, qui lui enseigna comment il devait faire les ablutions et pratiquer la prière rituelle. Cet enseignement intervint très tôt et associa immédiatement l'acte de la purification par l'eau et la prescription de la prière, fondée sur la récitation des sourates du Coran et établie sur une gestuelle precise et cyclique (rak'a). Le prophète suivit une à une les instructions de l'ange Gabriel, s'en retourna chez lui et enseigna la prière à son épouse Khadîdja. Pendant ces premières années, la prière rituelle ne s'accomplissait que deux fois par jour, le matin et le soir.

La sourate al-Muzzammil, citée ci-dessus, fait référence à la prière de la nuit, qui sera également établie comme une obligation pour tous les musulmans au début de la période mecquoise, et ce jusqu'à l'imposition des cinq prières qui fixeront la pratique définitive. Le rituel et la formation spirituelle sont particulièrement exigeants :
" Ô toi, qui est enveloppé d'un manteau ! Lève-toi pour prier la plus grande partie de la nuit, ou la moitié, ou un peu moins ou un peu plus et psalmodie le Coran de la plus belle psalmodie. Nous allons te charger (faire parvenir) d'une parole de grand poids. En vérité, la prière de la nuit laisse une profonde empreinte et permet une plus grande concentration alors que durant le jour tu as à vaquer à de multiples occupations. Invoque sans cesse le nom de ton Rabb - Educateur - et fais don de ton être (communie avec lui) intensément."
Au coeur de La Mecque, dans un milieu de plus en plus hostile, les femmes et les hommes qui ont accepté l'islam se forment avec rigueur, et en silence. Ils se lèvent longuement pendant la nuit pour prier Dieu en récitant par coeur les "signes" du Coran que l'Unique a établi comme lien privilégié entre Son infinie Bonté et le coeur de chaque être. Cette intense et profonde formation spirituelle va de fait établir le caractère tout à fait particulier des premiers croyants : pieux, discrets et déterminés, ils prient le Dieu de la Miséricorde et la Paix, psalmodient sans discontinuer Sa Révélation qui est Rappel (Dhikr) et Lumière (Nûr) et suivent les enseignements et l'exemple de Son dernier Prophète. L'essence du mesasge islamique est tout entière exprimée dans cet intime rapport de confiance et d'amour avec le Très-Haut, qui établit une relation directe avec l'individu et son Créateur, de même que Celui-Ci a choisi de déterminer l'exemplarité du comportement à travers un envoyé, un être-humain, qu'Il a désigné comme modèle. Trois versets synthétiseront plus tard l'exacte teneur de cet enseignement : 
" Si mon serviteur te questionne à Mon Sujet : Certes, je suis proche. Je réponds à l'appel de qui M'apelle lorsqu'il/elle M'appelle."
 Le Prophète, au coeur de cette relation d'intimité, ouvre la voie : 
" Dis, : si vous aimez Dieu, suivez-moi (l'Envoyé), Dieu vous aimera et Il vous pardonnera vos péchés."
Il est le modèle de l'humanité aspirant au divin au-delà de la finitude de la vie : 
" Il y a certes pour vous, dans le Messager de Dieu, le meilleur des modèles pour qui désire (aspire à s'approcher de) Dieu et l'Au-Delà et se souvient de Dieu intensément."
Le premier groupe de croyants vivait de cet enseignement : dans leurs prières, ils faisaient face à Jérusalem, manifestant ainsi la claire filiation de ce message avec les monothéismes juif et chrétien et cette même aspiration vers l'Éternel et la Vie au-delà de la vie. 




L'Au-delà et le jugement dernier



Les premiers versets reviennent de façon cyclique sur le thème de la vie après la mort. Face à l'incrédulité des hommes, le Coran s'appuie, nous l'avons vu dans les chapitres précédents, sur des exemples tirés de la nature, du désert, et des terres apparemment mortes et renaissent sous l'effet de la pluie. Très tôt, l'attention du Prophète est orientée vers la priorité de cette autre vie : "Et l'Au-delà est certes meilleur pour toi que la vie ici-bas."

Dans les faits, ce message n'est pas destiné à apaiser les doutes et les craintes vis-à-vis de la mort inéluctable, mais, très clairement, à imprimer dans la conscience et le coeur des croyants la conviction que cette vie a un sens et que le retour se fera vers Dieu. Ce qui sourd de cette omniprésence du rappel de l'Au-delà est bien l'idée du Jugement dernier, pour lequel Dieu établira la balance entre le bien et le mal dont chaque être aura été responsable durant son existence. Ainsi, par la conscience du Jugement, s'établit la relation entre la foi et la morale, entre la contemplation et l'action : la "Voie de la droiture" qui plaît au Très-Haut est celle de ceux qui "portent la foi et font le bien" (al-ladhina âmanû wa 'amilû al-salihât). 

Etre avec Dieu, être pour Dieu, faire don de soi, c'est donc, "commander le bien et résister au mal", c'est faire le choix de l'exigence éthique. Etre avec Dieu, c'est changer son comportement et décider de faire partie d'une "communauté qui appelle au bien". L'islam, comme les autres traditions monothéistes, insiste sur le retour à Dieu, Son jugement, le paradis et l'Enfer, et de nombreux versets lient le sens de la vie à  cette dimension de l'Au-delà. Dans l'expérience spirituelle qui détermine le sens de la vie et y associe l'injonction de l'éthique du comportement, cette étape initiatique est essentielle, même si elle n'est pas l'ultime enseignement de la relation avec Dieu. Au-delà de l'espoir de Son Paradis et de la crainte de l'Enfer, le paroxysme de la relation au Très Rapproché est avant tout de L'aimer et de désirer observer Sa face pour l'éternité, comme l'enseignera plus tard le Prophète à ses compagnons avant cette invocation : "Ô Dieu, offre-nous la grâce et le plaisir de pouvoir observer Ta face infiniment généreuse". L'exigence morale se présente comme le passage obligé de la proximité intime et amoureuse de Dieu.



Propos extrait du livre de Tariq Ramadan, Muhammad, la vie du Prophète, "les enseignements spirituels et contemporains", ed. Archipel Poche, 2006


Yathrib 786 

Dimanche 30 juillet 2017

23 juillet 2017

Le Message coranique durant les premières années de la Révélation

Après un bref séjour au Sénégal, je reviens sur ce blog dédié à la vie, au message et à l’enseignement de notre Illustre Prophète (PSL).
Durant les premières années de la Révélation, le message coranique s’est structuré autour de quatre axes :
l’unicité de Dieu, le statut du Coran, la prière et enfin la vie après la mort.


L’unicité de Dieu (at-Tawhîd)

L’essentiel du message coranique était l’affirmation de l’unicité de Dieu. Avec la notion de « Rabb », vont bientôt apparaître le nom divin « Allah » et des formules qui associent Son être à la paix et à la miséricorde. Ainsi l’ange Gabriel interpelle le Prophète (PSL) avec la formule :


« Que la paix soit sur toi, Ô Envoyé de Dieu »



« Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient sur toi »



Ces formules sont celles que les musulmans utiliseront dès l’origine, et jusqu’à aujourd’hui pour se saluer et invoquer Dieu au moyen de deux de Ses noms : la Paix (as-Salâm) et le Très-Miséricordieux  ou le Très Clément -  l’Infiniment Bon  (ar-Rahmân).

Par ailleurs, chaque verset du Coran commence par une phrase de sanctification rappelant la Présence de l’Unique et Ses qualités suprêmes :


« Au nom de Dieu, Le Très Clément, le Miséricordieux »


Le Coran fera très tôt du nom ar-Rahmân un équivalent du nom Allâh :


« Invoquez Dieu (Allah ou invoquez l’Infiniment Bon, le Très Miséricordieux, le Très Clément (ar-Rahmân), quel que soit celui que vous invoquez, c’est à lui qu’appartiennent les beaux noms. » Coran (17, 110)


Cette omniprésence de la référence à l’Unique et à ses différents noms et qualités est essentielle. Cette attitude va façonner le mode de relation que les premiers croyants établiront avec Dieu. Une reconnaissance de Sa présence et une assurance que Sa bonté est un don. Sa présence n’est en réalité qu’une promesse de Paix. C’est ce que confirme à merveille la sourate ar-Rahmân  qui s’adresse aux êtres comme aux Djinns :


« Le Miséricordieux a enseigné le Coran, créé l’homme et lui a appris à s’exprimer clairement.
Le Soleil et la Lune obéissent à des lois préétablies. Les herbes et les arbres se prosternent devant Lui. Le Ciel, Il l’a élevé ; et l’équité, Il l’a instituée, afin que vous ne fraudiez pas dans les pesées  et que vous ne faussiez pas la balance. Quant à la Terre, Il l’a aménagée pour tous les êtres vivants, en la pourvoyant d’arbres fruitiers, de palmiers aux régimes bien protégés, de grains empaillés et de plantes odoriférantes. Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur oserez-vous renier? Il a créé l’homme d’une argile semblable à celle qui est utilisée en poterie et Il a créé les djinns d’un feu subtil sans fumée. Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur oserez-vous renier? Il est le Maître Souverain des deux Orients et Il l’est aussi des deux Occidents. » Coran (55, 1-17)

Le Statut du Coran

De la nature à l’exigence de l’éthique et de l’équité dans le comportement humain. Tout renvoie au souvenir du Créateur dont la manifestation première est la bonté et la clémence. C’est d’ailleurs au nom de Sa bienveillance à l’égard des Hommes qu’il a révélé le Texte. La Révélation est à la fois un don et un poids. C’est ainsi que se présente d’emblée ce qui constitue le socle du second axe des premiers enseignements islamiques. Dans la sourate Les Abeilles An-Nahl, le Coran établit le lien entre Dieu et l’Homme :


« Et Nous savons parfaitement qu’ils disent: «Ce n’est qu’un être humain qui lui enseigne (le Coran). Or, la langue de celui auquel ils font allusion est étrangère [non arabe], et celle-ci est une langue arabe bien claire. » Coran (16, 103)


Voilà un des fondements du credo musulman (al-‘aqîda) : il s’agit de la parole divine révélée en l’état à l’humanité dans une langue arabe claire. Elle est à la fois Rappel, lumière et miracle :

Rappel : des messages monothéistes du passé

Lumière : de l’orientation divine pour l’avenir

Miracle : de la parole éternelle et inimitable transmise à la conscience des hommes et au cœur de l’histoire.


Le Coran dès l’origine se présente comme le miroir de l’univers. Ce qui fut traduit par « verset » par les premiers traducteurs occidentaux (se référant au vocabulaire biblique) signifie littéralement, en arabe, « signe ».  Ainsi le livre révélé, le Texte écrit, est constitué de signes « Âya ».  De la même façon, l’univers, à l’image d’un texte devant nos yeux déployé, est foisonnant de ces mêmes signes. Lorsque c’est l’intelligence du cœur qui lit le Coran et le monde alors les deux Livres se font écho. Chacun d’eux parle de l’autre et de l’Unique. Les signes rappellent le sens de naître, de vivre, de penser, de sentir et de mourir.

Par sa forme et son contenu, le Coran par sa puissance spirituelle est le miracle de l’Islam. Il représente également une immense et double responsabilité pour les musulmans d’une part. D’autre part, l’exigence éthique que l’enseignement coranique leur impose et leur rôle de témoins de ces mêmes enseignements devant l’humanité. C’est cette dimension qui est présente dans la sourate al-Muzzammil (celui qui est enveloppé d’un manteau) :


« En vérité nous allons te charger d’une parole de grands poids. » Coran (73,5)


« Si nous avions fait descendre ce Coran sur une montagne, tu aurais vu celle-ci se prosterner d’humilité et se fendre sous l’effet de la crainte révérencielle de Dieu. » Coran (59,21)


Le Texte révélé, Parole de Dieu, (kalâm Allah) se présente tout à la fois comme un rappel bienveillant et une injonction morale particulièrement exigeante qui répand autant le souffle spirituel qu’il structure la forme précise du rituel religieux.

A suivre

Yathrib786

23 juillet 2017

02 juillet 2017

L’appel vers l’Unicité de Dieu



Le Prophète Muhammad (PSL) reçut un appel qui lui enjoignit de rendre son appel public :

« Avertis ceux de la famille qui te sont le plus proches. » Coran (26, 214)

Le Prophète comprit qu’il s’agissait désormais de transmettre le message aux membres des clans qui lui étaient liés par le sang.  Il commença  à appeler à l’Islam. Un jour il grimpa sur le mont As-Safâ’ et convia les chefs de tribus un à un.  Ceux-là pensant qu’il s’agissait d’une annonce urgente ou importante, se réunirent au pied du mont pour l’écouter.
De là où ils se trouvaient, il leur était impossible d’observer la vallée, contrairement au Prophète Muhammad (PSL) qui lui faisait face.
Il les apostropha en ces termes :

« Si je vous annonçais qu’il y a dans la vallée une borde de cavaliers dont l’intention est de vous attaquer, me croirez-vous ? » 

Ils répondirent à l’unisson :

« Certainement, tu es digne de confiance et nous ne t’avons point connu proférer des mensonges ! »

Et le Prophète (PSL) d’ajouter : 

« Or donc je suis pour vous l’annonceur de violents tourments ! Dieu m’a demandé d’avertir ma parenté la plus proche. Je n’ai pas le pouvoir de vous protéger de quoi que ce soit dans cette vie, ni de vous assurer la bénédiction dans l’au-delà à moins que vous ne croyiez à l’Unicité de Dieu. »

Puis, il ajouta :

« Ma position est identique à celle de celui qui voit l’ennemi, qui court avertir son peuple avant que celui-ci ne soit pris par surprise et qui, dans sa course, lui crie : « Attention ! Attention ! » Ibn Hishâm, Op. Cit., p 98-99

La réaction de son oncle Abû Lahab fut immédiate et cinglante :

« Malheur à toi ! (Taban Laka)  Est-ce pour cela que tu nous as réunis ! »

Il se détourna aussitôt entraînant avec lui l’assemblée des chefs : il allait ainsi devenir l’exemple de celui qui rejette le message du Prophète Muhammad (PSL) et qui va farouchement s’opposer à lui.

« Que périssent les deux mains d’Abū-Lahab et que lui-même périsse. » Coran (111,1)

Le Prophète Muhammad (PSL) organisera encore deux repas afin de transmettre ce même message. Le premier se soldera par un autre échec  à cause  d’une nouvelle intervention d’Abû Lahab, qui empêchera son neveu de d’exprimer.
Lors du second repas, le Prophète Muhammad (PSL) transmettra la substance de son message qui sera entendu et secrètement  accepté par certains membres des clans invités.

La réaction de sa parenté comme des chefs de tribu avait plutôt été distante et froide. Ceux-ci comprenaient que la nature du message du Prophète Muhammad (PSL) mettait en péril les anciens équilibres de leur société. Leurs dieux comme leur pouvoir pouvaient être remis en cause, et le danger était réel.

Le Prophète Muhammad (PSL) continua à s’adresser à son entourage jusqu’à ce qu’il reçoive une nouvelle Révélation lui ordonnant d’adopter une attitude franche et déterminée :

« Annonce donc ouvertement ce qu’on t’a ordonné et détourne –toi de ceux qui associent des divinités à Dieu. » Coran (15,94)

La mission du Prophète Muhammad (PSL) entrait dans une phase nouvelle. Désormais le message était destiné à tous et imposait une distinction franche entre le Tawhîd, la foi en un Dieu Unique, et le polythéisme des gens de Quraysh. Le Prophète Muhammad (PSL) avait rassemblé autour de lui un noyau solide de femmes et d’hommes de confiance issus de toutes les couches sociales et de toutes les tribus, dont depuis trois ans il assurait l’éducation spirituelle et religieuse.

Avec fermeté et endurance, ils allaient faire face au rejet, à la persécution et à l’exclusion au sein d’une société mecquoise qui commençait à se fracturer.

Yatrhib 786